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L’OPERA DE PARIS ET LES AUTEURS

par | 20 Août 2021

MESURE POUR MESURE

HISTORIQUE DE L’ADMINISTRATION DE L’OPERA DE PARIS
ET DE LA REMUNERATIONS DES AUTEURS

JACQUES BONCOMPAIN 23/7/1994

Pendant près d’un siècle les conditions de représentation du répertoire de la SACD à l’Opéra de Paris n’ont pas varié, comme si les auteurs et l’Opéra avaient trouvé le secret d’une entente durable. L’année 1979 marque la remise en cause de l’entente cordiale, du seul fait de l’Opéra, qui récidivera en 1987 et demande aujourd’hui l’ouverture de nouvelles négociations. Un examen attentif des rapports entre les auteurs et l’Opéra pendant trois siècles devrait nous aider à trouver les termes d’un juste accord entre eux aujourd’hui. C’est à quoi cette étude, avec ses limites, tente de répondre.

L’ANCIEN-REGIME

Le premier privilège fut accordé le 28 juin 1669, pour douze ans, à l’abbé Perrin, associé au compositeur Lambert, qui s’installèrent dans le jeu de paume de la Bouteille, rue Mazarine. L’ouverture eut lieu le 19 mars 1671, avec une Pomone. Le succés fut immédiat. Les représentations se succédèrent pendant huit mois, alors qu’au Théâtre Français, quelques représentations consécutives d’une même oeuvres prenaient des allures de triomphe.

Lulli, soucieux de régner sans partage sur la musique, détourna le privilége à son profit le 13 mars 1672, et s’installa dans un autre jeu de paume, le Bel-Air, rue de Vaugirard. Il succéda à Molière au Palais-Royal, dans le grand théâtre de trois mille places, le 15 juin 1673. L’Académie Royale de Musique devait y demeurer jusqu’à l’incendie de la salle, le 6 avril 1763.

Le 27 juin 1687, le gendre de Lulli, Francine, lui succéda. En 17O4, le privilège passa au payeur des rentes, Guyenet, qui ne réussit pas mieux financièrement. A sa mort, le 2O août 1712, le déficit s’élevait à 4OO.OOO livres. L’administration passa d’un aristocrate à un auteur pour échouer en1728 à Destouches, en 173O à Gruer et de 1733 à 1744 à un ancien capitaine, Thuret, lequel finit par déposer son bilan. Ses

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successeurs ne furent pas plus heureux. Rebelet et Francoeur lui succédèrent jusqu’en 1757, suivis de Trial, puis de Le Breton.

Après l’incendie de la salle du Palais-Royal, les représentations reprirent au Théâtre des Machines, aux Tuileries, le 24 janvier 1764 , où l’acoustique était détestable. Après six ans de travaux, une nouvelle salle fut inaugurée le 2 janvier 177O, place du Palais- Royal. Elle prit feu le 8 juin 1781. Sous la pression de Marie-Antoinette, passionnée d’opéra, une nouvelle salle fut aménagée en quatre-vingt-six jours à la Porte-Saint- Martin, où l’on donna quatre représentations par semaine, chiffre qui tomba à trois à compter de 1815. Dans l’intervalle, l’Opéra trouva asile en l’Hôtel des Menus-Plaisirs, là même où s’élève aujourd’hui le Conservatoire d’art dramatique, rue Bergère.

En dépit du succès remporté, l’Opéra demeurait un gouffre financier. Le privilège revint à la commune de Paris qui nomma comme administrateur, en 1778, Devismes du Valgy, avec une subvention de 8O.OOO livres. Le déficit persista et plus d’une fois le trésor royal fut mis à contribution pour boucher les trous. En 1713 le budget était de 217.OOO livres pour un effectif de 121 personnes. En 1778, il atteignait 9O7.OOO livres pour un effectif de 228 personnes.

D’après le règlement donné à Versailles le 11 janvier 1713, les poètes et les compositeurs se partageaient 2OO livres pour chacune des dix premières représentations, et 1OO livres par représentation additionnelle. Maigre rétribution. Sur 978.OOO livres de recettes produites par ses opéras, Rameau reçut 22.OOO livres, soit 2,25% des recettes, soit, en moyenne 1.157, 9O f. par an, quand les premiers sujets de l’Opéra recevaient de 12OO à 15OO livres avant 1713, somme qui fut doublée à cette date, pour atteindre, avec les feux, 7.OOO à 8.OOO livres en 177O. Les auteurs ont toujours été à la traîne des divas et des danseuses étoiles.

En 1776, Louis XVI améliora la conditions des compositeurs et poètes qui se partagèrent désormais 2OO livres pour chacune des vingt premières représentations, 15O livres pour les dix suivantes, et 1OO livres jusqu’à la quarantième, plus une gratification de 5OO livres, si le chiffre de quarante était dépassé. En outre, tout auteur dont trois ouvrages au moins demeuraient au répertoire, recevait une pension de 1OOO livres, augmentée de 5OO livres par nouvel ouvrage, et 1OOO livres pour le sixième. Un arrêt du conseil du 27 mars 178O retira à la Commune de Paris le privilège de l’Opéra qui passa sous la tutuelle de l’Etat.

En 1781, à la faveur de l’ouverture de la nouvelle salle, Porte-Saint-Martin, Louis XVI, soucieux de favoriser la composition d’oeuvres de qualité, augmenta encore les droits consentis aux auteurs. Pour l’avenir, l’auteur garde la propriété de son oeuvre, sa vie durant. Chaque représentation s’ajoutant aux quarante premières lui vaut un droit de 6O livres. Enfin, le 3 janvier 1784, « l’encouragement des auteurs étant un des moyens qui peut le plus contribuer à la perfection et à la variété du spectacle », le roi mécène établit trois prix. Les deux premiers, de 15OO et 5OO livres, récompensent

les auteurs des deux meilleures tragédies lyriques, ou reconnues comme telles par un jury de gens de lettres ; le troisième; d’une valeur de 6OO livres, est décerné aux auteurs de la pastorale, de la comédie-lyrique ou de l’opéra-ballet le plus apprécié.

***

LA REVOLUTION

Avec la Révolution, l’Opéra connut encore de grands succès par la représentation d’oeuvres de circonstance. Il est naturel que le changement de régime se soit traduit par un certain chamboulement de l’administration antérieure. Le Moniteur du 16 avril 179O précise que la Commune nomme des commissaires afin d’étudier la question des théâtres. Relèvent-ils de la compétence de la Commune, en tout, ou l’autorité municipale a-t-elle seulement sur eux une inspection extérieure et de police ? Pour Quatremère de Quincy, auteur dramatique et membre du Comité des auteurs, les questions générales relèvent du législateur et non de la Commune. Il prononce un discours en faveur de la liberté des théâtres devant les membres de la Commune, et le fait imprimer.

Jusque-là, nous l’avons dit, l’Opéra dépendait, du Ministre de la Maison du Roi qui gouvernait les évêques et les danseuses – comme s’il y avait un lien caché entre ces deux objets, observent quelques sujets facétieux de l’Opéra – alors que les biens du clergé, eux, sont confiés aux départements. L’Assemblée Nationale relève M. Guignard de son administration et nomme à sa place des commissaires municipaux qui, vite dépassés par des problèmes auxquels ils n’entendent rien, convoquent les Etats-Généraux de l’Opéra.

Selon les termes d’une pétition qui sera publiée en août, lorsque le conflit rebondira, « le chant voulait garder le dessus, la danse voulait rester sur l’ancien pied et l’orchestre, qui ne demandait que l’unisson, faisait pour l’obtenir un bruit infernal. Le président sonnait, mais quelle impression pouvait-il faire sur des oreilles accoutumées aux tymbales, aux trompettes, aux tromboni ? » C’est la confusion.

Pour avoir une idée de ce que pouvait être une production à cette époque, tenons un instant compagnie à notre fondateur, Beaumarchais. Le 3 août a lieu la reprise de son Tarare. L’oeuvre, politiquement audacieuse en 1787, a pris un coup de vieux avec l’emballement de la Révolution. Beaumarchais, qui ne veut pas être en reste avec les esprits aux idées avancées, révise sa copie. Il prône le mariage des prêtres, fait de Tarare un monarque constitutionnel. Embarrassé par les disputes entre partisans et adversaires de l’esclavage, il croit s’en tirer par une pirouette et parle de bonté au lieu de liberté.

Fortunés parmi nous.
Le despotisme affreux outrageait la nature : Nos lois vengeront cette injure ; Soyez heureux, levez-vous !

Après avoir donné tous ces gages de bon patriote, le voici qui, une fois de plus, tente de canaliser le processus révolutionnaire. Comme beaucoup d’hommes du Tiers Etat de son temps, Beaumarchais fronde la société aristocratique, moins en elle- même, que parce qu’il n’est pas né noble. Oui à une aristocratie, semble-t-il dire, si j’en suis ! D’où son achat de la terre de Beaumarchais et l’ambiguïté de ses relations avec un régime, des aristocrates, qu’il chahute et respecte à la fois, comme s’ils étaient la feuille dont il se nourrit et qui, disparue entièrement, le laisserait sur sa faim. Son intelligence, ses dons le hissent au-dessus du commun. Si le Comte ferait un mauvais valet, semble-t-il dire, Figaro mériterait d’être Comte ! Il aime à se faire remarquer et, après avoir été tenté par une aristocratie, fruit de l’histoire et de l’hérédité, dont il sent bien, qu’achetée à prix d’or, elle ne sera jamais que d’occasion, il lui troque la sienne, celle de l’esprit et de la fortune. Il y a du Bonaparte en lui, de l’homme qui se fait lui-même et qui attaque les lignées aristocratiques existantes pour mieux fonder sa propre dynastie, à l’image de Tarare, soldat obscur, proclamé roi par ses troupes. L’humain et le divin sont réconciliés en ce que le sort des armes peut être interprété comme la volonté de Dieu, et la volonté populaire ne fait que sanctionner la volonté divine. Pour les uns la légitimité se conforte dans le temps, pour les autres, plus le grade est fraichement acquis, plus il est légitime. Mais le premier soin du nouveau souverain ou du nouvel aristocrate est de pérenniser sa distinction ; aussi s’empresse- t-il de substituer un type de légitimité à celui dont il vient de se servir comme marchepied. En bref, la république a ses monarques et ses aristocrates, et il est des noms qui se transmettent comme des titres de noblesse, auxquels faveur, crédit et places sont attachés. Les mots changent, les situations restent ! Toute société a ses élites. Les tensions augmentent quand l’accès à l’élite se ferme.

