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CONDITIONS DU REALISATEUR DE FILMS

par | 18 Août 2021

PREMIER SIECLE DU CINEMA

LE REALISATEUR

DU TOURNEUR DE MANIVELLE AU CO-AUTEUR DU FILM

NOTES JURIDIQUES AU 6 FEVRIER 1994 Jacques Boncompain

BIBLIOGRAPHIE

Annuaires de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques.

Bara, Claude : Les relations juridiques entre le producteur et les coauteurs de l’oeuvre cinématographique. Thèse. Paris. 1976.

Daburon, E. : Le Réalisateur de l’oeuvre cinématographique, Thèse, Paris 1961.
Desbois, Henri : Le Dro!t d’Auteur en France. Dalloz.
Gérard, Daniel : Les Auteurs de l’oeuvre cinématographique et leurs droits. Thèse. Nancy. 1952. n°26. Monnet, Pierre : Nouveau Mémento de Proriété Littéraire pour la France et l’Etranger : Librairie de

Droit et de Jurisprudence, Paris. 1954..
Plaisant, Robert : Du Droit des auteurs et des artistes exécutants. Editions J. Delmas :
Pouillet : Traité théorique et pratique de la propriété littéraire et artistique. Marchal et Billard. 3e

édition : 19O8.
Robbe-Jedeau, Lionel : La Rémunération proportionnelle des auteurs de films. Nanterre (Paris X)

Mémoire pour le D.E.S.
Ruskowski : L’oeuvre cinématographique et les droits d’auteur. Thèse. Lille. 1935.
Salacrou, Armand : Dans la Salle des pas perdus. Gallimard.
Sarraute et Gorline : Le Droit de la cinématographie. Enseignement !
Valter, Gérard : Le Régime de l’Organisation Profesionnelle de la Cinématographie; Lirairie de Droit

et de Jurisprudence. Paris.1969.

Ière PARTIE : EN FRANCE

I) AVANT LA LOI DU 11 MARS 1957.

L’examen de la qualité d’auteur du réalisateur s’est d’abord effectué à partir de décrets révolutionnaires, ce qui est tout à l’honneur, à la fois du législateur de cette époque, et de la jurisprudence, qui tira, de principes généraux, une application positive

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à de nouvelles techniques, inconnues au moment de l’adoption des lois fondatrices du droit d’auteur.

1) LEGISLATION

A) Décret des 13-19janvier 1791.

« L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de constitution décrète ce qui suit :

……

« Art.2.- Les ouvrages des auteurs vivants ne pourront être représentés sur aucun théâtre public, dans toute l’étendue de la France, sans le consentement formel et par écrit des auteurs, sous peine de confiscation du produit total des représentations au profit des auteurs.

……

« Art.5.- Les héritiers ou cessionnaires des auteurs seront propriétaires de leurs ouvrages durant l’espace de cinq années après la mort de l’auteur(*).

* : La durée de protection fut allongée parallèlement par plusieurs dispositions comme la loi des 8- 19 avril 1854 qui porta au bénéfice des enfants à trente ans à partir, soit du décès de l’auteur, compositeur ou artiste, soit à l’extinction des droits de la veuve, ou la loi du 14 juillet 1866 qui uniformisa à cinquante ans la durée de protection accordée au bénéfice des ayants droit de l’auteur.

B) Décret des 19-24 janvier 1793, modifié par la loi du 11 mars 19O2. Droit de reproduction.

« Art.1er.- Les auteurs d’écrits en tout genre, les compositeurs de musique, les architectes, les statuaires (*), les peintres et dessinateurs, qui feront graver des tableaux ou dessins, jouiront, durant leur vie entière, du droit exclusif de vendre, faire vendre, distribuer leurs ouvrages dans le territoire de la République, et d’en céder la propriété en out et en partie.

Le même droit appartiendra aux sculpteurs et dessinateurs d’ornements, quel que soit le mérite et la destination de l’oeuvre.

« Art.2.- Leurs héritiers ou cessionnaires jouiront du même droit durant l’espace de dix ans après la mort des auteurs (**).

« Article 3.- Les officiers de paix seront tenus de faire confisquer, à la réquisition et au profit des auteurs, compositeurs, peintres ou dessinateurs, leurs héritiers ou

cessionnaires, tous le exemplaires des éditions imprimées ou gravées sans la permission formelle et par écrit des auteurs. »

* : Modification introduite par la loi du 11 mars 19O2.
** : Mêmes prorogations que celles mentionnées au décret précédent.

C) Code pénal 181O.

Art.428. – Tout directeur, tout entrepreneur de spectacle, toute association d’artistes, qui aura fait représenter sur son théâtre des ouvrages dramatiques au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, sera puni d’une amende de 5O francs au moins, de 5OO francs au plus et de la confiscation des recettes.

Art. 429.- Dans les cas ^prévus par les articles précédents, le produit des confiscations, ou les recettes confisquées seront remis au propriétaire pour l’indemniser d’autant du préjudice qu’il aura souffert : le surplus de son indemnité, ou l’entière indemnité, s’il n’y a eu ni vente d’objets confisqués, ni saisie de recettes, sera réglé par les voies ordinaires.

2) JURISPRUDENCE

Le débat juridique sur la protection ou non des films s’est effectué par analogie avec le débat qui, antèrieurement, s’était instauré au sujet des photographies. Aussi, voyons en premier comment évolua la considération des juges à propos des photographies.

A) Sort des photographies.

Plusieurs opinions se firent jour, pour savoir si les photographies relevaient du décret de 1793 ou non.

a) 1ère interprétation : Absence de protection.

Selon cette conception le décret de 1793 a un caractère limitatif et ne protège que les produits des différents arts énumérés, sans avoir à en considérer le mérite, le seul fait d’exercer l’un de ces arts nécessitant une activité intellectuelle qui justifie l’attribution d’une protection. L’intelligence de l’artiste est en action aussi bien dans la phase de la conception que dans celle de l’exécution, où elle guide sa main. Rien de tel avec les photographies. Dans la phase d’exécution, l’intelligence de l’artiste est absente. Le résultat a un caractère automatique et ne porte pas l’empreinte de la personnalité du photographe, en dépit de la formation technique du photographe et

de son habileté personnelle, car à un certain moment entrent en jeu des combinaisons

chimiques qui échappent à son génie.
Voir : Pataille, 62.423 et 63.4O5. Trib. civ. Seine, 11 déc. 1863, Disdéri, Pataille, 63.396. Trib. corr. Seine,

16 mars 1864, Masson, Pataille, 64.224. Angers, 23 nov. 1896, Vaelcker, Pataille, 97.129.

b) Deuxième interprétation : protection absolue.

Selon cette interprétation, l’énumération, dans la loi, n’a pas un caractère limitatif. L’esprit de la loi est contenu en son article 7, qui parle de « toute autre production de l’esprit ou du génie qui appartiennent aux beaux-arts… » La photographie est assimilable à un dessin. Peu importe le moyen employé pour l’obtenir. Seul compte le résultat. ‘L’art est dans l’exercice de la volonté, dans le choix du sujet, de l’heure pour obtenir certains effets de lumière ; tout cela est la création de l’homme qui reproduit la nature, et jamais on ne pourra dire qu’il n’y a là qu’une force brutale. » Cité par Pouillet. 3ème édition. p.131. L’artiste use de sa volonté, procède à divers choix, du sujet, de la lumière, du cadrage. Ainsi la distinction entre les arts proprement dits et les arts industriels ne compte pas, au moins au plan légal. Importe l’activité intellectuelle de l’artiste qui a recours à des instuments dont la nature peut évoluer avec le temps, sans pour autant cesser de demeurer sous le contrôle de sa volonté.

– Trib. Seine, 3O janv. 1899, Reutlinger, Pataille, 97.147, note Albert Vaunois. Trib. Comm. St. Etienne, 7 juill. 1885, Berthon, Pataille, 89.52.

c) Troisième conception : Protection sous condition.

