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CENTENAIRE DE LA CONVENTION DE BERNE

par | 19 Août 2021

HOMMAGE DE LA SOCIETE DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES A LA MAGISTRATURE DE FRANCE LORS DE LA CELEBRATION DU CENTENAIRE DE

LA CONVENTION DE BERNECONVENTION DE BERNE

M. le Président, Mesdames, Messieurs, c’est pour moi un grand honneur de prendre la parole devant une assemblée aussi choisie, dans cette salle que je découvre dans sa solennité, sa somptuosité. Je le dois à mon grand âge, si grand que je ne résiste pas à la coquetterie de le dire : j’ai 214 ans ! Avec moi, le droit d’auteur est passé de l’enfance à la maturité.

Le droit d’auteur est un droit naturel qui manque singulièrement de naturel. Toute occasion de le réévoquer, de le réaffirmer est donc bonne à saisir. Ce n’est pas parce que nous avons perçu nos premiers droits il y a 2OO ans que nous avons souhaité célébrer le premier décret sur la propriété littéraire, du 13 janvier 1791. Notre propos a été de réaffirmer des principes auxquels nous sommes toujours attachés, qui tous dérivent d’un principe unique mis en lumière au début de la Révolution : le droit d’auteur est un droit de l’homme.

Nous avons eu une réunion internationale à la Chambre des Députés, en Juin dernier. Hier les auteurs dramatiques, par ma voix , exprimèrent au Législateur français leur reconnaissance pour s’être trouvé pendant deux cents ans, toujours à leurs côtés. Il en a été encore ainsi avec la loi du 3 juillet 1985 qui a apporté des innovations remarquables en subordonnant toute modification de la version définitive de l’oeuvre audiovisuelle à l’autorisation de ses auteurs, en interdisant la destruction de la matrice de cette version, en introduisant une redevance au titre de la copie privée dont le quart doit être sonsacré à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, à des actions de formation d’artistes. Le budget d’action culturelle de la SACD était, avant l’entrée en vigueur de cette loi, de l’ordre de 4OO.OOO francs. Il est de 17.OOO.OOO aujourd’hui et le législateur, dans sa libéralité, a permis que les organismes répartiteurs des droits soient les distributeurs des fonds d’action culturelle. D’où de nouveaux centres de décision qui influent sur la politique d’action culturelle et réduisent les risques d’uniformisation de cette action.

Maintenant nous voci dans le haut lieu de la Magistrature. L’hommage rendu hier au législateur, je l’adresse de manière aussi vibrante aujourd’hui aux magistrats. Il est vrai, et, M. le Président, vous venez d’en donner un merveilleux historique, il est vrai que la jurisprudence a été parfois hésitante, que certains principes se sont affirmés lentement, mais, nonobstant, la Magistrature est vraiment co-auteur du droit d’auteur.

Nous avons là un cas assez exceptionnel en pays de droit écrit, d’un droit longtemps jurisprudenciel pour beaucoup puisque les décrets révolutionnaires se résumaient à quelques lignes. Les magistrats les appliqueront aux nouveaux moyens de communication des oeuvres de l’esprit : la radio, le cinéma, la télévision, tous procédés bien évidemment ignorés en 1791 et 1793. Et ce que vous venez de dire, à la suite de l’arrêt Houston, nous réconforte. L’arrêt de la Cour de Paris nous avait fait nous interroger. Y avait-il un revirement de la jurisprudence ? l’auteur passait-il sous la coupe du producteur, de l’insdustriel ? revenait-on plusieurs siècles en arrière, au temps où le monopole d’exploitation d’une oeuvre, ou privilège, était attribué par le Prince à l’imprimeur et non l’auteur ? Le progrès avait précisément consisté a transférer ce droit progressivement à l’auteur.

Aujourd’hui, les considérations économiques sont dans tous les esprits. Merci à la Cour de Cassation de ne pas s’être laissée impressionner par les usagers, d’avoir permis aux auteurs et leurs ayants droit de préserver l’intégrité des oeuvres de l’esprit sur le sol Français, sans considération de la loi du contrat, de la nationalité des titulaires de droits.