Beaumarchais n’aime la foule qu’autant qu’elle se presse à ses oeuvres. Sinon il la redoute presque physiquement. La révolution qui a sa préférence sort des livres, du théâtre, des procès, du commerce, de la conversation, de la joute oratoire : en aucun cas de la rue. Mirabeau aristocrate porte sa noblesse comme un bonnet rouge, Beaumarchais est un citoyen en escarpins sur un parquet Versailles. Aussi tente-t-il de demander au peuple d’essuyer ses pieds en entrant dans les palais nationaux. Halte à l’émeute. D’où une cascade de vers en forme d’avertissement :

La liberté n’est pas d’abuser de ses droits. La LIberté consiste à n’obéir qu’aux lois.

Licence, abus de liberté,
Sont les sources du crime et de la pauvreté.

Mais ces vers audacieux lâchés, il fait chanter à Tarare, manière de se protéger des huées :

Mes amis, plaignons leur erreur ; Victime de quelque barbare, Quand ce bon peuple est en rumeur, C’est toujours quelqu’un qui l’égare.

Il y a de l’incendiaire pompier chez Beaumarchais, jusque dans la même oeuvre. C’est le cas de Tarare. Il reprochait à Chénier d’exciter le peuple au crime par la représentation mal à propos d’une pièce risquant de faire expier par un roi, le plus tolérant, le plus respectueux des personnes, les fautes de Charles IX Pour se mettre à couvert du même écart, il se sent en conscience obligé de dire nettement que toute assimilation entre le Tyran Atar et Louis XVI est inexacte. Aussi a-t-il ces mots en faveur d’un souverain qui ne lui a pas ménagé ses bontés, en dépit d’un bref emprisonnement suivi des plus grandes excuses.

Nous avons le meilleur des rois, Jurons de mourir sous ses lois.

Les esprits sont à ce moment-là à ce point échauffés que Bailly, n’ayant rien contre ces vers à titre personnel -il est monarchiste constitutionnel – en demande l’adoucissement de peur de protestations trop vives des patriotes. La réprésentation dans la version révisée a lieu dans une confusion indescriptible chaque camp sifflant les répliques que l’autre appaudit. La force publique requise sur scène conformément au déroulement de l’intrigue de la pièce, l’est dans la salle à la demande de Bailly et Lafayette. Force reste à la loi. Beaumarchais s’opposera à toute nouvelle modification de son texte et la pièce demeurera à l’affiche sans autre changement jusqu’à la fin de la monarchie.

Le 16 août un pan des privilèges du Théâtre-Français s’effondre : l’Assemblée Nationale donne satisfaction à une ancienne réclamation des auteurs en confiant aux seuls officiers municipaux le pouvoir d’autoriser l’ouverture des salles de spectacles. Il est ainsi mis fin à la tutelle du Ministre de la Maison du roi et des gentilshommes de la chambre, gardiens du quasi monopole du Théâtre-Français sur la tragédie et la haute comédie. Tout citoyen peut élever un théâtre public après déclaration préalable à la municipalité.

Le 2O août 179O, l’Assemblée Nationale légifère sur les académies, sans citer l’Académie Royale de Musique. Indignation de l’Opéra qui estime tenir son rang dans la nouvelle société. Dans une pétition, ses membres protestent de leur patriotisme et s’estiment victimes d’une injustice. Paris vivait du luxe et du plaisir, or Paris s’est révolté. Les contre révolutionnaires, qualifiés de « ligue noire » et de « maures », se sont vengés en désertant les spectacles. L’Opéra, lui, a fait son devoir : « Nous avons fait effort de poumons et de jambes pour donner quelques jours d’existence aux vers très constitutionels chantés par Louis IX dans le désert d’Egypte ; nous avons repris Tarare. » Or le ministère les a plongés dans la confusion en avril en relevant leur administrateur, M. Guignard, et des Etats-Généraux n’y ont rien changé. Conclusion, l’Opéra a autant de mérite que l’Académie Française à conserver son existence, pensions, jetons et coins. Qu’on se le dise !

Le 23 août, l’Assemblée Nationale décrète que « les spectacles publics ne pourront désormais être permis et autorisés que par les officiers municipaux. » C’est le moment pour les auteurs de demander à l’Assemblée Nationale d’aller plus loin et, après les avoir affranchis de la tutelle des gentilshommes de la chambre et des censeurs royaux, de les libérer, par une loi sur la propriété dramatique, de celle des comédiens.

L’Opéra renoue avec les administrateurs. Ainsi de Hébert, Francoeur et Cellerier en 1792, Morel le 3O frim:aire an II ( 2O décembre 1793), Bouet le 2O nivôse an I (9 janvier 1794).

Le 26 juillet 1794, veille du 9 thermidor, l’Opéra quitte la Porte Saint-Martin et s’installe dans le Théâtre des Arts, rue de Richelieu, à l’emplacement de l’actuel square Louvois, déclaré bien national par décret du 25 juin 1794. Son malheureux propriétaire, la Montansier, a le mauvais goût de se plaindre et se retrouve en prison. Avec le 9 thermidor, le répertoire classique se substitua peu à peu au répertoire révolutionnaire. Mais l’Opéra connait encore des jours difficiles au point qu’un arrêté du Directoire du 29 juillet 1798 ordonne la recherche des causes de sa décadence.

***

L’EMPIRE

Avec l’Empire, l’Opéra prend le titre d’Académie Impériale de Musique. Napoléon s’arroge le pouvoir de nommer les directeurs travaillant en régie. Le 2O janvier 1811, une ordonnance règlemente les pensions des artistes et le décret du 13 août 1811, rétablit la redevance payée, sous l’Ancien-Régime, la redevance payée à l’Opéra par d’autres salles de spectacle, supprimée en 1789.

Pendant la durée de l’Empire, les auteurs de l’Opéra touchèrent d’abord leurs droits selon une échelle mobile voisine de celle instituée par Louis XVI, avec une

revalorisation tenant compte de la dépréciation monétaire, soit, pour une oeuvre durant la soirée, 3OO francs pour chacune des vingt premières représentations ; de la vingtième à la trentième 2OO francs ; de la trentième à la quarantième 15O francs avec une gratification de 5OO francs à la quarantième, et 1OO francs pour les suivantes, sans limitation.

Puis le droit d’auteur fut une nouvelle fois réévalué , soit : 5OO francs à partager pour les quarante premières représentations d’une oeuvre durant la soirée entière ; 2OO francs pour la quarante-et-unième représentation et les suivantes. Les auteurs des opéras en un ou deux actes se partageaient 24O francs pour les quarante premières représentations et 1OO francs au-delà.

A l’Opéra Comique, il était attribué le neuvième de la recette pour une pièce en 3, 4 ou 5 actes et le douzième pour les pièces en un ou deux actes. Même chose au Vaudeville, avec cependant le seizième pour les pièces en un acte.

***

LA RESTAURATION

Lors de la Restauration, l’Opéra reprit l’appellation d’Académie Royale de Musique. Un ordonnance royale du 18 janvier 1816 réglementa les droits et honoraires, ainsi que le obligations imposées aux auteurs et compositeurs, sur le rapport du secrétaire d’Etat de la maison du roi. En voici la transcription empruntée à l’Annuaire des Lettres, des Arts et des Théâtres, du Journal Consitutionnel pour la saison 1846-1847. Le Code des Théâtres de Charles Constant, de 1876, en fait également état.

Le titre premier est sonsacré à la rémunération des auteurs.

« Art.1er. Les honoraires de chacun des auteurs, soit du poëme, soit de la musique, si l’ouvrage et les divertissements qui y sont attachés remplissent la durée du spectacle, seront réglés ainsi qu’il suit :

Pour quarante représentations, n° 1 à 4O inclusivement, 25O fr.
Pour les suivantes, à quelque nombre qu’elles s’élèvent, 1OO fr.
Art.II. Si l’ouvrage ne remplit pas la durée du spectacle, et qu’il faille ajouter un

ballet, les droits ci-dessus seront réduits aux deux tiers.
Art.III. A l’égard des opéras en deux ou en un acte, le droit de chacun des auteurs

du poëme et de la musique est fixé ainsi qu’il suit :
17O fr. pour quarante représentations, n° 1 à 4O inclusivement. 5O fr. pour chaque représentation suivante.

Art. IV. Les droits des compositeurs de ballets en deux ou trois actes seront réglés ainsi qu’il est dit à l’art.3.

Art.V. Pour tout ballet en un acte, les droits des compositeurs seront réduits aux deux tiers de ceux portés en l’art.3.

Les honoraires du compositeur de musique resteront à la charge du compositeur des ballets.

Art.VI. Les droits d’auteurs déterminés par les articles 1, 2, 3 pour les opéras seulement, seront réduits à moitié pour les ouvrages dont les poëmes seront traduits ou parodiés ; quant à ceux remis avec des changements, l’administration en traitera de gré à gré avec les auteurs, suivant l’importance des changements. Les mêmes dispositions sont applicables aux compositeurs de la musique.

Dans aucun cas, les compositeurs de ballets ne pourront avoir droit à des honoraires pour la remise des ballets dont ils ne sont pas auteurs, quelle que soit l’importance des changements qu’ils y auront faits.

Art.VII. Il sera fait, ainsi qu’il est dit à l’art. 25 de notre ordonnance du 1er novembre 1814, une retenue de 5% sur les sommes payées aux auteurs et compositeurs vivants. Art.VIII. La part d’auteur est un dépôt sacré, toujours prêt à être remis à leur fondé

de pouvoir ou à eux-mêmes, à leur première réquisition. »

Cette dernière observation a lieu de réjouir les auteurs et leurs représentants. Elle n’est pas sans rappeler, dans sa formulation, celle que fit Louis XVI en 1777, pour qui le droit de l’auteur était « une grâce fondée en justice. » Le terme « sacré » montre bien que le droit de l’auteur est un droit de l’homme, que l’Etat a l’obligation de sanctionnner et de respecter.