Selon cette conception, en l’absence de définition par la loi, des caractères qui constituent, pour un produit artistique, une création de l’esprit ou du génie, il convient de distinguer les cas où le photograhe s’est contenté d’user de son appareil d’une façon sommaire et les cas où il a pris un ensemble de précautions qui font de lui autre chose qu’un simple technicien, le résultat, fruit d’un travail intellectuel, portant l’empreinte de sa personnalité.

– Paris1O avr. 1862, Mayer et Pierson, Pataille, 62.113.

– Paris, 29 avr. 1864, Duroni et Murer, Pataille, 64.235. Protection d’autant plus acquise que le clichet avait été retouché.

– Paris, 6 mai 1864, Masson, Pataille 64.232.
– Trib. civ. Seine, 23 mai 19O5, Mangeo, Gaz. trib. , 28 oct. 19O5.

B) : Les films cinématographiques.

Premières décisions :

18 Novembre 19O4. : Un arrêt de la cour de Pau reconnait que des épreuves cinématographiques peuvent être considérées comme des oeuvres artistiques, mais ne considère par les projections effectuées sans le consentement de l’auteur comme des représentations illicites au sqens du décret des 13-19 janvier 1791 et des articles 428 et 429 du Code pénal. La raison tient à ce que la succession des tableaux qui crée une illusion d’optique est assurée, non pas par la volonté des auteurs et des exécutants, mais par une machine.

Fourcade, Pataille, O6.1O1. Note critique Ed. Mack.

19O5 : Trib. civ. de la Seine, 1O février 19O5, Dr. Doyen, Pataille, O5.11. Note Dalloz, O5.2.389.

« Les épreuves cinématographiques reproduisant des opérations pratiquées par un chirurgien sont des oeuvres d’art protégées par la loi du 19 juillet 1793. Elles appartiennent à l’opérateur qui les a ordonnées et composées. Celui-ci est fondé à se plaindre, alors que les bandes cinématographiques dont il est le propriétaire exclusif ont été vendues sans son autorisation et ont servi, malgrè son interdiction formelle, à des exhibitions publiques. »

1) Producteur considéré comme l’auteur unique.

N’est-ce pas le producteur qui fixe le sujet, choisit et traite avec le scénariste, le dialoguiste, le réalisateur, les interprètes, et réunit le financement nécessaire ? Personnage central du film, dont il assure la confection et la promotion, il doit en être l’auteur, dans l’intérêt général. Cette conception américaine a eu ses adeptes en France, qui se sont référés, pour la fonder en droit, au statut des oeuvres de commande et des oeuvres collectives.

A) Oeuvre de commande.

Les auteurs, personnes physiques, sont liés au producteur par un lien de dépendance et de subordination. De ce fait, leur prestation appartient au producteur, de même que l’invention réalisée par un employé dans le cadre d’un contrat de travail appartient à l’employeur.

– Trib. Seine, référé du 19 mars 1935, Gaz. Pal. 1935. 2. 62 ; Sirey 1935, II. 1O1.

Dans cette affaire, la société de production Tobis-Sachsa demanda la saisie des recettes du film Mascarade, pour défaut de paiement, par l’exploitant, du pourcentage fixé au contrat. L’exploitant argua que la saisie ne pouvait être le fait que des auteurs, qualité que n’avait pas le producteur. Le tribunal reconnut au producteur la qualité

d’auteur, la Cour, en appel, allant même jusqu’à dire que le producteur était l’unique

auteur du film :
Paris, 16 mars 1939. Gaz. Pal. 1939. 2. 21O. / Sirey, 194O 2. 1935.

De même, La Cour de Paris, dans une affaire Guerlais Roubaud, au sujet du film Danton, débouta le réalisateur et reconnut le producteur comme l’unique auteur.

Autre décision comparable de la Cour de Paris qui, face à une demande de Marcel

L’Herbie’Herbier.
Paris, 15 avr. 1943. Droit d’auteur : 1943. 8O.

B) Oeuvre collective.

Le même résultat peut être obtenu en considérant l’oeuvre cinématographique comme une oeuvre collective. Le film serait semblable au dictionnaire où il est impossible de distinguer l’apport des différents participants à sa confection. Le producteur se trouverait dans la position de l’éditeur auquel la création du dictionnaire est attribuée, avec tous les droits y attachés.

C) Oeuvre de collaboration.

Une personne morale ne saurait, sans qu’on fasse violence au droit, être considérée comme auteur, la qualité d’auteur étant réservée aux personnes physiques qui ont seule une activité intellectuelle et le film n’est en rien comparable à un dictionnaire, puisque la qualité des intervenants peut être cernée, comme leur prestation. Ainsi du scénariste, du dialoguiste, du réalisateur, qui travaillent les uns en fonction des autres. C’est donc d’oeuvre de collaboration qu’il faut parler. Si le cinéma est une industrie, nous avons vu, à propos des oeuvres photographiques, que la recherche du beau, que le travail intellectuel, transfigurent le produit, assez pour le faire relever de la législation sur le droit d’auteur, quand bien même la technique jouerait un rôle important dans sa constitution et sa commercialisation.

a) L’attitude de la S.A.C.D.

Sur la question de savoir si le réalisateur était un auteur, les auteurs eux-mêmes étaient divisés. Les uns opinaient franchement pour le oui, d’autres pour le non, au motif que le cinéma était une simple activité industrielle, d’autres enfin pour le oui- mais, savoir que le réalisateur était un auteur d’une espèce inférieure.

Le débat touche la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, d’autant que le cinéma fait une concurrence grandissante au théâtre. Il en emprunte les sujets ; les films, d’abord de brève durée, rivalisent avec les pièces, et la qualitè des projections, le confort des salles s’améliorent. C’est dans ces conditions qu’est créée le 3 janvier

1912 une sous-commission spécialisée chargée d’étudier l’ensemble des problèmes posés par le cinématographe.

Les auteurs dramatiques traditionnels ne se remettent pas immédiatement en cause. La concurrence du cinématographe est en premier une concurrence déloyale, les directeurs de théâtre étant soumis aux versment d’une rémunération proportionnelle aux auteurs, alors que les exploitants de salles sont libres de tout droit à l’exception de la rémunération de l’accompagnement musical. Ainsi, l’intervention pour l’introduction d’une rémunération proportionnelle des auteurs de films n’est pas entièrement désintéressée, certes parce qu’elle devrait se traduire par des ressources nouvelles pour la Société, mais également parce qu’elle rétablirait un relatif équilibre entre les charges de l’exploitant et celles du directeur de théâtre. On imagine qu’une telle délibération sera entourée de peu de publicité. L’ouverture de la SACD aux auteurs de films est avant tout politique. Elle doit se traduire par leur admission comme membres et la conduite de négociations avec les représentants de l’industrie cinématographique.

Lors de l’Assemblée générale ordinaire du 8 mai 1913, Adolphe Aderer intervient solennellement :

« Comme conclusion, la Sous-Commission des Cinématographes, se réglant sur l’étude approfondie qu’elle a faite de ce rapport – préparé par Adolhe Aderer – a émis devant la Commission des Auteurs les trois voeux suivants :

« 1°) Que son rapport soit communiqué aux représentants des éditeurs de films cinématographiques et aux représentants des exploitants, afin que des négociations puissent s’engager à l’effet d’établir pour les auteurs des films cinématographiques un mode de paiement plus équitable ;

« 2°) Que le système de pourcentage quotidien ou l’abonnement hebdomadaire ou mensuel soit au moins admis pour les films cinématographiques établis d’après les pièces du répertoire de la Société et d’après les pièces nouvelles.

« 3°) Que la Commission prenne l’initiative d’un Congrès auquel seraient conviés les représentants de toutes les Sociétés d’Auteurs de l’étranger et, s’il y avait lieu, les représentants des entreprises des films cinématographiques, ou autre personnes à désigner.