Comment la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques ne serait-elle pas sensible à la jusrisprudence ? Elle est née d’un procès et, nous venons de le montrer, le droit d’auteur demeure en procès. Ce sont les auteurs dramatiques qui, en France, ont eu le plus grand souci du droit d’auteur, et ce, dès l’Ancien-Régime.

Vous savez, il y a un point que je me plais à rappeler, c’est que sous l’Ancien-Régime, les droits d’auteur ont été déclarés insaisissables. Nous avons eu hier une intervention passionnante sur l’imposition des droits d’auteur. Et bien, il y a une femme qui est à la source de leur insaisissabilité, c’est LA POMPADOUR. CREBILLON le père avait dépensé beaucoup d’argent, il venait de toucher quelquess droits de la Comédie Françase, et son perruquier, son tailleur voulaient saisir ses droits. LA POMPADOUR alerta LOUIS XV et le Conseil du Roi émit un arrêt qui interdit la saisie des droits d’auteur. Il en a été ainsi jusqu’à la Révolution. Depuis…les saisies arrêt se bousculent au guichet de la SACD.

BEAUMARCHAIS intervient, lui, pourquoi ? Il abandonnait ses droits d’auteur aux comédiens. Les comédiens français devaient payer des droits d’auteur depuis 1680. La raison ? le premier d’entre eux, MOLIERE, était auteur. Mais lorsque le chef de la troupe n’a plus été un auteur, il y a eu survivance de la part d’auteur, et les comédiens français l’ont trouvée de plus en plus saumâtre. Alors ils ont inventé divers procédés pour essayer de ne pas payer. Les auteurs protesteèrent. Les comédiens avaient l’oreille et la main du pouvoir. Ils dépéchaient comme avocat auprès de l’autorité de tutelle des spectacles, le libertin maréchal de Richelieu, la plus jolie débutante. Les auteurs perdaient

immanquablement leur procès et venaient se réfugier ici même, au Parlement, pour échapper aux lettres de cachet. Il a fallu tout le charme, la virtuosité, la tenacité de BEAUMARCHAIS pour mettre en échec l’escadron volant de la Comédie Française.

Le Bureau de Législation Dramatique, fondé par BEAUMARCHAIS va obtenir, après trois ans de grève de la plume, la correction du règlement de la Comédie Française, mais son action piétinera en province où les théâtres continueront à représenter les oeuvres dramatiques librement. De nouvelles initiatives prises au début de la Révolution conduiront à l’adoption du décret du 13 janvier 1791, décrétant la liberté d’ouvrir des théâtres, d’interpréter le répertoire classique, enfin la propriété dramatique sur l’ensemble du territoire français. La suite, ce sont toutes les décisions de jurisprudence codifiées dans la loi du 11 mars 1957.

Aujourd’hui, comme hier, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques intervient pour garder à l’auteur ses prérogatives morales et matérielles, sources de son indépendance, une indépendance précieuse au public, sans laquelle les oeuvres de l’esprits s’abatardissent en produits, le spectateur en consommateur, le citoyen en sujet. Elle résiste à l’affaiblissement de la notion d’auteur par l’impositon de nouveaux programmes de télévision, tournés parfois en temps réél, improvisations filmées où la part de création tend à disparaître. D’où l’établissemnt d’une grille de répartition des droits avec prime à la création et l’introduction d’un seuil au-dessous duquel « l’oeuvre » n’est pas admise au répertoire. Des procès sont en cours, d’autres viendront. Le procès n’est- il pas un genre dramatique ? Il est du répertoire de la SACD. Hier, comme aujourd’hui, ne nous étonnons pas de voir la SACD en procès. Elle y est à sa place. Parfois elle gagne du premier coup, parfois elle est reçue en appel. L’important est que le troisième coup de bri-gadier, en cassation, ne lui fasse jamais défaut.

Voilà ce que je souhaitais dire. En conclusion, je vous exprime la reconnaissance des auteurs : merci de que vous avez fait pour eux dans les siècles passés, merci de ce que vous ferez dans ceux qui viennent !

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