Le titre II traite des droits et obligations des auteurs et compositeurs :

« Art.IX. Les auteurs et compositeurs auront leurs entrées à l’orchestre ou à l’amphithéâtre, savoir : pour un ouvrage en un acte, pendant un an ; pour un ouvrage en deux actes, pendant deux ans ; pour un ouvrage en cinq actes, pendant cinq ans.

Art. X. Deux grands ouvrages donnent entrée pour dix ans ; trois, pour la vie.

Art.XI. Il sera accordé à chacun des auteurs et compositeurs, pour six représentations de leurs ouvrages, numéro 1 à numéro 6, vingt billets à chacun, d’une personne chaque, savoir : quatre billets d’orchestre, quatre d’amphithéâtre et douze de parterre.

Pour les représentations suivantes, ce nombre sera réduit à deux billets d’amphithéâtre, deux billets d’orchestre et quatre de parterre, toujours d’une personne chaque.

Art. XII. La distribution des rôles et pas des nouveaux ouvrages appartient aux auteurs, si mieux ils n’aiment le faire de concert avec l’administration ; après la

dixième représentation de l’ouvrage, l’administration a le droit de faire remplir ces mêmes rôles ou pas par des artistes à son choix.

Art. XIII. L’édition du poëme est une propriété de l’auteur ; il sera libre de le faire imprimer où il voudra, à la charge d’en remettre soixante exemplaires à l’administration.

Il en sera de même pour les programmes des ballets.

Art.XIV. Tout ouvrage dont la mise en scène aura été arrêtée, ne pourra être donné sur aucun théâtre qu’un an après la permission qui en aura été accordée par le ministre de notre maison, sur le rapport de l’intendant de nos menus-plaisirs ; si l’ouvrage est mis en scène, les auteurs ne pourront le retirer qu’à la vingtième représentation en remboursant les frais de sa mise.

Art.XV. La représentation d’un ouvrage dont le succès s’affaiblirait et ne produirait qu’une recette médiocre, pourra être suspendue, sans égard aux réclamations des auteurs.

Art.XVI. Tous les arrêtés, décrets et règlements contraires au présent sont abrogés. »

Les décrets de 1791 et 1793 énonçaient de façon très concises les principes de la protection du droit de représentation et de reproduction. Il est intéressant de voir ici le législateur entrer dans le détails des droits de l’auteur. Ainsi, l’autorisation de représenter une oeuvre n’emporte pas le droit de la publié, même si l’auteur, en l’espèce, doit remettre quelques éxemplaires à l’administraion de l’Opéra. Le droit moral est évoqué avec la distribution des rôles, qui revient à l’auteur de façon entière, en dernier ressort. De même l’auteur peut retirer son oeuvre de l’affiche, mais après que le minimum de vingt représentations ait été atteint, et sous condition de rembourser les frais de production, ce qui n’est pas sans rappeler le droit de repentir tel que nous le connaissons aujourd’hui, avec cette différence que, dans la loi du 11 mars 1957, ce droit peut être exercé à tout instant, sous réserve d’indemnisation. Ainsi voit-on tirer assez tôt les conséquences de la législation fondatrice, sous l’influence, n’en doutons pas, des deux agences dramatiques, qui, dès l’origine, détaillent les attributs des auteurs dans les traités généraux avec les théâtres.

En 1817 Persuis devint directeur, la direction de l’Opéra relevant, après lui, des surintendants des théâtres royaux, grands seigneurs peu au fait de leurs responsabilités, tels que Papillon de la Ferté, le comte de Blacas, le marquis de Lauriston, le duc de Doudeauville, le vicomte Sosthène de la Rochefoucauld. Le déficit se creusa, et passa de 68O.OOO francs à la fin de l’Empire, à 95O.OOO francs.

L’assassinat du duc de Berry sur les marches de l’Opéra entraîna, à la demande de l’archevêque de Paris, le transfert de la salle, pierre à pierre, rue Le Peletier. Dans l’intervalle, les représentations se poursuivirent salle Favart. Remontée à titre provisoire, l’ancienne salle demeura ouverte, en fait, du 16 août 1821, avec une reprise

des Bayadères de Cabel, jusqu’au 28 octobre 1873. Son premier directeur fut pendant trois ans Habeneck, auquel succédèrent Duplanty puis Lubbert, admirateur de Rossini.

***
LA MONARCHIE DE JUILLET

Lors de la Révolution de 183O, l’Opéra releva de la tutelle du ministère de l’intérieur et devint une entreprise privée. La redevance que devaient lui payer les autres salles fut supprimée, accroissant le déséquilibre financier. Un audacieux, le docteur Véron, fut candidat au poste d’administrateur, à ses risques et périls, avec à la clef une subvention de 81O.OOO francs. Il se révéla un excellent administrateur et réussit à faire fortune là où ses prédécesseurs se ruinaient. Lorsqu’il prit sa retraite, son co-administrateur, Duponchel, prit le relais, jusqu’au premier juin 184O où il céda la place à Léon Pillet. Après une gestion heureuse, le déficit reprit au point que le nouveau directeur dut résigner ses fonctions entre les mains de son prédécesseur et de Roqueplan, leur laissant une ardoise de 400.000 francs.

Par ailleurs, les auteurs, tout en saisissant toute occasion de plaider auprès du législateur en faveur de la propriété littéraire perpétuelle, vont s’efforcer d’obtenir contractuellement ce qui tarde à leur être attribué par la loi. Un premier précédent est créé dans le traité conclu en 184O avec M. Crosnier, directeur de l’Opéra- Comique, une clause stipulant le paiement au bénéfice des héritiers du quart des droits des auteurs dont les oeuvres appartiennent au domaine public, et, à leur défaut, à la caisse de secours. Il en ira de même avec M. Perrin directeur du Théâtre- Lyrique, et ses successeurs. A noter que la Commission, respectueuse des droits des héritiers, ne verse les droits à la caisse de secours qu’à leur défaut d’existence, attitude logique, puisqu’elle se prononce en faveur d’une propriété sans limitation de durée. Le traité conclu en 1856 avec le successeur de M. Perrin, M. Carvalho, reprit la même clause :

« Attendu que la loi actuelle n’attribue aux héritiers des auteurs dramatiques que trente années de jouissance de leurs droits à partir du jour du décès de l’auteur et du décès de leur veuve, et qu’après ces trente années, ces ouvrages composent ce qu’on appelle le domaine public, c’est à dire qu’ils peuvent être présentés par les directeurs sans payer de droits ;

« La Société des auteurs et compositeurs dramatiques, en traitant avec M. Carvalho, directeur du Théâtre-Lyrique, lui demande de renoncer à l’avantage qui résulte pour lui de la législation existante, en ce qui touche les ouvrages du domaine public, pour le passé et pour l’avenir, lui exposant que c’est toujours en vue de ces modifications

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que la Société des auteurs est toujours restée dans la limite du droit pécuniaire portée en l’article 22. »

Afin de faire admettre une perception sur le domaine public, la Société avait donc fait en sorte que le taux de base fixé au contrat demeure en pratique la règle. Il semble, en outre, que dans le domaine lyrique, il y ait eu peu ou pas de perception sur un taux dépassant le taux fixé au contrat. Une fois la clause admise par les théâtres lyriques elle sera étendue aux autres théâtres, mais sans le même frein. Reprenons.

« M. Carvalho, convaincu de l’équité et de la convenance de cette demande consent à ce que l’avantage qui résulte de la législation actuelle en ce qui touche des ouvrages du domaine public, soit soumise aux conditions suivantes :

« Toute fois que, dans la composition du spectacle, il entrera un ou plusieurs ouvrages dits du domaine public, les agents généraux de M.M. les auteurs percevront sur la recette une somme égale au droit qui serait alloué à ces ouvrages, s’ils appartenaient à des auteurs vivants.

« Ces droits seront remis aux héritiers en ligne directe, s’il en existe, et à défaut de ces héritiers, ils seront versés à la caisse de secours des auteurs. »

On le voit, dans ce traité le domaine public est mis sur un pied d’égalité avec le domaine protégé, preuve que le auteurs sont allés vite en besogne pour que le domaine public rattrape le domaine protégé. Enfin, le paiement des héritiers est toujours mis en avant pour justifier la perception, mais il s’agit des hériters en ligne direct, auxquels la caisse de secours est substituée de plein droit par leur défaut. La voie est ouverte à une attribution systématique des droits perçus au titre du domaine public, au bénéfice de la caisse de secours, alors même que des héritiers en ligne directe subsisteraient, lorsque la clause sera entrée dans le moeurs.

Il est enfin significatif que les premiers traités qui ont contenu une telle clause concernaient des théâtres lyriques. La programmation massive d’oeuvres du domaine public dans ces théâtres n’est pas un fait nouveau. La chute dans le domaine public du répertoire de Dalayrac entraîna à elle seule une baisse de 1O% de la totalité des perceptions de l’agence Richomme. C’est donc auprès de ces théâtres que les auteurs font porter leurs efforts, car c’est auprès d’eux que les pressions morales ont le plus de poids. Comment le directeur qui payait une année des droits au fils d’un auteur de renom, ne lui verserait-il rien, sans gêne, l’année suivante, alors que son théâtre reprend une oeuvre à succès ?

***

LE SECOND EMPIRE

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Sous la Monarchie de Juilllet, l’Opéra s’était plutôt bien porté, quand survint la Révolution de 1848. Les directeurs font preuve d’habileté politique en prenant fait et cause pour la Révolution avant qu’elle n’ait entièrement triomphé.

Le 2 décembre 1851, voici l’Opéra rebaptisé Académie Impériale de Musique. Roqueplan démissionna le 3O juin 1854, alors que l’Opéra passait sous la responsabilité du ministre de la Maison de l’Empereur, l’administrateur étant placé sous le contrôle d’une commission administrative. Le directeur, nouveau modèle, Crosnier, demeurera en fonction jusqu’en 1856, suivi d’Alphonse Royer jusqu’en 1862, puis d’E. Perrin qui restera en charge jusqu’en 187O, avec une subvention de 8OO.OOO francs.