« La Sous-Commissions n’a pas la téméraire et ridicule pensée de porter préjudice à une industrie florissante. Nous voulons simplement en retirer les bénéfices qui nous sont dus ; nous ne voulons plus être plagiés, pillés, démarqués impunément par des industriels sans scrupule. »

On le voit, les auteurs de théâtres défendent les auteurs de films, avant tout à des fins personnels, pour rétablir l’équilibre avec le théâtre, et recevoir une rémunération proportionnelle lorsque les films sont tirés des pièces. Mais qu’importe le motif ! Compte l’intervention de la SACD, Société prestigieuse, établie, aux côtés des auteurs de films qui seuls ne pouvaient se faire entendre de l’industrie cinématographique.

Le conseiller juridique de la SACD, Maître Jallu, déclare que la perception des droits des auteurs de films est conforme à l’objet social qui s’étend à toutes les représentations des oeuvres dramatiques. Le cinéma est un mode de représentation théâtral parmi d’autres.

Le débat reprend lors de l’assemblée générale extraordinaire du 6 novembre 1913. Le président Robert de Flers ramène à la raison ceux qui voient dans le cinéma le mal absolu qu’il convient de terrasser. Il s’exclame :  » Evidemment, il est puéril de dire : il faut tâcher de détruire le cinématographe. C’est aussi vain que si nous disions : il faut détruire l’électricité. »

La comparaison avec l’électricité montre la lucidité du président qui voit dans le cinéma une vraie révolution, bénéfique certainement, mais qu’il convient de maîtriser : « Ce qu’il faut, c’est essayer de mettre le cinématographe sur le même pied que le théâtre en augmentant d’une façon raisonnable les conditions qui nous sont faites, permettre au théâtre de lutter contre son adversaire sur un pied moins inégal. »

(Reconnaissons au passage que les auteurs de films français apportent leur soutien à leurs confrères américains en usant du même raisonnement, et que le domaine public gratuit, au théâtre, a aujourd’hui le même effet que le cinématographe à ses origines.)

De Flers propose un renversement de la politique de la SACD. Jusque-là, la Commission avait livré les auteurs de films à eux-mêmes, les laissant conquérir ce qu’ils pouvaient isolément. Certes, les auteurs de films ne sont pas des concurrents sérieux en tant qu’auteurs, mais leur faiblesse se traduit paradoxalement par un affaiblissement des auteurs de théâtre. D’où cette proposition : « Unissons-nous aujourd’hui pour conquérir demain ! » Phrase lapidaire qu’il conviendrait de garder en mémoire chaque fois que de nouveaux modes d’exploitation, et de nouveaux genres d’auteurs font leur apparition.

La preuve est faite, observe de Flers, que lorsque des auteurs de théâtre ont confié aux agents de la SACD le soin de négocier les droits d’adaptation cinématographique de leurs oeuvres, il ont obtenu des conditions supérieures à celles consenties aux auteurs ayant traité isolément. Ainsi Marcel Ballot, agent, a obtenu 31.OOO francs pour une adaptation à l’écran d’un livret d’opéra comique, quand Feydeau ne recevait que 1.OOO francs pour la Dame de chez Maxim’s, et Sardou 6.OOO francs pour Madame Sans-Gène.

« Enfin Messieurs, plaide le présidentde Flers, si nous étendons notre protection aux auteurs de film, nous pourrions accueilir dans notre Société tous les auteurs de films n’ayant pas fait de théâtre ainsi que les romanciers dont les oeuvre fournissent des scénarios cinématographiques. »

Pensons au problème qui s’est posé de l’admission ou non à la SACD des auteurs de documentaires, résolu par leur éloignement. Robert de Flers, prophète, de présager : « Et, Messieurs, réfléchissez à ceci. Si vous n’adoptez point le projet que nous

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vous proposons, il est certain qu’une autre Société se fondera, demain peut-être, pour défendre les intérêts que nous aurons négligés, et pour recueillir le prestige et l’autorité dont nous n’aurons pas voulu… Cette Société pourra inscrire à son répertoire toutes les pièces qui composent la nôtre. Il nous faudra partager avec elle notre patrimoine. »

De Flers emporte l’adhésion de l’assemblée, en soulignant que les agents seraient invités à réduire leur commission à un taux inférieur à 1O% des droits encaissés au titre des contrats cinéma, dès lors que de tels contrats seraient conclus systèmatiquement à la SACD, leur nombre compensant, et au-delà, la réduction consentie. A l’unanimité, le cinéma est rendu statutaire.

Les négociations entamées avec la Société des Gens de Lettres aboutissent en 1914 par l’abandon de la SGDL à la SACD « le soin et le contrôle de toutes les affaires cinématographiques. » Au terme de l’accord négocié par le secrétaire-général, Deyrieu, futur délégué général, les agents de la SACD ristourneront à la SGDL une partie de leur commission. La Chambre Syndicale de la Cinématographie réagit très vivement au regroupement des auteurs intéressés au cinéma, au sein de la SACD.

Pendant la grande guerre, en 1916, la Commission autorise des théâtres en difficulté à projeter des films. Le Théâtre du Vaudeville accepte de payer un droit forfaitaire, c’est-à-dire un pourcentage uniforme. La même année, une Commission Internationale du Cinéma est constituée entre la SGDL et la SACD.

En 1917, le sociétaire Bernède propose la consitution d’une filiale de la SACD qui serait spécialisée dans les problèmes cinématographiques. Le conseil de la SACD, Maître Bernard, estime que c’est juriquement possible, mais qu’il faudra veiller à ce que la SACD en conserve le contrôle.

La Commission du 2 février 1917 entend M. Delavène, conseiller municipal et directeur d’une Société d’éditions cinématographiques, qui suggère la constitution d’une vaste agence internationale ayant le même objet. La Commission du 25 mai suivant, ouïs MM. Bernède, Tristan Bernard et Delavène, recule devant la dimension du projet dont la réalisation est remise à plus tard.

A la suite de la signature d’une convention avec la SGDL, une commission intersociale de 15 membres fut constituée, avec comme président Jules Mary, avec pour misson d’élaborer un traité avec le éditeurs de films et d’instituer une perception auprès des exploitants. Quelques années après, cette responsabilité incomba à une nouvelle commission, présidée par Arthur Bernède, champion depuis des années du cinématographe. A sa mort, la commission est dissoute, et la charge de traiter avec les éditeurs et exploitants est confiée au Syndicat des Auteurs de Films, présidé par M. de Morlhon.

Ecartés de la SACD, les scénaristes et réalisateurs s’étaient regroupés au sein de la Société ds Auteurs de Films, sous la présidence de Louis Feuillade, auquel succéda Camille de Morlhon, l’un des premiers réalisateurs de chez Pathé.

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Nouvel échec. A l’assemblée générale ordinaire du 19 mai 192O, des voix s’élèvent pour protester contre le maintien du cinéma parmi les obligations statutaires.

Lors de l’assemblée générale ordinaire du 26 mai 1923, Charles Méré, rapporteur, joue les pleureuses :

 » Ah ! si nous avions prévu ! Si, dès le début du cinématographe, nous avions prévu son magnifique essor, il n’y aurait pas aujourd’hui deux Sociétés : la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, et la Société de Auteurs de Films. Il n’y en aurait qu’une ! La leçon à tirer de cet état de choses, c’est qu’il faut, à l’avenir, essayer de ne pas se laisser surprendre par les évènements. » Mais aussi les « cinégraphes », autrement dit les scénaristes, avaient voulu entrer à la SACD par la grande porte, comme sociétaires, ce qui remettait en cause le pouvoir établi de auteurs de théâtre. (*) Quant à ne pas essayer de se laisser surprendre par les évènements, le voeu ne sera pas toujours entendu.

