TANT QU’IL Y AURA DES AUTEURS LES 7O ANS DE LA CISAC
JACQUES BONCOMPAIN
Docteur en droit Rapporteur général
du
Conseil International des Auteurs Dramatiques et Littéraires
La liberté, c’est l’homme. Même pour se soumettre, il faut être libre; pour se donner il faut être soi.
Jules Michelet
La Beauté est Vérité, la Vérité est beauté. C’est tout ce que vous savez sur terre Et c’est tout ce que vous devez savoir.
John Keats
(Poésies. Ode à une urne grecque. Trad. L. Cazamian)
SOIXANTE-ET-DIX !
Si je vous dis :
– Dix-neuf pieds sur vingt-six…
Vous répondez aussitôt :
– C’est la mesure de la chambre conjugale de Figaro, la réplique qui donne le branle
à la Folle Journée de ses noces, le chef-d’oeuvre de Beaumarchais, père du droit ‘auteur.
Si je vous dis maintenant : – Soixante-dix !
Vous pensez à soixante-dix ans : l’espérance de vie d’un homme, la nouvelle durée de protection des oeuvres de l’esprit en Europe, l’âge enfin de la CISAC Forte de cent- soixante-et-dix Sociétés de quatre-vingt-dix Pays, la CISAC croit et embellit, elle défie le temps, mais il a fallu deux préalables à sa fondation : un changement de mentalité des créateurs avec sa traduction dans la loi, et la découverte des vertus de la gestion commune. Après leur rapide examen, nous verrons comment l’idée d’une Confédération des Sociétés d’auteurs est fille des bouleversements de la Grande Guerre. Puis nous revivrons au jour le jour les deux premiers Congrès. La CISAC leur doit les trait les plus caractèristiques de sa personnalité. Au delà nous ferons le tour du cadran de tous ceux qui leur ont succédé, jusqu’à aujourd’hui. Alors nous serons à même, s’il y a lieu, de mettre à l’heure la pendule des auteurs.
*
I) L’AVENEMENT DE LA MODERNITE
1) La révolution des auteurs.
Il était une fois des hommes extraordinaires…, ils savaient créer de la beauté, composer de la musique, mettre en scène des personnages capables de discourir alors qu’eux-mêmes se seraient tus. La création est un mystère. L’auteur a le pouvoir de donner la vie, et sa surprise devant son oeuvre égale souvent celle d’une mère à la naissance d’un enfant. Ainsi le poète latin Martial qualifie-t-il de plagiat le détournement de ses vers à l’époque où le plagium désignait le délit de rapt denfant ou d’esclave en vue de les vendre.
L’auteur a reçu un don du ciel. Si la gloire relève du ciel, l’argent appartient au monde. L’auteur se dénature-t-il en s’intéressant à lui ? Les anciens n’étaient pas loin de le penser qui privilégiaient le mécénat comme mode de subsistance des auteurs. Il revint à Beaumarchais, émule de Voltaire, de briser le tabou du profit. Dès lors que l’oeuvre a une vie économique, il est conforme à la justice que l’auteur soit associé à sa fortune. Le droit d’auteur se dédouble en droit moral et pécuniaire, les deux constituant un droit de l’homme. La rétribution de l’auteur devient aussi morale que la reconnaissance de paternité.
Les Comédiens Français voulaient bien partager les lauriers avec les auteurs, mais en les associant le moins possible au produit des recettes. Beaumarchais, en homme pratique, unit les auteurs dans un Bureau de Législation Dramatique et obtint, après trois années de grève de la plume, la modification du règlement du Théâtre Français, avec à la clé l’interdiction du paiment des droits au forfait.
Lors de la Révolution les auteurs, toujours unis à Beaumarchais, obtinrent la généralisation de la propriété dramatique à l’ensemble des théâtres de France. Cette révolution légale s’accompagna d’une autre, technique. La loi ne risquait-elle pas d’être déclarée inapplicable par les directeurs de théâtre, l’auteur n’étant pas en mesure d’assurer l’administration de son oeuvre sur l’ensemble d’un vaste territoire ?
L’un des membres du Bureau dramatique, Framery, eut, dès l’adoption de la loi, l’intuition géniale de créer une agence centrale à Paris, sous le contrôle des auteurs, avec un correspondant dans chaque ville dotée d’un théâtre. Tout directeur désireux d’accéder au répertoire de l’agence s’engageait à respecter des conditions générales établies sur le modèle du règlement de la Comédie française, et signait une convention particulière par pièce. Ainsi naissait la gestion collective, avec ses traités généraux et ses traités particuliers.