La Commission de la SACD entendait toujours lutter contre un domaine public qui porterait préjudice au domaine protégé et accréditerait l’idée que des oeuvres de l’esprit pourraient être représentées avec une dispense du versement de droits. Aussi cherchait-elle à asseoir la clause forfaitaire. Lors de la séance du 29 janvier 1858, elle fixa ainsi sa doctrine :

 » La Commission des auteurs et compositeurs dramatiques,

« Considérant qu’il est du devoir rigoureux de la Commission d’assurer par tous les moyens possibles la perpétuité de la propriété littéraire aux héritiers des auteurs dramatiques et de ne pas souffrir que leurs oeuvres soient, même à défaut d’héritiers, une proie abandonnée à titre gratuit au premier occupant ;

« Considérant que, lors même que la ligne des héritiers au nom de la loi est éteinte, elle ne saurait être mieux représentée que par les descendants de ceux qui ont travaillé avant nous, et qui, faute d’être protégés dans leurs productions, n’ont laissé à leur famille qu’un nom dont le public se souvient et une misère qui l’indigne ;

« Considérant que la caisse de secours créée par les auteurs et compositeurs dramatiques est la tutrice de toutes le infortunes, tutrice à laquelle on peut s’adresser sans humiliation, puisqu’elle ne fait que répartir les épargnes recueillies sur notre travail ou la part qu’on restitue aux travaux de nos devanciers, dont l’Association a commencé par adopter les descendants ; »

Mais, pourquoi les directeurs seraient ils-les seuls à supporter la charge du domaine public ? Pour que la règle soit aussi peu attaquable que possible, il faut qu’elle s’applique à tous, c’est-à-dire aux auteurs eux-mêmes, lorsqu’ils empruntent au repertoire de leurs devanciers, dans leurs propres compositions. Ce faisant la Commission invente ce 29 janvier 1858 le domaine public payé par les auteurs.

« Considérant que tout auteur qui va spontanément demander à l’ancien répertoire, à une pièce acceptée depuis longtemps, à un titre consacré, les chances plus assurées

page12image25779712page12image25779904page12image25780096 page12image25780288page12image25780480page12image25780672page12image25780864page12image25781056 page12image25781248

d’un succès, ne peut évaluer le secours qui lui est ainsi apporté au-dessous de la part d’un collaborateur ;

« Décide : 1° Pour toute pièce notoirement empruntée à l’ancien répertoire, la part faite à l’auteur primitif, part qui sera attribuée aux héritiers de cet auteur ou, à défaut d’héritiers, à la caisse de secours qui les représente, sera égale à la moitié des droits revenant à la pièce partout où elle sera jouée.

« 2° Il est bien entendu, que si une pièce de l’ancien répertoire est transformée en pièce lyrique, le droit du musicien restera entier ;

« 3° Si un ouvrage lyrique du domaine public est soumis à une révision, à un travail d’appropriation, à un remaniement de musique, l’auteur de ce travail abandonnera à la Caisse de secours la moitié des droits attribués à la musique ;

« La Commisson se réserve le droit d’appréciation sur toute réclamation et en toutes circonstances. »

Dura lex, sed lex. Depuis, le taux de prélèvement sur les adaptations des oeuvres qui empruntent au domaine public a été adouci et modulé. L’adaptation étant une oeuvre à part entière, son auteur demeure libre de demander le taux qu’il veut et la SACD est fondée à percevoir le même taux que pour les oeuvres protégées, alors même qu’il n’y aurait pas de traité avec le théâtre, comprenant une clause instituant un domaine public payant. Mais ne doit pas être perdu de vue, tant à l’intérieur de la SACD qu’à l’extérieur, le lien étroit entre l’assujettissement des directeurs et celui des auteurs, et l’on ne saurait traiter plus durement les uns que les autres sans fausser la règle et la fragiliser. Ce qui était vrai en 1858 n’a rien perdu de sa force au plan des principes.

La délibération capitale de la Commission du 29 janvier 1858 fut entérinée lors de l’assemblée générale suivante, le 18 avril. Logique avec elle-même, appuyant sa démonstration par des actes, la Commission attribua aux fils de compositeurs étrangers les droits résultant de leurs oeuvres. Il en résulta une protestation des directeurs Choler et Siraudin qui assignèrent la Commission en ce qu’elle assurait des perceptions en faveur de personnes étrangères à la Société. En bref, selon eux, la perception au titre du domaine public aurait dû se limiter aux oeuvres ayant appartenu au répertoire de la Société. Question d’importance, on le voit, et qui méritait d’être tranchée. Il y aurait eu sinon deux domaines publics : l’un, étranger, libre ; l’autre, national, protégé, ce qui aurait entraîné une promotion du répertoire étranger.

Dans son jugement du 6 février 1859, le tribunal civil de la Seine reconnut la validité de la clause forfaitaire autorisant une perception sur les oeuvres du domaine public. Il estima : « qu’obéissant à des sentiments plus généreux et plus conformes à l’esprit des statuts, la Société a voulu stipuler les droits de tous ceux qui avaient illustré la

scène, qu’ils fussent ou non parmi ses membres et quelle que pût être d’ailleurs leur nationalité ;  »

C’était un bon procès car les bénéficiaires n’étaient autres que les fils de Mozart et Weber ! La SACD faisait comme Voltaire qui, en 176O, recueillit, puis dota la nièce de Corneille, réduite à vivre dans la misère.

Lors de l’assemblée générale du 8 mai 1859, les conditions faites par l’Opéra aux auteurs sont rappelées pour en déplorer la faiblesse : Donnons la parole au rapporteur, M. Mallefile :

« Chaque ouvrage est payé selon deux taux différents, et en raison de la durée inverse de son succès. Ce partir de la quarantième représentation les droits d’auteur tombent bruquement :

« Pour un grand Opéra, composant à lui seul tout le spectacle : de 5OO à 2OO francs.

Pour un Opéra en 2 ou 3 actes : de 3OO à 1OO francs. Pour un Opéra en un acte : de 13O à 1OO francs. Pour un ballet en 2 ou 3 actes : de 17O à 5O francs.` Pour un ballet en 1 acte : de 85 à 25 francs.

« Aussi, c’est au moment où les frais d’un ouvrage se trouvent complètement remboursés, où son succès par conséquent, devient chaque jour plus productif, c’est alors que la part de l’auteur, au lieu d’être augmentée en proportion des bénéfices nets, se trouve diminuée du tiers ou des trois quarts.

« Ces tarifs irréguliers datent d’une époque lointaine, où l’Etat gérait lui-même le théâtre par l’intermédiaire d’un fonctionnaire spécial. Etablis administrativement, sans le concours des principaux intéressés, ils offraient du moins certaines compensations. Trois grands ouvrages composaient à chacun tout le spectacle de la soirée, et ayant obtenu chacun qarante représentations, donnaient droit à une pension viagère de 1.OOO francs. Chaque ouvrage en sus, présentant les mêmes conditions, augmentait de cinq cents francs le chiffre de la pension, qui ne pouvait dépasser en aucun cas la somme de trois mille francs. De sorte qu’en réalité l’abaissement des droits d’auteur, à partir de la quarantième représentation, se trouvait, jusqu’à un certain point, contrebalancé par des avantages analogues, sinon équivalents. »

« Mais, en 183O, l’administration du théâtre, ayant passé des mains de l’Etat à celles d’entrepreneurs particuliers, les pensions se trouvèrent supprimées, sans être remplacées. La compensation nouvelle qu’indiquaient la justice et le bon sens, fut vainement réclamée par les différentes commissions chargées de défendre vos intérêts. »

« L’Etat a repris en 1852 la direction entière et immédiate de l’Opéra. Dès lors votre bon droit n’avait plus à redouter l’opposition des intérêts personnels. Il y avait lieu

d’espérer que la question simplifiée serait promptement résolue, et qu’une mesure réparatrice viendrait satisfaire à des griefs légitimes et déjà trop anciens.

« Mais les abus durent souvent, sans autre raison que leur durée même, et malgrè des efforts réitérés, nous sommes encore à attendre la justice que nous réclamons depuis trente ans.. »

Mallefile fait référence à la récente augmentation des droits des auteurs au Théâtre Français, acceptée par les pouvoirs publics, afin d’attirer à cette scène des auteurs de talent, pour obtenir la même chose à l’Opéra.

Forte de ce qu’elle estime être l’intérêt général, la Commission adresse un mémoire sur l’Opéra au ministre d’Etat Walewski, afin d’obtenir le rétablissement des pensions, l’introduction de la rémunération proportionnelle, et, par la conclusion d’un traité général, la suppression d’un précédent préjudiciable à l’intérêt des auteurs. Considérant que l’Opéra ne joue que trois fois par semaine, elle demande le versement de 1O% par soirée sur la recette brute. Paraphrasant Beaumarchais, elle observe : » Le profit n’a rien d’incompatible avec la renommée.  » Bien plus, une émulation des talents s’en suivrait.

L’année suivante, lors de l’assemblée Générale du 8 mai 186O, Raymond Deslandes, rapporteur, fait le point de la situation. Les nouvelles sont plutôt bonnes ; sa verve s’en ressent :

« Vous vous souvenez que depuis plusieurs années vos commisaires ont fait, en haut lieu, tentatives sur tentatives, démarches sur démarches, pour obtenir une augmentation des droits d’auteur. En effet, il était étrange et anormal qu’un théâtre qui paie cent mille francs un ut de poitrine, qui achète à prix d’or les ailes d’une danseuse, rétribuât les auteurs avec une aussi regrettable parcimonie. L’Opéra est la première scène du monde, c’est une enseigne d’illustrations publiques ; il ne doit pas marchander avec le budget de sa gloire. Le ministre s’est ému de nos réclamations »

Bref, le ministre a promis la promulgation prochaine d’un décret augmentant le montant des droits des auteurs de l’Opéra, sur la base d’une rémunération proportionnelle, à l’image de ce qui s’est fait pour le Théâtre Français. En effet, par décret du19 novembre 1859, les droits des auteurs avaient été portés, en ce théâtre, à 15% des recettes brutes, taux divisible, s’il y avait lieu, entre les auteurs des différents ouvrages composant une même soirée. Un regret : la SACD n’a pas été consultée sur la rédaction même du décret, ce qui aurait permis d’améliorer encore les choses.