Lors de l’assemblée générale extraordinaire du 19 novembre 1924, les lamentations et battements de coulpe reprennent. La SACD n’a aucune prise sur les exploitants de salle, qui se sont organisés sous son nez. Le cinéma, invention française, échappe aux français. « Avec la guerre, arrêt de la production en France. L’Amérique a su en profiter. Le marché mondial fut inondé de films américians qui, en raison de leur diffusion dans leur pays d’origine, arrivaient chez nous plusieurs fois amortis, et pouvaient être livrés à bas prix à l’exloitation. » Michel Carré plaide pour l’admission des cinéastes en qualité de sociétaires, en touchant ses confrères au portefeuille. « Et surtout, ce que vous ne dédaignerez pas, c’est la source considérable de bénéfices que vous en pourrez tirer, les ressources nouvelles, qui vous permettront d’augmenter le chiffre de vos pensions de retraite. »

Henri Bernstein est plus méfiant. Ce qu’il voit, dans l’immédiat, c’est que la multiplication des sociétaires entraînera une chute des pensions. Et de conclure : « Quand le cinéma sera en mesure de concourir à grossir la caisse des pensions, alors nous pourrons prendre des engagements à son égard. Jusque là nous ne lui donnerons que notre appui moral. » Cet appui n’avait jamais fait défaut mais les cinéastes le trouvaient insuffisant et on les comprend.

Dans la discussion, Tristan Bernard met en évidence les qualités propres du réalisateur, qui ne peut être mis sur le même plan que le metteur en scène de théâtre. Quant à M. de Marsan, il estime que la SACD a fait fausse route en voulant traiter avec les exploitants. La conclusion d’un tel accord les inciterait à diffuser de préférence des films étrangers. C’est avec les éditeurs de films qu’il convient de s’entendre, d’autant que les éditeurs commencent à se faire payer au pourcentage, par les exploitants. M. Gleize propose d’appeler les cinéastes, dans la proportion de 1/5ème des sociétaires existants, afin de ne pas modfier trop sensiblement le rapport de forces au sein des assemblées générales. Michel Carré, écoeuré, retire la proposition des cinéastes. La séance est levée. Les auteurs de films étaient encore victime de préjugés tels que : « Le

cinématographe a commencé chez le bistro, il y est resté. » Des films contenaient des anachronismes, comme des poteaux télégraphiques sous Louis XV, et un sous-marin en arrière plan d’un combat naval du temps de Louis XIV.

Armand Salacrou rapporte dans ses mémoires (p.217) l’étonnement de Dulllin après son triomphe dans le Miracle des loups et le Joueur d’échecs, films de Raymond Bernard. Hollywood lui offrit un pont d’or sur lequel il refusa de franchir l’Atlantique. Et d’observer :  » En ce temps là, je pensais comme lui, que le cinéma resterait un art mineur. « Alors, me disait-il, pourquoi perdez-vous votre temps avec tous ces cinématographes. Ecrivez donc une autre pièce » Ainsi, nombre d’auteurs de théâtre se détournèrent du cinéma, quand un règlement des droits des auteurs de film, dès l’origine, sur le pied des droits des auteurs de théâtres, aurait amarré les auteurs de théâtre au cinéma.

Lors de l’assemblée générale du 1er juin 1927, Michel Carré, rapporteur, renouvela son plaidoyer en faveur des cinéastes :

« Le cinématographe, encore jeune et inexpérimenté, est appelé, vous n’en doutez plus aujourd’hui, à avoir dans le monde une importance considérable, parce qu’il parle aux yeux et éveille l’esprit par la diffusion des idées et des images. Nous l’avons trop considéré (quelle modestie ! Mais ce nous est avant tout de bonne politique pour mieux faire passer son message) pendant longtemps comme un art inférieur, indigne de notre attention. Le chiffre que je vais vous citer suffira à vous montrer ce que nous a fait perdre, chaque année, notre indifférence coupable. Pour la France seule, où le cinéma est loin d’avoir atteint tout son développement, les recettes de cette industrie ont passé le chiffre de : un millard cinq cents millons ! »

Fondation de l’Association des Auteurs de Films.

Le parlant va introduire une révolution au sein du cinéma et accroitre la concurrence de cet art avec le théâtre. Armand Salacrou, dans ses mémoires, rapporte (p.218) que la diffusion du premier film parlant à Paris, Ombres blanches, intervint au cours de l’hiver 1929-193O. Au même moment se poursuivait le tournage dans les studios de Joinville de Montecristo. Les anglais prirent prétexte d’un retard dans le tournage pour annnuler le contrat de pré-achat d’un film devenu démodé avant que d’être achevé.

Lors de l’assemblée générale du 14 mai 1929, le danger nouveau que fait courir le cinéma parlant au théâtre, est évoqué. « Cette innovation peut constituer un réel danger pour le théâtre, si elle se développait en dehors de nous et que notre Société, si elle est menacée dans son existence, doit être armée pour se survivre à elle-même. » Le 29 avril une circulaire avait été adressée aux auteurs, pour leur rappeler l’obligation qui leur était faite de traiter leurs affaires cinéma par la SACD, dans les pays statutaires. L’indiscipline des auteurs se concevait par l’absence d’accord général de la SACD avec les producteurs et ou exploitants. Rappelons que les auteurs demeurent divisés, et

que les discussions afin de faire entrer au bercail, les membres de la Société des Auteurs de Films, s’éternisent, en dépit de l’habileté du président Fernand Rouvray. La « cadette » se fait prier et veut entrer par la grande porte.

Lors de l’assemblée générale extraordinaire du 25 juin 1929, le cinéma parlant fait encore parler de lui. Change-t-il la nature de l’oeuvre au point de basculer dans le répertoire de la SACD ? C’est ce qu’affirme et veut démontrer le président Charles Méré. Selon lui : « Les dérogations prévues pour les auteurs de films ne sont pas valables pour le film parlant :

« Le cinématographe, c’est par définition l’art muet. Quel est le sens éthymologique du mot cinématographe ? Je ne vous l’apprend pas, la ligne, l’écriture, le mouvement… Le film parlant, qui est lui, l’enregistrement de la parole ou du chant aussi bien que de l’image, et qui va donc concurrencer le théâtre, doit être assimilé rigoureusement au théâtre. »

L’assemblée votre l’admission des auteurs de films au sein de la SACD, avec, en perspective, la dissolution de la Société des Auteurs de Films. Subordonner leur admission à la conclusion préalable d’un accord pour percevoir dans les salles, aurait gelé encore la situation. Des conditions particulières doivent être consenties aux auteurs de théâtre également auteurs de films.

Avec bon sens, et dans l’esprit des fondateurs de la SACD, le président Méré déclare : « Nous n’obtiendrons rien, ni des producteurs, ni des exploitants, avant d’avoir réalisé le front unique de tous les auteurs de films. » Il est applaudi. C’est que l’argent, toujours lui, fait rêver les auteurs dramatiques. « Pensez, poursuit Charles Méré, que les recettes dans les théâtres de Paris, qui étaient de 143 millions en 1926, se sont élevées à 16O millions en 1928, alors que les recettes du cinéma, qui n’étaient en 1926 que de 145 millions, se sont élevées en 1928, et à Paris seulement, à 204 millions ! »

Voici le théâtre dépassé par cet intrus, le cinématographe. Il n’est que temps de rattraper le temps perdu, sinon Méré prophétise : « La Société des Auteurs ne doit pas être réduite dans cent ans au rôle de bibliothèque ou de musée. Si nous le voulons, au contraire, elle aura, dans dix ans, décuplé sa puissance morale et matérielle. »

L’émotion est telle que les sociétaires adoptent les mesures proposées à leur vote, par 329 voix sur 4OO, mesures repoussées jusque-là sous divers prétextes. Un compromis a été trouvé, afin d’assurer entre les anciens et les nouveaux une cohabitation acceptable. « Vous verrez que nous avons prévu la constitution d’une Association, au sein de la Société, d’une association dite : Association des Auteurs de Films, qui aura son bureau et son règlement intérieur, règlement technique qui devra être approuvé par la Commission de la Société. »

Traité type avec la Chambre Syndicale Française de la Cinématographie.