Le modèle français fut exporté militairement pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire, et la troupe qui pillait les oeuvres d’art donnait le change avec le droit d’auteur. Ainsi le décret de Milan de 18O1 introduisit-il en Italie la législation française qui devint également applicable aux Pays-Bas. L’agence des auteurs, bientôt dédoublée, eut des représentants jusqu’à Hambourg et Alexandrie.
Après la chute de l’Empire, ce fut le reflux sur l’Héxagone. La diplomatie prit le relai, les conventions bilatérales se multiplièrent, mais de régimes divers, assorties de formalités. Le droit d’auteur s’accommodait mal des frontières. Victor Hugo plaida en 1878, lors de la constitution à Paris de l’Association Littéraire et Artistique International, pour la reconnaissance « d’utilité générale » de cette propriété. On sait le reste, comment l’ALAI, par la Convention de Berne, fit des ressortissants étrangers issus des pays membres, autant de nationaux.
La graine de la gestion collective se répandit en Europe, mais également aux Etats- Unis, en Argentine et au Brésil, où des Sociétés se constituèrent à la fin du XIXème et au premier quart de notre siècle. Si la Convention de Berne abaissait les frontières, les rivalités nationales en élevaient. Survint le premier conflit mondial qui laissa exsangues des peuples dits « civilisés. » Nombre d’auteurs avaient disparu. Les monuments aux morts remplaçaient les monuments aux muses.
2) LA REVOLUTION DES SOCIETES D’AUTEURS.
Horrifiés devant les désastres de la guerre les chefs d’Etats signataires du Traité de Versailles créérent la Société des Nations. La paix universelle était à l’ordre du jour, une paix tissée par la connaissance des hommes et leur coopération dans tous les domaines, y compris celui de l’esprit, d’où la fondation de la Confédération Internationale des Travailleurs Intellectuels. A son congrès constitutif un intervenant observa :
– Troisième élément entre le capital et le travail, l’intelligence est représentée par les travailleurs intellectuels qui, sans pouvoir intervenir, se trouvent forcément victimes des exigences ou des entêtements des deux autres.
Et de conclure :
– Unissons en une vaste confédération tous les travailleurs de l’art et de la pensée. Le mouvement de pensée inspirateur de la constitution de la CISAC était lancé.
L’impuslsion venait d’un homme modeste, rondouillard, la moustache accrocheuse, tirant voluptueusement sur sa pipe, le regard allumé au passage d’une jolie femme, un bourgeois cossu, intelligent, un auteur dramatique arrivé. Van Dongen l’a peint avec bonheur, dans les tons gris, manteau ouvert, assis cavalièrement par terre, les bottines noires lustrées en avant.
Entré dans la carrière dramatique en 1895, Romain Coolus, notre homme, donna Lysiane à la Renaissance en 1898, Les amants de Suzy au Gymnase en 19O1,
Antoinette Sabrier au Vaudeville en 19O3, Coeur à Coeur au Théâtre Antoine en 19O6, Les Bleus de l’amour en 191O, tous sujets galants que la tragédie de la Grande guerre retirera un temps de l’affiche. Assidu aux réunions de la Commission, le gouvernement de la SACD, il reprit son idée de Confédération des auteurs, avec le ton docte de l’ancien professeur qu’il était avant de devenir un auteur très parisien. Or la Commission se heurtait chaque jour davantage au casse-tête des questions internationales, qu’elles soient légales ou pratiques.
La Société Portugaise des Auteurs demande-t-elle à représenter les auteurs français, les directeurs des théâtres de Lisbonne menacent de boycotter les pièces françaises. La Société Espagnole SGAE n’admet pas que la SACD fasse adhérer individuellement ses membres. La Société Hongroise des Auteurs offre sa coopération. Que répondre ? Le 23 octobre 1925, Romain Coolus gagne la partie et se retrouve à la tête d’un Comité d’Organisation du Congrès des Sociétés Etrangères d’Auteurs, composé en outre de Roger Rivoire, Messager, Besnard et Bousquet.
Au même moment, un homme est pris de fièvre d’organisation, Firmin Gémier. Le 6 novembre, le chantre du Théâtre Populaire fait irruption à la Commission et lui inocule son projet de l’heure, la création d’une Société Universelle du Théâtre.