Conséquent avec lui même – ce qui est assez rare pour valoir la peine d’être souligné – le comte Walewski, ministre d’Etat, écrivit à la Commission, le 13 décembre 1860, qu’il venait donner instruction au directeur du Théâtre Impérial de l’Opéra afin

que les membres de la Commission de la SACD « soient admis à jouir de leurs entrées dans la salle. »

Avec le rapport de M. Bazin, lors de l’assemblée générale du 5 mai 1861 présidée par Auguste Maquet, nous apprenons comment les choses se sont passées : ainsi le comte Waleswski a-t-il voulu annoncer lui-même à la Commission, en lui donnant audience, la bonne nouvelle de l’augmentation des droits. Voici le nouveau traitement des auteurs :

« Aujourd’hui, cinq cents francs de droit d’auteur par soirée sont acquis… Cette augmentation est l’un des premiers actes de l’administration de M. le Comte Walewski, qui n’a pas oublié qu’il est votre confrère. Nous lui en témoignons toute notre gratitude. Sous sa protection éclairée, nous éspérons que la musique française reprendra sa place sur la première scène lyrique. Il faut avoir le courage de le dire : ce ne sont pas les ouvrages importés qui ont fait, de notre Opéra, le premier théâtre du monde ; mais bien les ouvrages originaux conçus dans le sentiment de notre école, et par une singularité vraiment flatteuse pour votre amour propre national, c’est en se faisant Français que Gluck, Spontini, Rossini et Meyerbeer ont écrit ces chefs- d’oeuvre qui tiennent la première place parmi tant de chefs-d’oeuvre.

« C’est presque dire une banalité que de s’apitoyer aujourd’hui sur le sort des compositeurs de musique, et pourtant, Messieurs, nous devons le répéter, leur situation est toujours aussi mauvaise. L’Opéra, depuis longtemps, leur a fermé ses portes, le Théâtre Italien est pour les Italiens, le Théâtre Lyrique est pour les allemands…. Quant au Théâtre des Bouffes Parisiens, il est la propriété d’un compositeur (Offenbach). Jusqu’à présent le théâtre le moins inhospitalier pour nos collègues a été l’Opéra Comique. »

***

LA TROISIEME REPUBLIQUE

Le 8 juillet 1871, M. Halanzier, à la tête d’une société Les Artistes Réunis, prit la succession de Perrin, nommé administrateur du Théâtre Français. Le 1O juillet 1871, la Commission est informée par l’agent Peragallo que la société « les Artistes Réunis » entend rouvrir l’Opéra le 12 octobre. Une lettre est aussitôt adressée à l’administrateur de la Société pour lui rappeler qu’il ne peut représenter des oeuvres au répertoire de la SACD sans traité. M. Halanzier promet une réponse qui ne vient pas. Un acte extra judiciaire signifié à l’administrateur demeure sans effet. Les représentations se poursuivent.

La Commission du 28 juillet 1871 entend le conseil de la SACD, M. Etienne Blanc. Selon ce dernier, « le point le plus important est de connaître la juste valeur du décret du 1O décembre 186O qui fixe les droits des auteurs et compositeurs. Ce décrêt est- il, ou non, encore valable ? »

La Commission répond par la négative. Elle a toujours contesté le bien fondé de ce décret, et le considère sans objet depuis que l’Opéra a cessé de faire partie de la maison de l’empeeur. L’occasion lui parait propice de revenir au droit commun. Les auteurs tiennent en premier à réaffirmer leur droit à fixer eux-mêmes les conditions d’exploitation de leurs oeuvres. Le décret du 19 novembre 1859, en fixant les droits au Théâtre Français, découlait des travaux d’une Commission où la SACD était représentée. Il n’en a pas été de même pour l’Opéra. A l’unanimité la Commission décide la poursuite de la procédure contre l’Opéra.

En marge du procès, une discussion s’établit entre la Commission et l’Opéra. En septembre, M. de Najac rapporte que M. Halanzier accepterait le principe de la signature d’un traité avec une rémunération proportionnelle. Il ne s’agirait maintenant que de s’entendre sur le tarif. Comme des discussions ont lieu parallèlement avec l’Opéra Comique, les Italiens et l’Odéon, une Sous-commission ad hoc est constituée, chargée d’établir des projets de traités dans le domaine lyrique.

Lors de la séance extraordinaire du mardi 19 septembre 1871, il est fait état du refus du directeur de l’Opéra Comique, M. Leuven, de payer sur le domaine public à l’avenir, considérant que la subvention dont il jouissait a été réduite et qu’il ne reçoit plus le prix de la location de la loge impériale. M. Leuven demande pourquoi il serait contraint de signer un traité avec la SACD alors que ni la Comédie Française, ni l’Opéra n’en ont.

S’agissant de l’Opéra, qui continue de faire représenter des oeuvres du répertoire, sans traité, la Commision répugne à demander la saisie des recettes, moyen jugé trop violent. Il est convenu de demander en justice si la Société des Artistes de l’Opéra est la seule en France à être dispensée de l’application des décrets de 1791 et 1793 relatifs à la propriété dramatique. La Commission intervient parallèlement auprès du ministre des beaux-arts.

Les auteurs ne désespèrent pas de parvenir à la signature d’un compromis avec M. Halanzier. Celui-ci se déclare prêt à signer un traité général avec à la clef une rémunération proportionnelle qui se substituerait au droit fixe de 5OO francs, mais sans que le pourcentage soit supérieur à 6%. La durée du traité serait bornée à l »exploitation de M. Halanzier.

Dans un courrier, M. de Saint George fait observer que la somme forfaitaire de 5OO francs est, à y regarder de près, assez favorable aux auteurs. Si un pourcentage doit lui être substitué, ce ne peut être moins de 8%, sachant que la recette moyenne est de 5.OOO francs.

La Commission est d’avis d’accepter le taux de 6% auquel parait se ranger M. Halanzier, aussi longtemps que la subvention restera réduite à 6OO.OOO francs, étant entendu que le taux passerait à 7% lors de l’augmentation de ladite subvention.

A la Commission du 13 octobre, la Sous-Commission de l’Opéra rend compte de ses tractations avec M. Halanzier. Le projet de traité est accepté « sous la réserve de la question relative au partage des droits afférents au domaine public. » M. Halanzier en effet souhaitait que la moitié de ces perceptions alimente la caisse de retraite de la Société des Artistes de l’Opéra. C’est là, à ma connaissance, l’origine d’une forme de coopération entre auteurs et directeurs, la SACD acceptant de procéder à des perceptions pour le compte de la caisse de retraite des directeurs, afin de mieux asseoir ses perceptions annexes.

Par ailleurs, la Commission autorise les agents généraux à toucher, après la signature du traité, l’arriéré des droits de 5OO francs par représentation, attribués aux auteurs par le décret impérial du 1O décembre 186O.

Lors de la Commission du 2O octobre, la signature d’un traité avec M. Halanzier, en tant que tel, et non plus comme administrateur de la Société des Artistes, est confirmée. Le droit de 6% sera perçu à compter du 1er novembre.

Or il apparait que les conseils de la Société, étaient parvenus à faire signer un compromis avec l’avoué de la Société des Artistes sur la base du taux de 8%, ayant reçu l’assurance de l’agent Paragallo que la Commission en était d’accord. Humeur des conseils. La Commission rappelle qu’elle seule est à même d’engager la Société.

Séance du 3 novembre 1871. Le traité de l’Opéra Comique est arrivé à expiration. Mais son directeur s’oppose à la signature d’un nouveau traité, voulant avoir librement recours à des traductions interdites, pour « utiliser le talent de Mme Carvalho, et profiter de l’influence de son répertoire sur les recettes. » Il est prêt à continuer le versement des droits sur l’ancien pied, soit 12%, y compris sur le domaine public. Le 1O novembre 1871, la Commisson s’incline, jusqu’à ce que la subvention du ministère soit augmentée. Le Commission intervient pour que le nouveau cahier des charges de la salle ne soit pas en contradiction avec le traité type SACD. Dans le cahier des charges, les traductions seront autorisées, mais elles ne compteront pas parmi les actes nouveaux qui doivent être régulièrement joués.

***

Halanzier joua de malchance. Dans la nuit du 28 au 29 octobre 1873, la salle de la rue Le Peletier, si appréciée pour son acoustique exceptionnelle, fut la proie des flammes. L’Opéra chercha asile pendant l’année 1874 aux Italiens, salle Ventadour, le temps de l’achèvement du Palais-Garnier qui ouvrit ses portes le 5 janvier 1875.

En 1879, Halanzier, prend sa retraite. M. de Vaucorbeil lui succède et entend poursuivre l’exploitation de l’Opéra en conservant le bénéfice du traité conclu entre la SACD et son prédécesseur. Or les auteurs voient les choses autrement. Pour eux, le traité général est conclu intuitu personae. Il devient caduc avec le départ de son signataire. L’occasion est belle de revoir les stipulations et de traiter avec le nouveau directeur à des conditons plus favorables. C’est ce que la sous-commission de l’Opéra, composée de Gounod, Jonas, Sardou et Halévy, propose à la commission pléniaire du vendredi 11 juillet 1879.

Halévy, parlant au nom de ses confrères, estime que le taux de base de perception doit passer de 6,5% à 8%, le taux de 6%, puis de 6,5% ayant été accordé à M. Halanzier en raison « de circonstances exceptionnelles », et à titre personnel. Selon la clause forfaitaire, la perception s’effectue aussi bien sur les oeuvres du domaine public que sur les oeuvres protégées.

En 1879, le chiffre des recettes « s’est considérablement élevé depuis l’ouverture de la nouvelle salle. Dans ces conditions, le taux des droits d’auteur ne saurait rester au même taux que par le passé. »

Petit problème : le ministre des Beaux-Arts, dans sa convention avec le nouveau directeur, M. de Vaucorbeil, a indiqué que le taux des droits d’auteurs à verser à la SACD était de 6,5%. Il n’empêche, les auteurs sont maîtres de la fixation des conditions de représentation de leurs oeuvres, et la Commission n’est pas liée par la prise de position du ministre.