Dans la dynamique du rapprochement avec les auteurs de film, un accord est recherché avec la Chambre Syndicale de la Cinématographie, seul moyen de cimenter les auteurs de toutes disciplines autour du cinématographe, par la perception au pourcentage dans les salles. Ainsi le cinéma se retrouvera sur un pied voisin de celui du théâtre.

Mais le 26 juillet 1929, devant la détermination des auteurs, le conseil d’administration du Syndicat Français des Directeurs de théâtres cinématographiques, protestait énergiquement contre la prétention des auteurs d’être payé au pourcentage, menaçait de ne pas diffuser le film de tout producteur traitant sur cette base avec les auteurs, et d’inviter les exploitants étrangers diffusant les films dans leur version originale, à agir de même.

La SACD négocie seule pendant huit mois – la SGDL avait été impressionnée pa les protestations des exploitants – avec la Chambre Syndicale, elle même soumise à des pressions des producteurs italiens et allemands, opposés à l’apparition d’un précédent français qui s’imposerait tôt ou tard à eux.

Un traité est conclu le 5 mai 193O, fruit de concessions réciroques. Le compromis consiste en une reconnaissance mutuelle de la qualité d’auteur, des producteurs , aux créateurs intellectuels du films, et des créateurs aux producteurs. Comme dit René Falk : « Ce n’est pas tout à fait dimanche. » Mais, à y regarder de plus près, les auteurs ont obtenu de belles concessions.

Article 2

« Il est bien entendu que, dans un dessein de simplification, le mot « auteurs » est employé dans les présentes dispositions, pour désigner, autant que le ou les auteurs de l’oeuvre initiale, le compositeur de la partition, si elle est originale, et les réalisateurs du film.

Le producteur qui participe à l’élaboration d’un film et en dirige la réalisation en coordonnant les éléments de la collaboration (auteurs de l’oeuvre initiale, adaptateurs, réalisateurs, créateurs spécialisés, techniciens), pourra toujours signer comme auteur avec les autres auteurs du film pour une part de droits afférents à l’oeuvre. »

Problème, le producteur pourra-t-il être admis de plein droit comme membre de la SACD. ? Le seul frein imaginé consiste à l’astreindre à faire une demande à la Commission qui décidera d’y donner suite ou non.

En contrepartie de cette reconnaissance contre nature, pour la première fois, dans l’histoire du cinéma et dans le monde, l’auteur est associé à la fortune de son oeuvre.

Article 4

« Le producteur garde la propriété exclusive des droits cinématographiques de l’oeuvre pendant sept années à dater de la signature du contrat avec la faculté pour lui d’étendre ces délais à dix ans si, avant l’expiration de la cinquième année, il prend l’engagement d’en faire une deuxième version. Il est entendu, d’autre part, que l’auteur initial conservera ces sept ou dix années la propriété exclusive de son oeuvre pour toutes autres formes d’utilisation que le film et qu’à l’expiration de ces délais il en reprendra ma libre et entière disposition.

« Le producteur devra faire projeter le film dans un délai de trois années, faute de quoi, ce délai expiré, il perdra le privilège acquis sur cette oeuvre, et les sommes déjà versées resteront en tout état de cause, acquises aux signataires du bulletin.. »

On voit que les auteeus dramatiques, auteurs d’oeuvres préexistantes souvent adaptées au cinéma, ont pesé dans les néociations. C’est également vrai à la lecture de l’article 5.

Article 5

« Avant la réalisatation du film, le titre, le scénario et le texte parlé s’ils ne sont pas composés par l’auteur de l’oeuvre initiale devront être soumis à l’approbation de ce dernier. Faute d’accord dans la quinzaine, le différend devra être réglé par arbitrage sous huitaine.

« Le film devra, lors de son exploitation, porter obligatoirement le nom des auteurs, ceux-ci devant, dans leurs contrats particuliers, établir d’accord avec le producteur, le texte désignant respectivement, l’ordre, et la vedette de chacun, et le producteur s’engageant à rappeler aux distributeurs et directeurs de salles, l’obligation qu’ils ont de respecter ce texte. »

Dans les pays non statutaires, l’auteur a faculté de traiter au forfait. En revanche, la rémunération proportionelle est obligatoire dans les pays sattutaires.

Article 7

« Le droit sera calculé sur les forfaits bruts ou sur les pourcentages bruts effectivement encaissés par le producteur.

« Chacun des auteurs du film fixera librement lui-même, d’accord avec le producteur, le taux de ses droits personnels sur l’exploitation du film, étant entendu toutefois que le taux de l’ensemble des droits de tous les auteurs figurant au bulletin de répartition de la Société, ne pourra jamais être inférieur, pour un film de 2.5OO mètres et plus, à 8% des recettes (forfait ou pourcentage) encaissés par le producteur..

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« Pour des films inférieurs à un métrage de 2.5OO mètres, le pourcentage de droits d’auteur pourra être proportionné au métrage du film, étant entendu pourtant qu’aucune réduction du métrage prévu effectuée en cours d’exécution ou après présentation, ne pourra entraîner un abaissement du taux du droit d’auteur fixé au contrat.

« Le producteur versera à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques pour être répartis aux signataires aux bulletins des à-valoirs sur leurs droits. Chacun des signataires au bulletin garde la liberté de fixer lui-même d’accord avec le producteur le montant de l’à-valoir devant lui être personnellement attribué. »

En cas de rétrocession des droits le producteur demeure personnellement responsable de ses obligations initiiales vis-à-vis des auteurs. Le paiement de la participation proportionnelle sera effectuvé mensuellement par le producteur, bordereaux justificatifs à l’appui. Une commision bi-partite réglera tout litige à l’amiable. La Chahmbre Syndicale s’engage à imposer l’usage du traité type à chacun de ses membres. L’accord est conclu pour une période de trois années.

Le résultat de la négociation est appréciable, si l’on tient compte que la jurisprudence, encore à l’époque, voit dans le producteur un auteur. Henri Falk met ce contrat type sur le même plan que les traités généraux conclus avec les directeurs dethéâtre par la nouvelle Société en 1929 . Depuis, ces traités n’ont cessé d’être améliorés. Il devrait en aller de même avec le premier traité type conclu avec le producteurs films.

Le nouveau traité type entre vigueur à compter du 23 juin 193O. Lorsque les auteurs traiteront de manière forfaitaire avec un producteur extérieur à la Chambre Syndicale, le dixième du prix sera considéré comme affecté à la France et les payx statutaires, et de ce fait soumis à la retenue statutaire. Enfin les sanctions pour violation des statuts ne seront appliquées qu’à compter du 23 juin, date à laquelle le traité a été communiqué à l’assemblée générale ordinaire.

Action internationale :

Pour être pérennisé, le système Français devait être exporté. Aussi la délégation de la SACD au congrès de la C.I.S.A.C. à Budpest fit voter par les vingt Sociétés représentées la résolution suivante :

« Les Sociétés d’Auteurs et Compositeurs Dramatiques, dans tous le traités qu’elles seront appelées à passer avec les entreprises de prodcuction ou d’exploitation de films, devront assurer aux auteurs la suavegarde efficace de leurs droits moraux et artistiques, établir une perception de droits d’auteur sous la forme de pourcentage et veiller à ce que les auteurs soient désormais associés à la fortune de leur oeuvre. »

De plus le Congrès a décidé que le film muet ou parlant relève de la compétence exlusive des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs Dramatiques.

En outre : « En ce qui concerne les droits musicaux, les partitions des films muets, sonores ou parlants, lorsqu’elles sont composées d’airs et fragments détachés qui appartiennent au répertoire des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs (droit non théâtraux) relèvent du domaine de ces Sociétés, chargées d’en assurer la perception. »

Pendant le Congrès, des discussions eurent lieu entre la délégtion de la SACD et des représentants de la Paramount qui reconnurent le bien fondé de la position de auteurs, sans vouloir pour autant changer leur façon de procéder.

La SACD mobilisa également l’Association Littéraire et Artistiques Internationale, fondatrice de la Convention de Berne. Au cours du congrès de 193O, la modification de la Convention fut pronée afin d’assurer l’attribution du droit d’auteur sur les oeuvres cinématographiques aux créateurs intellectuels, lerespect du droit moral dans des conditions compatibles avec les nécessités de l’ndustrie cinématographiques, et la substitution de la rémunération au pourcentage, à la rémunération forfaitaire.

Pour consolider leur position en France, les auteurs comptent sur le législateur.

Traité intersocial avec la Société des Gens de Lettres. Enhardi par le succès de la SACD, le président de la société des Gens de Lettres, Gaston Rageot, conclut dans la foulée le même traité avec la Chambre Syndicale. Une concertation entre les deux Sociétés d’Auteurs s’imposait. Elle déboucha le 7 novembre 193O sur une entente, sous réserve d’une ratification par les assemblées générales repectives. Cette convention en 13 articles stipulait la fixation d’un commun accord de termes et conditions des traités-types à établir entre elles et les organisations syndicales de production de films, traités qui seraietn signés par les présidents des deux Sociétés. Le répertoire de la SGDL comprenait les oeuvres littéraires, les scénarii des films muets, parlants, sonores, parlalnts de ses memebres, ainsi que les romans tirés de films. Les membres de la SGDL s’engageaient à respecter ls statuts de la SACD. L’application des traités incombait à la seule SACD. Lorsque la perception dans lessalles serait instaurées, les droits revenant aux membres de la SACD seraient transférés à la SGDL, déduction seule des frais de perception, de contrôle et de gestion, mais sans retenue statutaire. Tout auteur de scénarii non membre des deux sociétés devait adhérer nécessairement à la seule SACD. Lorsque l’auteur est membre des deux sociétés, les droits sont versés à la Société dans laquelle il a le grade le plus important. l’ancienneté jouant en cas de qualité identique. La convention était conclue pour une période de douze années, renouvelable par tacite reconduction. Sur le rapport de Jules Romains, la convention est aprouvée aux applaudissements lors de l’assemblée générale extraordinaire du 16 décembre 193O. Ainsi tout conflit est-il écarté avec la SGDL.

CINEMA SUITE

Le doublage occupe les esprits au cours de l’assemblée générale ordinaire du 16 juin 1931. Jean-Jacques Bernard y voit une menace mortelle pour le cinéma français. A la demande de l’Union des Artistes, il est envisagé de retirer leur licence aux comédiens qui se prêtront à ce procédé, « lequel n’a aucun rapport avec l’art. »

Le cinéma satatutaire fait son entrée dans les comptes de la SACD pour un montant de 865.OOO francs. A titre de comparaison les droits radio s’élèvent à 125.000 francs, et les droits dans les théâtres parisiens de première catégorie à 14..977.000 francs.

La perception dans les salles de cinéma est toujours recherchée et une résolution en ce sens a été adoptée au dernier congrès de la CISAC à Londres. En acceptant le principe d’une telle perception, le président de la chambre Syndicale des Producteurs, Dulac, avait cru anticiper de peu une décision du législateur. Tous les ministres, Herriot compris, y étaient favorables. Mais les producteurs, individuellement, ne l’entendent pas de cette oreille, et les auteurs répugnent à reconnaître le producteur comme l’un des leurs, réserves qui pèsent sur le respect du traité.

En 1933, les distributeurs marquent leur solidarité, face aux producteurs et aux auteurs, par la constitution d’une union syndicale. Les producteurs sont les premiers victimes de la fraude des distributeurs. La SACD tente une nouvelle fois de se rapprocher d’eux en leur montrant l’avantage qu’ils tireraient d’uneperception des droits des auteurs à la salle, par le contrôle des recettes qui en résulterait. Sans succès. Côté salle, un timide accord s’est dessiné avec un groupe, stipulant une perception au taux de…2% – on est déjà loin du taux de 8% de 193O – mais il achoppe devant l’exigence de ce groupe de disposer d’un droit exclusif d’accès au répertoire.

En attendant mieux, la SACD s’efforce de faire respecter le droit moral à l’écran. Valentin Tarault, secrétaire de la Commission, rapppelle que les auteurs, dans le domaine cinématographique, ne sont plus de simples « apporteurs d’idées. » Or : « l’auteur ne se contente plus, en effet, la plupart du temps, de fournir simplement son scénario, mais il le découpe, en écrit le dialogue et les « lyrics », collabore à la mise en scène et se livre en réalité, au studiio, à un véritable travail de réalisateur. » Il en résulte que l’auteur ne peut s’effacer devant le producteur, comme cela est malheuresmeent arrivé souvent avec des films inspirés d’oeuvres préexistantes, sans conventions avec leurs auteurs. Ainsi du Donogoo de Jule Romains devenu Les treize malles de .X… » La Commission décide de soutenir les actions introduites par les auteurs plagiés, afin de donner naissance à une jurisprudence.

En 1934, l’agitation politique repousse encore la perspective de l’adoption d’une loi qui donnerait satisfaction aux auteurs au plan moral et matériel. Dans son rapport à l’assemblée générale du 15 mai, Raoul Praxy essaie de gommer l’impression d’inneficacité qui se dégage des travaux de la commission : «  »J’aurais eu tant de plaisir

à vous annoncer moi-même aujourd’hui : le cinéma parlant est assimilé au théâtre et le Statut de la Radiophonie est définitivement établi. Je vous demande alors, mes chers confrères, de vous souvenir que Paris ne s’est pas fait en un jour, de ne pas inscrire ce double succès au seul bénéfice de la Commission qui vous l’apportera, et de ne pas oublier l’intérêt qu’auront pu porter à ces deux problèmes, dont l’heureuse conclusion me parait vitale pour nous, les Commissions qui auront précédé « la victorieuse », notre Président d’Honneur Charles Méré qui, lui aussi, guerroya avec la vigueur que nous lui connaissons tous, pour obtenir cette perception, et le président Henry Kistmaeckers qui, ne se contentant pas de maintenir la tradition littéraire et le prestige de nos grandes présidences, a depuis deux ans, sacrifié son temps, sa production, sa santé parfois, ses intérêts toujours, à nos propres intérêts, au présent et à l’avenir de notre Société. »

La faillite de la Société de production Gaumont-Franco-Film émeut les pouvoirs publics qui envisagent une réglmentation de l’industrie cinématographique et confient une mission d’étude et de proposition à M. Petsche. Le rapporteur conclut en 1935, pour ce qui regarde les auteurs, à la création d’une agence nationale de perception qui serait gérée conjointement par la SACD et la SGDL. Un projet de Code de l’art et de l’industrie cinématographique est élaboré, mais, devant l’opposition des syndicats patronaux, il reste dans les tiroirs.

Les auteurs essaient d’obtenir un accord à l’échelle internationale. En 1937, des négociations s’ouvrent à Paris, par le truchement de la CISAC, avec la Chambre Internationale du Film, avec une double exigence, l’une contrebalançant l’autre : associer les auteurs à la fortune de leur oeuvre, assurer au producteur une exploitation paisible des films. Ces débats débouchent, côté France, sur la constitution d’un comité d’étude regroupant les sociétés d’auteurs d’une part, la Chambre Syndicale Française de la Production de Filmls, d’autre part. Les auteurs proposent la constitution d’un organe commun de perception, qui assurerait aux producteurs une remontée plus rapide des recettes, tout en versant uax Sociétés d’Auteurs les pourcentages revenant à leurs membres.

jusqu’à ce que Jean Zay, l’en ressorte, y apporte des modifications, tout en conservant la perception dans les salles. Les auteurs pensent toucher au but. Le 17 mars 1939, le projet de code est soumis à l’examen du parlement. La guerre éclate. Le projet en est l’une des premières victimes.