Notons qu’à l’époque, l’Opéra devait, par convention, une représentation au bénéfice de la caisse de secours des auteurs. Devant les résultats plus que médiocres de cette représentation, la SACD avait obtenu de M. Halzandier le rachat de l’obligation par le paiement d’une somme forfaitaire de 1.OOO francs. Il est proposé de demander 1.5OO francs à son successeur.

Troisième obligation de l’Opéra, aujourd’hui disparue, les billets d’auteur. Selon l’ancien traité, l’auteur, à ce titre, avait droit à cent francs par soirée. La Sous- Commission propose de porter le forfait à 15O francs.

Un membre de la Commission pléniaire précise que le nouveau directeur prenant immédiatement possession de l’Opéra, il est urgent de lui faire signer un traité. L’agent-général Peragallo est prié par la Commission de notifier à M. de Vaucorbeil que, sans un nouveau traité avec la SACD, il ne peut continuer les représentations de l’Opéra. L’agent s’exécute et M. de Vaucorbeil, pris à la gorge, demande à être reçu par la Commission.

Introduit, le nouveau directeur précise qu’il croyait être subsitué d’office à M. d’Halanzier dans sa convention avec la SACD, juqu’à son terme, soit le 31 octobre prochain. A ses yeux, une nouvelle convention ne se justifierait qu’à compter du 1er novembre.

Auguste Maquet, Président, rappelle à M. de Vaucorbeil que le traité général a été conclu avec son prédecesseur à titre personnel et se trouve ainsi caduc aujourd’hui. M. de Vaucorbeil prie la Commission de lui accorder le bénéfice du traité de M. Halanzier. Le président n’y est pas opposé, sous réserve que les conditions soient revues. Une discussion s’engage et un accord est conlu sur les bases suivantes :

– Continuation du taux de 6,5% jusqu’au 31 octobre prochain. Au-delà, le taux passera à 7% jusqu’au 31 octobre 1881, pour atteindre 8% pendant le trois dernières années du privilège dont la durée globale est de sept années. Le droit en billets passe à 15O francs par soirée et un forfait de 1.2OO francs remplace l’obligation de donner une représentation au bénéfice de la caisse de secours. Chacun se retire content.

LA QUATRIEME REPUBLIQUE

Le traité conclu avec M. de Vaucorbeil stabilisa les conditions faites aux auteurs, comme si un équilibre, satisfaisant pour les deux parties, avait été atteint. Certes, les billets d’auteurs et le forfait au bénéfice de la caisse de secours tombèrent en désuétude, mais la rémunération forfaitaire sur la base de 8% des recettes brutes, quelle que soit l’oeuvre représentée, protégée ou non, demeura effective pendant soixante ans.

La loi du 14 janvier 1939 institue une Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux. De ce fait le traité général unissant jusque-là la SACD avec l’Opéra devient caduc. La nouvelle institution entend revenir sur certaines dispositions du traité, d’autant que l’actualité internationale préoccupante, suivie de la déclaration de guerre, lui en offre le prétexte. Les négociations vont durer plus d’une année.

Pour conforter sa position, Emile Fabre, président d’honneur, qui représente la SACD, en appelle par lettre au nouveau ministre de l’éducation nationale Albert Sarraut. Le point de résistance est, une fois de plus, la clause forfaitaire. A titre de compromis, la Commission du 17 avril 194O, présidée par Charles Méré, propose l’insertion d’une clause établissant bien la clause forfaitaire, mais lui appportant un léger tempérament :

 » La part proportionnelle des auteurs, ci-dessus fixée, est stipulée à forfait et appartiendra exclusivement et intégralement à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, quelle que soit la composition du spectacle ou son genre, et quand bien même ce spectacle se composerait en tout ou en partie d’oeuvres dites du domaine public ou d’ouvages composés par des personnes étrangères à ladite Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques.

« Toutefois, en raison des avantage accordés par le présent traité aux membres de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, la part ci-dessus fixée ne sera

pas exigée du théâtre lorsque le spectacle comportera des concerts symphoniques, des spectacles de bienfaisance, ou des oeuvres d’auteurs ne faisant pas partie de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (à l’exception des oeuvres du domaine public), et un droit forfaitaire de dix francs sera perçu pour le principe. »

On le voit, la Commisison entend faire reconnaître le principe de la perception sur le domaine public, fut-ce par la perception d’une somme symbolique, y compris lorsque le spectacle est gratuit ou ne figure pas à son répertoire.

Emile Fabre fait observer qu’il a déjà tenté sans succés de faire adopter une telle clause, mais il est prié de renouveler sa tentative, étant entendu qu’il a maintenant le soutien de toute la Commission sur ce point précis. Le président d’honneur s’incline, tout en estimant que, vu les circonstances, le nouveau traité ne pourra reprendre tous les avantages conclus dans l’ancien. Au demeurant, il ne faut pas trop s’en inquiéter car les nouvelles conventions ne vaudront que pour une période d’une année, renouvelable par tacite reconduction. Il sera toujours temps de revenir à des conditions plus élevées dans des temps meilleurs. En fait, les temps à venir seront défavorables.

Quels que soient les évènements, la SACD poursuit ses activités. Ainsi, à l’heure où Napoléon, débarqué à Golfe Juan, rentrait aux Tuileries, le comité des auteurs, à quelques pas de là, rue Vivienne, se réunissait selon l’usage, et ouvrait les enveloppes des correspondants des principales villes. Ainsi, alors que les troupes allemandes s’apprêtent à crever les frontières, le nouveau traité est signé le 8 mai 194O, par Charles Méré, mandaté à cet effet par une décision de la Commission du 14 juin 1939, et M. Rouché, administrateur de la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux, et enregistré au Bureau des Actes Administratifs le 27 mai 194O.

Le traité détaille la composition de la Commission de l’époque, soit : Marcel Achard, 8 rue de Courty (7e), Denys Amiel, 49, rue Erlanger (16e), Jean-Jacques Bernard, 22, rue Eugène Flachat (17e), Henri Clerc, 58 rue de Londres (8e), Henry Février, 3 rue de la Terrasse (17e), Henri Goublier fils, 98, Boulevard Malesherbes (8e), Louis Lemarchand, 21, rue Berlioz (16e), Léopold Marchand, 96, Bd de la Tour Maubourg (7e), Charles Méré, 27, rue La Bruyère (9e), René Peter, 51 rue de Prôny (17e), Raoul Praxy, 87 Boulevard Voltaire (11e), Marcel-Samuel Rousseau, 52 rue de Clichy (9e), Fernand Rouvray, 4, rue Descombes (17e), Pierre Varenne, 15, rue Pétrarque (17e), Michel Zamacoïs, 54, Boulevard Péreire (17e).

Le traité vaut à la fois pour l’Opéra et l’Opéra Comique. Les partitions manuscrites déposées par les auteurs leur seront rendues dans le délai d’un mois, sous peine du versement d’une indemnité. Le bulletin de réception doit être établi dans les cinq jours précédant la date de la répétion générale. Les ouvrages reçus seront joués dans le délai de deux ans suivant le jour de leur réception. Passé ce délai les auteurs auront le choix entre reprendre la libre disposition de leur oeuvre, avec encaissement d’une

indemnité variable suivant la durée de l’oeuvre, ou l’octroi d’un nouveau délai de représentation.

Toute oeuvre nouvelle sera représentée huit fois dans un délai de six mois à dater de la première représentation, sauf à verser aux auteurs une indemnité. Les quatre premières représentations seront obligatoires. (article VI). Toutefois, si, à partir de la cinquième, deux fois de suite, la recette restait inférieure au tiers de la recette maxima possible du Théâtre, les auteurs et l’administrateur de la RTLN s’entendraient pour décider si l’ouvrage doit continuer à être joué cette année-là ou si l’indemnité doit être versée. Cette dernière disposition parait être un avatar de la disposition si critiquée par le auteurs fondateurs du Bureau de Législation Dramatique en 1777, selon laquelle l’oeuvre qui n’avait pas atteint une certaine recette deux fois de suite, tombait dans les règles, c’est-à-dire devenait la propriété des Comédiens Français.

Les auteurs ne pourront retirer un ouvrage dont la première représentation à Paris aura été donnée sur les théâtres de la RTLN, ni le faire représenter sur une autre scène à Paris, pendant six ans, à compter du jour de cette première représentation. Les auteurs se réservent le droit exclusif de transformer leur ouvrage en film. En ce qui concerne l’adaptation cinématographique, le film ne pourra être projeté que deux ans après la première représentation. Le directeur de la RTLN ne pourra autoriser la retransmission de tout ou partie de la représentation, au moyen d’un procédé déjà connu ou à découvrir (radiodiffusion, télévision, enregistrement mécanique, etc…) sans s’être préalablement mis d’accord avec la SACD.

Selon l’article VII, le droit d’auteur se compose d’une part proportionnelle prélevée sur la recette, c’est à dire sur toute somme payée par les spectateurs. A Paris, cette part est de 8% à l’Opéra, y compris pour les ouvrages du domaine public ou de traduction. La référence aux ouvrages de traduction rappelle le conflit qui avait opposé la SACD, dès la Révolution, aux Théâtres qui les considéraient comme non protégés par la loi.

L’Opéra Comique, quant à lui, est redevable de 5% pour le domaine public, 7% pour les oeuvres de traduction et 12% pour les autres oeuvres.

La RTLN assure à la SACD un minimum de 2OO représentations lyriques dans chacun des deux théâtres, dans un délai de 12 mois. Toutefois, en raison de la situation prévalant à la date de la signature du contrat, le minimum est ramené à 15O représentations.

 » En dehors des représentations ci-dessus garanties par la RTLN, ce qui constitue, ainsi que les autres dispositions de l’article VII, des avantages importants pour la SACD, il est entendu que les Concerts symphoniques, les oeuvres d’auteurs ne faisant pas partie de la SACD (à l’exception des oeuvres du domaine public) et généralement tous les spectacles dans lesquels il n’est pas fait appel aux oeuvres appartenant expressément à la SACD, ne donnent lieu à aucun droit au profit de la Société. »

C’est là la concession que la SACD a dû faire en raison des circonstances. Le compromis est conforme dans ses lignes directrices à celui que proposait la Commission dans sa séance du 17 avril 194O, et qu’Emile Fabre n’était pas parvenu à faire accepter dans un premier temps à la RTLN, preuve que l’union et la fermeté des auteurs portent des fruits.

Selon l’article VII bis, « il pourra être fait des commandes à des compositeurs français sur la présentation d’un livret français, à des conditions fixées dans un règlement spécial. Un cinquième sur le montant de la commande sera donné au librettiste; quatre-cinquième au compositeur. »

Pour les auteurs qui l’auraient oublié, rappelons qu’ils disposent à l’Opéra d’un certain nombre de places, savoir au parterre – sauf erreur de lecture car les chiffres ne sont pas toujours très lisibles – les numéros 39-9O, au quatrième amphithéâtre les fauteuils N° 35-4O-42-47, dans la deuxième loge, les numéros 21-22, dans les stalles, les numéros : 1OO-102-104-106-108, et enfin d’une stalle de côté, N°42 !

« Ces billets ayant perdu leur première affectation ne pourront jamais être vendus comme billets d’auteur. »

Pour la première et la seconde représentation les auteurs ont droit à un service de places plus libéral, soit, à l’Opéra, de 6 fauteuils de balcon, 6 fauteuils d’orchestre, 2 deuxièmes loges de côté (6 places), 3 troisième loges de côté (6 places), 12 au quatrième amphithéâtre en face. Le chiffre global de places de première catégorie est de 1OO pour la répétition générale.

Tout auteur ou compositeur dramatique d’ouvrages joués à l’Opéra ou à l’Opéra Comique aura droit à son entrée pendant un an, pour une pièce en un acte, deux ans pour une pièce en deux actes, trois ans pour une pièce en trois actes, cinq ans pour une pièce en quatre ou cinq actes. Six actes représentés donneront droit à une entrée à vie pour les Auteurs et les Compositeurs. Ces entrées seront toujours strictement personnelles. Si l’article VII relatif à la rémunération des auteurs a fait l’objet de plusieurs avenants depuis le 8 mai 194O, les autres dispositions sont demeurées juridiquement en vigueur jusqu’à aujourd’hui.

LA CINQUIEME REPUBLIQUE

Le traité de 194O, qui ne devait durer qu’un an, eut la vie dure. Non content de traverser la guerre sans dommage, il subsista jusqu’en 1978. Un décret du 7 février de cette année, abrogeant la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux, mit à mal, du même coup, le traité avec la SACD.

Le 22 mars, M. Pierre Pialot, pour le compte de la SACD, rencontre trois hauts responsables de l’Opéra : MM. Jean-Pierre Leclerc, Directeur-Général, Daniel Dourneau Gabory, Directeur des services administratifs et financiers, et Claude Sayac.

Pierre Pialot, en première ligne face au trio des administrateurs de l’Opéra, va négocier avec brio et obtenir la reconduction, avec l’Opéra considéré comme une nouvelle entité juridique, du traité du 8 mai 194O, c’est-à-dire le maintien de la clause forfaitaire au taux de 8%.

Lorsque l’Opéra se produira à Paris (Palais des Congrès, Palais des Sports) et en province, ces conditions seront toujours appliquées, l’Opéra demeurant responsable du paiement des droits. Il en sera de même lorsqu’il accueillera une troupe française (Opéra du Rhin) ou étrangère (Bolchoï, Scala de Milan, Métropolitan de New-York).

Pour ses déplacements : lorsque l’Opéra aura un contrat de co-réalisation prévoyant un minimum garanti de recettes, les droits seront calculés sur ce minimum dans la mesure où lesdites recettes seraient inférieures au montant réalisé par les entrées, après abattement de 35%.

Enfin, en cas de retransmission par un moyen audiovisuel, le contrat s’appliquera, mais cependant chaque cas sera étudié selon son exploitation. Il en sera de même pour les spectacles donnés dans la cour carrée du Louvre où il y a très souvent une co-production.

La commission administrative du 3 avril 1978 avalise ces conditions et chacun de penser que ce dossier est désormais classé pour plusieurs dizaines d’années. C’était compter sans la personnalité du nouveau directeur de l’Opéra, Bernard Lefort. Suite à la nomination de celui-ci, considérant qu’il est de nationalité française, et voyant en lui a priori un défenseur du répertoire national, la Commission décide de l’inviter, avant même son entrée en fonction, pour connaître ses projets et l’inciter à renouer avec les créations. Ce sera le déjeuner le plus cher dans l’histoire de la SACD, sorte de « soupe » de Beaumarchais, à l’envers, devenue bol de cigüe.

La réception de M. Bernard Lefort eut lieu rue Ballu le 19 décembre 1979. L’administrateur se présenta en compagnie du directeur-général, M. Jean-Pierre Leclerc, et de M. Daniel Dourdeau-Gabory, personnes qui, il y a peu, avaient négocié ave M. Pierre Pialot dans un esprit de compréhension du droit des auteurs et de l’histoire de la SACD. Leur présence n’avait donc rien d’inquiétant, au contraire.

S’adressant à l’hôte principal de la Commission, Armand Lanoux, Président, eut ces mots d’accueil :  » Je profite de la circonstance pour rappeler que notre Société est multiforme et que, auteurs et compositeurs, nous sommes des créateurs à égalité, comme vous-même êtes un créateur et un animateur. » Puis il passa la parole à Henri Sauguet. Le président de la Commission musique fit état des espérances que les compositeurs plaçaient dans le nouvel administrateur.

En réponse, M. Bernard Lefort donne les grande lignes de la politique qu’il compte suivre, trouve inadmissible que les opéras français fassent l’objet « d’enregistrements scandaleux; » entend créer une école de chant, pose comme préalable « que le Palais Garnier ne sortirait de France que pour donner des opéras français.; » et parait

conclure par ces mots qui ravissent la Commission : » Je réponds à votre souci de promouvoir la musique française et de la remettre à la place qui lui revient. »

Seulement, il n’en reste pas là. Il a des mots très durs contre les héritiers qui mettent obstacle aux « efforts faits dans les théâtres français, pour des oeuvres françaises, avec des chanteurs français, et autorisent par ailleurs un véritable sacrilège des ouvrages qu’ils sont censés protéger. » Enfin il jette une bombe sur la vaste table de la Commission : »Nous serons appelés ultérieurement à voir dans quelle mesure nous devons modifier les Conventions qui nous lient depuis de nombreuses années, car j’ai le devoir de répartir le budget considérable de l’Opéra d’une façon différente, et dans le sens souhaité par le Ministère. »

M. Lefort s’en va du pas dont il est venu, celui d’un parachutiste. Avec la SACD, c’est la guerre, une guerre qu’elle ne va pas gagner, contrairement à celle de 194O. Il s’avère qu’au reçu de l’invitation de la Commission, le futur administrateur avait demandé quels étaient les liens entre l’Opéra et la SACD. On lui avait apporté un traité général dont la lecture le fit bondir. Comment ? Le taux de 8% s’imputait aussi bien sur le domaine protégé que sur le domaine public ? C’était là un abus qu’il fallait changer. Il ne demanda rien moins que la suppression de la perception sur le répertoire du domaine public, avec l’énergie qui était la sienne.

Les négociations s’entamèrent dans un climat très défavorable. A l’époque, le produit du domaine public allait au fonds de retraite et à la caisse de secours. C’était bien, mais il n’y avait pas encore de fonds de valorisation ni de créations lyriques établissant un lien direct entre les perceptions et la politique musicale de la SACD. Il s’avérait difficile de rester sur les positions acquises, en l’absence, par alleurs, d’une mobilisation de l’ensemble des compositeurs. Aussi la SACD s’efforça-t-elle de préserver ce qui pouvait l’être. Elle ne manquait pas d’arguments :

Le taux de 8%, dont bénéficiait l’Opéra était sensiblement inférieur au taux de base en vigueur dans les principaux théâtres parisiens, lequel est de 12%. Par ailleurs, les adaptations du domaine public, quoiqu’en dise le nouvel administrateur, ne pouvaient être assimilées aux oeuvres du domaine public, mais, aux termes de la loi, constituaient des oeuvres protégées, et pouvaient faire l’objet d’une rémunération équivalente à celles-ci.

La Commission du 28 janvier fit le point sur l’état des négociations. Après avoir voulu appliquer un taux différent sur les oeuvres adaptées du domaine public de celles entièrement originales, l’Opéra a fini par accepter le maintien du taux unique de 8%. En revanche, en ce qui concerne le domaine public, l’Opéra avait d’abord concédé un taux de 1%. M. Pialot réussit à convaincre l’administration de l’Opéra de conserver le même taux que pour le domaine protégé, soit 8%, mais avec un abattement de 6O% de la recette auteurs, ce qui donne un taux réél de 3,2O%.

Ici, la chute est sensible et se traduit par une réduction des perceptions de 6OO.OOO francs l’an. Enfin, autres concessions : lorsque l’Opéra se produira au Palais

des Congrès, au Palais des Sports, au Théâtre des Champs Elysées, dans la Cour Carrée du Louvre, et, d’une manière générale, dans les salles de la région parisienne, pour les oeuvres protégées, le taux de 8% est maintenu, mais avec un abattement de 35% de la « recette auteurs », et, pour le domaine public, 2% , avec le même abattement de 35%.

La Commission administrative du 4 février 198O se penche sur le sort des chorégraphies adaptées du domaine public. Un compromis est trouvé. Lorsque les chorégraphes seront membres de la SACD, leurs droits transiteront par la SACD, dans la négative, l’Opéra s’entendra directement avec eux. C’était là une manière, pour l’Opéra, de tenter de continuer à s’entendre directement avec les chorégraphes, en traitant avec eux à des conditions réduites.