L’affaire Mascrade fut portée à l’examen de la Cour de Cassation. La cour écarta les deux conceptions selon lesquelles l’oeuvre cinématographique serait une simple oeuvre de commande ou une oeuvre collective. La preuve que les collaborateurs sont identifiables, c’est que leur nom figure sur le générique du film. Selon la cour la détermination des auteurs d’un film doit être effectuée cas par cas. Cas. Civ. 1O nov. 1947.

Dalloz 1947. 328. Rapport Lerebourg- Pigeonnière. J.C.P. 1948. II 4166 note Plaisant. S. 1948 I. 157 note P. Reynaud.

La contestation du monopole de la qualité d’auteur du producteur vint de la SACEM

lorsqu’elle voulut faire valoir les droits du compositeur auprès des exploitants. Parfois

la SACEM fut déboutée : Trib. Seine. 24 mai 1938. Gaaz. Pal. 1938. 2.5O8. / Cour de Paris, 16 mars 1939. Gaz. Pal. 1939 II. 21O. Sirey 194O. II. 35.

Mais, par la suite, des décisions contraires furent rendues. Ainsi, dans l’affaire du cinéma Mathieu, la Cour de Cassation estima que « le producteur ne saurait être considéré a priori, comme auteur unique de l’oeuvre représentée. » Cité avec d’autres

par Claude Bara. p.15. : Trib. de Marseille, 27 avril 1942, Dalloz 1943, 115 ; Aix, 16 mars 1943, Gaz. Pal. I. 253 ; Chambre civ. Cour de Cas. 2O déc. 1949, Dalloz 1951. 73. note Desbois.

La Cour de Cassation s’étant prononcée pour un examen film par film de la qualité d’auteur, dans l’affaire Les Enfants du Paradis, qui opposa Carné et Prévert à la Société Pathé, le Tribunal Civil de la Seine jugea le 6 avril 1949 que les contrats ne pouvaient être assimilés à des contrats de commande et que de ce fait la Société Pathé ne saurait être reconnue comme l’unique auteur du film. Trib. civ. Seine. 6-4-49, Gaz. Pal. 1949. I. 249.

Il en alla ainsi dans l’affaire Blanchard et Zimmer contre la Société Gaumont pour le

film Un Seul Amour. La Cour de Paris considéra même que la finalité du producteur

étant de réaliser des profits, ne le prédisposait pas à faire oeuvre créatrice. On ne peut

trouver meilleure ni plus exacte condamnation du copyright. Paris, 14 juin 195O, Dalloz 1951. 9.

II) A COMPTER DE LA LOI DU 11 MARS 1957.

1) Reconnaissance du réalisateur distinctement du metteur en scène.

Le législateur a préféré le terme de réalisateur à celui de metteur en scène, afin de ne pas créer de confusion avec le metteur en scène de théâtre.

Tristan Bernard, alors que des auteurs de théâtre de renom s’opposaient à l’admission des auteurs de films au sein de la SACD, soulignait que le réalisateur de films ne pouvait être assimilé au metteur en scéne de théâtre.

Au théâtre, le metteur en scéne donne une interprétation d’une oeuvre préxistante. Il n’est pas rare qu’il mette en scène de façon différente la même oeuvre, au cours de sa carrière.

La SACD a fait preuve d’ouverture en admettant les metteurs en scène en son sein comme auteurs de leur mise en scéne. Mais elle l’a fait en rappelant que le metteur en scène ne devenait en aucun cas co-auteur de l’oeuvre dramatique. Auteur de sa mise en scéne, il remplit un bulletin de déclaration spécifique et n’ a pas accès au bulletin de déclaration de l’oeuvre théâtrale.

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Le spectacle vivant est tributaire chaque soir de l’humeur, la plus ou moins grande précision du jeu des comédiens, l’atmosphère de la salle. A l’inverse, l’oeuvre audiovisuelle est fixée une fois pour toutes. La contribution du réalisateur, lorsqu’elle a un caractère original, est indissociable de l’oeuvre et se présente à l’identique à chaque représentation.

En outre, le réalisateur dispose d’un plus fort pouvoir suggestif, il dirige à volonté le regard du public qu’il concentre sur l’expression d’un visage, un objet, établissant des associations d’idées, de sentiments, qui sont créatrices, alors que le spectateur de théâtre a une vue plus globale de la scène et des personnages et peut laisser vagabonder son regard.

Au cinéma, l’image se substitue davantage au mot, au point que le réalisateur prend ses distances avec le texte quand le metteur en scène de théâtre devrait s’y tenir, même si, de nos jours, il s’en affranchit volontiers.

Les libertés prises par le metteur en scéne de théâtre, vis-à-vis du texte des pièces, sont généralement attribuées à sa position économique indépendante, à la tête d’une compagnie subventionnée. Mais dans cette évolution, ne doit-on pas déceler l’influence du cinéma sur la scène, le rapprochement plus ou moins conscient du metteur en scène de théâtre du réalisateur de films ? Il n’est que voir l’importance prise par les éclairages dans les mises en scène contemporaines, au point qu’on en vient à proposer de donner des prix à des éclairagistes ?

Notons aussi que des metteurs en scéne, d’abord reconnus au théâtre, comme Patrice Chéreau ou Francisco Zeffirelli, se sont mis derrière la caméra. Au Royaume- Uni, la Directors’ Guild réunit dans une même association les metteurs en scène de théâtre, les chorégraphes et les réalisateurs d’oeuvres audiovisuelles. Vice-versa, des réalisateurs de films se sont essayés à la mise en scène théâtrale, comme Visconti.

Il y a un rapprochement des conditions et ce n’est pas un hasard si les metteurs en scéne de théâtre ont demandé leur admission au sein de la SACD.

La tendance est à la reconnaissance du réalisateur comme co-auteur de l’oeuvre audiovisuelle. Mais cette qualité lui est encore refusée dans nombre de pays où il demeure assimilé au metteur en scéne de théâtre.

Il reste vrai que le réalisateur part d’un scénario, d’une adaptation, d’un texte parlé, toutes contributions qui pourraient être offertes à un autre réalisateur. Mais pour les raisons que nous avons dites, l’assimilation de la réalisation à la mise en scéne d’une oeuvre théâtrale revient à nier ce qui est propre au cinéma, le pouvoir de l’image, image qui est sous la maîtrise du réalisateur.

2°) Le réalisateur considéré comme coauteur.

L’un des mérites de la loi du 11 mars 1957, en son article 14, (Article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle) est d’avoir une bonne fois considéré l’oeuvre cinématographiques comme une oeuvre de collabortation et mis en avant les auteurs personnes physiques en présumant co-auteurs :

1° L’auteur du scénario ;
2° L’auteur de l’adaptation ;
3 L’auteur du texte parlé ;
4° L’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles, spécialement réalisées

pour l’oeuvre ;
5° Le réalisateur ;

Il convient d’ajouter, s’il y a lieu, l’auteur de l’oeuvre préexistante. Ainsi, le producteur un temps considéré comme l’unique auteur ou présumé auteur, ne l’est plus, sauf preuve contraire à fournir. En contre partie, les auteurs sont présumés lui avoir cédé les droits d’exploitation de leur oeuvre.

Pour le réalisateur, l’avantage est double : vis-à-vis du producteur d’une part, et vis- à-vis des autres auteurs d’autre part, puisqu’il n’est pas considéré comme un simple technicien sa prestation se hissant au moins au niveau de la leur.

Depuis la loi du 13 juillet 1985, la présomption de la qualité d’auteur du réalisateur de films du commerce s’est étendue au réalisateur de l’oeuvre audiovisuelle en général.

Cité par Robert Plaisant : Du Droit des auteurs et des artistes exécutants. Editions J.