Si l’on tient compte des positions d’attaque de l’Opéra, le repli enregistré est nettement moins défavorable que ce que l’on aurait pu craindre. Le mérite en revient, pour une large part, une fois de plus, à M. Pialot, auquel le Directeur-général de l’Opéra tient d’ailleurs à rendre sportivement hommage, lorsqu’il retourne au président Armand Lanoux, le 19 février 198O, le nouvel avenant au traité général du 8 mai 194O ayant effet au 1er mars 198O : « Cet avenant marque l’aboutissement de nombreuses réunions de travail tenues avec votre représentant et les services de l’Opéra ; l’accord qu’il concrétise, est dû pour une large part aux excellentes relations que M. Pierre Pialot, votre représentant, a su créer avec les responsables de l’Opéra : elles ont permis de parvenir à un accord satisfaisant pour les deux parties, alors que les positions de départ des uns et des autres étaient, vous le savez, largement divergentes. » (Merci Pierre Pialot.)

Le nouvel accord fut appliqué plus longtemps que le précédent, mais dès novembre 1987, le Directeur-Général de l’Opéra, M. Jean-Philippe Saint-Geours, rouvrit la discussion au motif que, même avec un taux réduit de plus de moitié, les perceptions sur les oeuvres du domaine public étaient excessives. Reprenant la demande de M. Lefort en 1979, il signifie son intention de ne plus rien verser sur ce chapitre, sans toutefois remettre en cause le taux de 8% pour les oeuvres relevant de la protection légale, qu’elles soient entièrement originales ou adaptées.

M. Pierre Pialot reprend du service sur un dossier qu’il connait mieux que personne et suggère, à la Commission, par une note du 13 novembre 1987, de jouer sur le taux des oeuvres adaptées, de manière à sauver la perception sur le domaine public, ceci en un temps où la réalisation de chorégraphies nouvelles sur des oeuvres du domaine public a tendance à se multiplier. On aurait ainsi :

– Ouvrages protégés : (Opéra – Ballet) : 8%.
– Ouvrages du domaines public : 3,2O% maintenu. – Ouvrages du Domaine public, adaptés : 5,2O%

– Ouvrages du domaine public avec usage d’une musique fragmentaire péexistante déclarée à la SACD. 3,2O% plus O,1O% par minute avec un plafond de 2%, soit une perception globale de 5,2O%.

– Ballets du domaine public : Pour la création de ballets sur une musique du domaine public qui à l’origine n’a pas été écrite pour une oeuvre chorégraphique, et si la chorégraphie a fait l’obje d’un contrat particulier avec l’Opéra, le taux de 3,2O% serait ramené à 1%.

« Ces dispositions ne viseraient que les représentations données par l’Opéra de Paris, en cas d’exploitation à l’extérieur : Palais des Congrés, Palais des Sports, Théâtre des Champs Elysées. L’abattement de 3,5% ne jouerait que sur les taux de 8% et 5,2O%. »

M. Pialot ayant trouvé les mots et les chiffres qui permettent de régler le différend, un nouvel avenant au contrat du 8 mai 194O est signé le 24 décembre 1987 par Claude Santelli, Président, au nom de la SACD et Jean-Philippe Saint-Geours au nom de l’Opéra. Toutes les dispositions antérieures demeurent applicables. Seul l’article 7, relatif aux droits d’auteur – mais c’est le principal ! – est modifié comme suit :

Ouvrages lyriques ou chorégraphiques protégés : 8%.

– Ouvrages lyriques ou chorégraphiques du domaine public dans une nouvelle adaptation : 8% ramenés à 5,2O%.

– Ouvrages lyriques ou chorégraphiques ne bénéficiant plus de la protection légale : 3,2O%.

– Ouvrages lyriques du domaine public avec l’apport d’une musique orginale et protégée, déposée à la SACD : 8% ramenés à 3,2O%, avec une perception supplémentaire de O,O5% par minute avec un plafond limité à 2%, soit une perception globale maximale de 5,2O%.

Oeuvres chorégraphiques nouvelles :

a) Création d’une chorégraphie sur une musique du domaine public, qui, à l’origine, n’a pas été écrite pour un ballet, et si l’auteur chorégraphe invité à l’Opéra a conclu un accord particulier pour l’exploitation de son oeuvre, le taux de 3,2O% sera ramené à 1%.

b) Cependant l’auteur aura toujours la possibilité de déposer sa chorégraphie à notre Société, le taux des droits lui revenant ne pourra être inférieur à 2%, ce qui porterait la perception globale à 3%.

c) Dans le cas où l’Opéra ferait appel à un auteur ou à un compositeur étranger non membre de notre Société, et en l’absence de contrat de réciprocité, aucun droit ne sera perçu. Chaque cas devra faire l’objet d’une étude préalable.

d) Pour les spectacles de ballets dont le programme est composé de plusieurs oeuvres, il sera pris en considération le minutage de chacune d’elles. Le taux global de perception sera déterminé prorata temporis.

Lorsque le Théâtre National de l’Opéra de Paris se manifestera en dehors du Palais Garnier et de la Salle Favart, ces conditions préférentielles seront appliquées, les droits d’auteur seront déterminés sur « la recette auteur, » après un abattement de 35%.

Toutefois l’Opéra devra porter à la connaissance de la SACD le contrat de co- réalisation avec la structure d’accueil.

On assiste à une multiplication des cas particuliers qui s’explique par une stratégie de repli, la SACD s’accrochant au terrain. L’efficacité est évidente et constitue un moindre mal, mais, à terme, d’érosion en érosion, le droit d’auteur est remis en cause dans sa substance. En outre, la SACD, dès 194O, a ouvert une brèche à sa représentativité en renonçant à intervenir dès lors que l’Opéra fait appel à des auteurs étrangers autres que ses membres, alors qu’elle s’était battue, y compris en justice pour affirmer son autorité auprès de la première scène lyrique de France, et, à l’époque, du monde.

ET MAINTENANT ?

Pendant plus de deux siècles, alors que le déficit de l’Opéra ne cessait de se creuser, et la part des recettes dans le budget global de se retrécir, les conditions réservées aux auteurs n’ont cessé de croître. Or, depuis 194O, à l’inverse, le traitement des auteurs n’a cessé d’être revu à la baisse et chaque révision du traité général s’est traduite par une nouvelle amputation de leurs droits. Est-ce légitime ? une telle évolution peut-elle indéfiniment se poursuivre ? On a envie de dire : halte-là !

Alors que le montant des recettes, au regard des subventions, représente une part devenue marginale, les droits des auteurs demeurent calculés sur ces seules recettes. Les taux, loin de baisser, auraient dû croître à proportion de l’augmentation de la part des subventions, comme cela s’était produit, en toute justice, les siècles précédents. Le minimum que la SACD soit en droit d’attendre, c’est le maintien des taux à leur niveau actuel. Pour autant, jouerait-elle tout son rôle vis-à-vis de ses membres ?

Pendant plus d’un siècle elle a perçu les droits en vertu d’une clause forfaitaire, à un taux équivalent, que l’oeuvre soit protégée ou non. Si elle l’a fait, c’est forte d’une doctrine qu’elle a su faire partager à ses co-contractants. Le droit d’auteur est un droit naturel qui manque de naturel. Son enseignement doit-être repris sans cesse. Lorsque les responsables administratifs changent dans les établissements, la formation au droit d’auteur, à son histoire, constitue une priorité. La perception sur le domaine public est « une grâce fondée en justice » pour reprendre les propos de Louis XVI au sujet du droit d’auteur.

L’affectation des sommes dégagées à l’entraide des auteurs et à la caisse de retraite en affirmait la légitimité. C’est encore plus vrai aujourd’hui où la SACD met en oeuvre une vraie politique de promotion de la musique contemporaine, avec la constitution, par exemple, du fonds de revalorisation et du fonds de création.

Enfin, longtemps l’Opéra a pu s’arranger directement avec les chorégraphes, en jouant sur la confusion de leurs différentes qualités d’interprète, de maître de ballet et d’auteur. Ce ne peut plus être le cas aujourd’hui où la SACD leur a ouvert largement ses portes en s’engageant à les traiter, comme la loi et l’équité le veulent, sur le même pied que les autres auteurs dramatiques.

Si une revalorisation des conditions s’impose, c’est bien à leur sujet et il est à souhaiter que la nouvelle demande de discussion des conditions de notre traité, émanant de l’Opéra, marque un coup d’arrêt dans une érosion des droits qui tourne à la perte de signification du droit d’auteur. Dans la meilleure des hypothèses, elle devrait se traduire même par un redressement salutaire, au moins dans le domaine chorégraphique, fût-ce par une mobilisation de l’ensemble des auteurs intéressés. Le déséquilibre est né de la remise en cause, en 1979, du taux uniforme de 8% qui avait été pratiqué jusque-là sans histoire, depuis le premier janvier 1882. L’objectif devrait être le retour à ce taux confirmé par un siècle de collaboration paisible entre l’Opéra et la SACD.

Tout se passe comme si l’Opéra considérait le droit d’auteur comme un privilège d’un autre âge, alors que, sans oeuvres, il n’a plus de raison d’être. C’est en fait la place du compositeur, du poète, du chorégraphe, dans notre Société, qui est en cause, Société qui est prête à payer la maçonnerie, la structure, mais qui marginalise le créateur. On en revient toujours au lien entre l’importance sociale et l’argent. Beaumarchais n’a jamais été aussi actuel.

Les nouvelles négociations, si elles s’inscrivent uniquement dans le cadre des relations entre l’administration de la SACD et celle de l’Opéra, auront du mal à déboucher sur des résultats satisfaisants. Le problème est politique. Si l’administration de l’Opéra s’en tient, comme il est à craindre, aux raisonnements qu’elle a tenus depuis la guerre, les auteurs n’auront d’autre recours que le ministère. Rappelons que les grands hommes d’Etat n’ont généralement pas « mégoté » avec les auteurs. Napoléon regrettait que Racine n’ait pas vécu de son temps, il l’aurait fait Prince. C’est tout de même mieux que smicard !

Il convient de redonner à l’auteur sa place dans une Société qui entend user de ses oeuvres sans en payer le prix. Sur ce plan, la cause des auteurs de l’Opéra rejoint celle de tous les auteurs. Sans doute est-ce le moment de revenir à la version d’origine de la devise de la SACD parvenue jusqu’à nous, aujourd’hui, amputée de sa clef de voute. Nous connaissons tous ces mots : « Unis et libres ! » Or la formule d’origine était plus lapidaire : « Forts, unis et libres. » « Forts, » voilà notre maître mot !

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