Delmas :
– Cass., Ier mai 1967, Bull.IV, n° 189, p154 – 11 Janv. 1967, Bull. IV, n°31, p. 25 – Paris, 12 Fév 1965, Cité Plaisant, Fasc. 17-2, n°29.
-15 fév. 1965, D., 66, somm. 16, J.C.P., 65/16428.
– 15 fév. 1965, Gaz. Pal., 65., I, 329.
– Cass., 14 mai 1965, Ga. Pal., 65, 2, 28O.
– Seine, 17 déc. 1963, J.C.P., 64/136, 17, note Sarraute et Gorline.
– Cass., 29 nov. 1962, D. 63/2O5.

2°) Le réalisateur considéré comme l’auteur essentiel de l’oeuvre.

Cité par Colombet :

– Trib. civ. Seine, 27 janv. 1938, D.H. 1938. 207 ;
– 6 avril 1949, Gaz. Pal. 1949. 1. 249.
– Paris, 14 juin 195O, D. 1951. 6, note Desbois ; ; J.C.P. 195O. 5927 ;

3°)Le réalisateur considéré comme un simple technicien.

L’article L 113-7, présume le réalisateur, auteur, sauf preuve contraire. C’est dire que le réalisateur peut être considéré comme un simple technicien. La loi du 3 juillet 1985 faisant désormais référence aux oeuvres audiovisuelles, le réalisateur de télévision, nous l’avons dit, est également présumé auteur.

C’est un fait qu’en France les professions étaient très séparées. Le budget d’une oeuvre audiovisuelle a une influence sur la réalisation. Plus le budget est élevé, plus la réalisation est sophistiquée. S’il y a simplement prises de vues, comme c’est souvent le cas à la télévision, le réalisateur peut être considéré comme un pur technicien. En conséquence, il n’a pas à être rémunéré de surcroît comme auteur, sur le forfait perçu par les sociétés d’auteurs auprès des diffuseurs. Mais, désormais, en cas de procés, il y a renversement de la charge de la preuve. C’est à l’organisme d’auteurs de prouver que le réalisateur n’est pas auteur et non au réalisateur de prouver sa qualité d’auteur.

Pour bénéficier de la qualité d’auteur, il peut être demandé au réalisateur d’apporter la preuve qu’il a fait oeuvre créatrice. Dans les travaux préparatoires de la loi du 3 juill. 1985, il est exprimé que certaines réalisations d’émmissions de télévision ne relèvent pas du droit d’auteur. (Voir rapport Richard, p.22.) Ainsi des retransmissions des manifestations officielles et sportives.

– Trib. gr. instance de Paris (référés), 6 juill. 1971, R.I.D.A., avr. 1972, p. 165.

– Idem : Cour de Paris (4è) ch., 4 mars 1978 (R.I.D.A., avr. 1987. 71) Le réalisateur ne peut être considéré comme un auteur, lorsqu’il a simplement utilisé trois caméras, procédé aux enchaînements et cadrage. Simple mise en oeuvre d’une technique.

– 1987 : (cité par le Juris Classeur).

Le réalisateur d’une oeuvre télévisuelle ne peut prétendre à la qualité de coauteur, dès lors que son concours ne constitue pas une création intellectuelle propre, mais se réduit à une banale prestation de services techniques.

– Paris, 4è ch. A, 4 mars 1987 : D. 1988, somm. 2O4, obser. Colombet.

– Idem : Cass. civ. (1re ch.), 29 mars 1989, R.I.D.A., juill. 1989, p. 262 ; J.C.P. 1990.I.3433, §17, obs.B. Edelman.

*
IIème PARTIE: LE REALISATEUR DANS LE MONDE

1) Dans la Convention de Berne.

A l’article 14 bis, le réalisateur principal de l’oeuvre, figure parmi les auteurs présumés de l’oeuvre cinématographique, mais de manière telle que son statut d’auteur à part entière parait encore exceptionnel, puisqu’il est stipulé : « Toutefois, les pays de l’Union dont la législation ne contient pas de dispositions prévoyant l’application de l’al. 2 b), précité audit réalisateur devront le notifier au Directeur général par une déclaration écrite qui sera aussitôt communiquée par ce dernier à tous les autres pays de l’Union. » Aussi avons nous placé le réalisateur dans le chapitre consacré aux auteurs dont la qualité est encore contestée.

2) Différents pays.

La qualité de co-auteur est reconnue au réalisateur dans des pays tels que l’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, la Finlande l’Espagne la France, les Pays-Bas, le Portugal, la Suisse.

Nous savons comment au Royaume-Uni la nouvelle loi du 15 novembre 1988, en son article 9, qualifie d’auteur « d’un enregistrement sonore ou d’un film la personne qui prend les dispositions nécessaires à la réalisation de l’enregistrement ou du film. » Les producteurs s’attribuent cette fonction et les réalisateurs sont donc à ce jour évincés de la qualité d’auteur.

3°) Aux Etats-Unis.

Aux Etats-Unis, la réalisation étant généralement le fruit d’une commande, le producteur supplante le réalisateur comme auteur.

La Directors’ Guild a obtenu quelques garanties morales et financières en faveur du réalisateur, comme le choix d’un seul réalisateur par film.

Les réalisateurs se sont regroupés à l’échelon international. C’est ainsi qu’existe en Europe une Fédération Européznne des réalisateurs, la FERA, qui a comme objet, entre autres, outre l’établissement d’un contrat Européen de réalisation, la reconnaissance de la qualité d’auteur au réalisateur.

4°) Déclaration de Madère.

La première réunion marquante des réalisateurs de cinéma à l’échelon mondial eut lieu à Madère du 19 au 23 octobre 1983. Cinquante réalisateurs venus d’horizons aussi différents que le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Hongrie, la Haute-Volta, la France, le Sri-Lanka, le Mexique, l’Allemagne. Leur première revendication fut la qualité d’auteur.

Une résolution en douze points fut adoptée dont les trois premiers étaient les suivants :

* Le réalisateur d’une oeuvre audiovisuelle est auteur du seul fait de la création de celle-ci.

* Le réalisateur a droit au respect absolu et imprescriptible de son oeuvre.

* L’oeuvre audiovisuelle existe dés lors que le réalisateur a mis au point la version définitive ( final cut ).

Après Madère, en France, la SACD et la SRF ou Société des Réalisateurs de Films rédigèrent une pétition commune au gouvernement français demandant le dépôt rapide d’un projet de loi sanctionnant les différents points de la déclaration et « reconnaissant à tous les auteurs d’oeuvres audiovisuelles une rémunération proportionnelle, calculée sur le prix payé par le public.. »

Il y était rappelé que « dans le domaine cinématographique, le réalisateur participe au premier chef à la création d’une oeuvre de l’esprit par un apport original et personnel. Il est au coeur même de l’oeuvre cinématographique, coordonne toutes le activités qui concourent à l’élaboration de l’oeuvre cinématographique, est responsable tant des choix de production que de la fonction de montage, représente aux termes de la loi et de la jurisprudence française l’ensemble des coauteurs pour établir la version définitive de l’oeuvre réputée dès lors achevée  »

Satisfaction fut donnée aux réalisateurs dans la loi du 3 juillet 1985.

4°) Autres réunions marquantes.

Celle de 2OO réalisateurs et experts issus de 24 pays européens dans les DEFA studios de Badelsberge à Berlin les 24 et 25 février 1991. L’un des trois thèmes à l’ordre du jour était un projet de dispositions types contractuelles en matière de droit d’auteur. Ce projet avait été envisagé au Forum Est-Ouest organisé à Blois en mars 1990, afin de sanctionner les principes énoncés dans la Charte Européenne de l’Audiovisuel, émise à Delphes en 1988. Un comité d’experts de l’AIDAA et de la FERA, procéda à une première rédaction du projet qui fit l’objet de corrections à Berlin.

5°) La directive de la CEE.

La Commission de la CEE s’est inspirée de ce projet pour l’élaboration de la directive, reconnaissant une bonne fois le réalisateur comme un auteur..

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