– Dans chaque pays elle comprendra les sections suivantes : oeuvres dramatiques, lyriques, mises en scène et régie, comédiens, chanteurs, orchestres, danse, lumières, décors, costumes, architecture et machinerie, histoire, critique, édition, presse théâtrale, administration et publicité.
Qui dit mieux ? Avec un projet aussi époustouflant, il a obtenu des subsides du gouvernement, s’est rendu en Allemagne où l’accueil a été encourageant et compte gagner l’Angleterre. La Commission prudente lui adjoint comme délégué Lucien Besnard, un ami, tolstoïen distingué, auteur d’oeuvres frivoles telles que le Coeur partagé, ou Dans l’ombre du Harem, mais garde la main sur son Congrès. Le 15 décembre les invitations sont lancées de par le monde.
Les questions internationales pressent. André Birabeau demande la constitution d’un Service de l’Etranger « afin de permettre aux auteurs d’être renseignés utilement sur les théâtres, les artistes étrangers, etc.. » Nouveau motif pour réunir le Congrès, car la constitution d’un tel service par la seule SACD entraînerait de lourdes dépenses en personnel, abonnements aux journeaux étrangers, frais de traduction… Lorsque le 29 janvier Francis de Croisset dénonce la situation réservée aux auteurs français aux Etats-Unis – pièces plagiées, peu jouées, surtout achetées pour être portées à l’écran – la Commission, ravie, a sa réponse prête : le Congrès ! M. Middelton, de la Dramatists Guild, a été convié. Il expliquera le fonctionnement en Amérique des « agences de bonne tenue (!) »
Les préparatifs vont leur train et le directeur des Beaux-Arts, Paul Léon, accepte de mettre gracieusementà la disposition des congressistes les salons de la Fondation Rotschild, les 12, 13, 14 et 15 juin prochain. On fait le point sur l’état des adhésions et de nouvelles lettres partent, pour l’Autriche, à M. Zifferer, conseiller spécial à la légation afin qu’il obtienne qu’une délégation soit envoyée, aux deux Sociétés d’U.R.S.S. par M. Bienstock ; s’agissant du Portugal à M. Pompeï, afin qu’il insiste auprès de M. Julio Dantas et quant au Brésil, à Son Exc. M. de Souza-Dantas.
Les tractations avec l’Amérique passent par M. Osso. M. Van Zype représentera les auteurs belges. M. Guiraud, vice-président, se charge de superviser l’organisation.
Enfin il est envisagé de créer un secrétariat général permanent. Le Congrès ne doit pas rester sans lendemain.
Vendredi 3 juin, répétition générale. La Commission désigne Robert de Flers, président d’honneur, André Rivoire, président, André Messager, Romain Coolus et Edmond Guiraud, comme délégués ayant voix délibérative, et trois suppléants, Charles Méré, Henri Duvernois et Georges Hue. Côté prestige, les membres de l’Académie française et de l’Institut, les anciens présidents et les commissaires en exercice seront conviés « avec prière d’assister aux séances le plus assidûment possible. » Débrouillard, Andrè Rivoire a obtenu des places gratis à l’Opéra et à la Comédie française.
Le 8 juin, lors de l’Asemblée Génrale, le président André Rivoire fait un dernier point et donne le détail de l’ordre du jour qui, au fil des discussions, s’est considérablement élargi :
1°- Reconnaissance et protection de la propriété littéraire en tous pays, 2°- Unification de la durée des droits d’auteur post-mortem,
3°- Prorogation de la propriété dramatique en faveur du conjoint et des
descendants directs des Auteurs et Compositeurs,
4°- Diffusion des répertoires dramatiques,
5°- Traductions et adaptations,
6°- Examen et comparaison des divers systèmes de perception, 7°- Examen de la création d’un organe permanent,
8°- Questions diverses.
Les tréteaux sont posés, les acteurs sont en place, l’Histoire entre en lice. Attardons- nous à ce premier Congrès. Rien n’est petit dans l’ordre de la fondation, observait Charles Péguy. Qui que ce soit reste marqué par sa naissance. C’est vrai d’une personne, ce l’est tout autant d’une organisation. L’anniversaire est l’occasion de se ressouvenir et, en se penchant sur son passé, de mieux savoir qui l’on est, d’où l’on vient, où l’on va. Ainsi la petite histoire rejoint la grande.
*
II) LES CONGRES FONDATEURS.
1) L’AMORCE DE PARIS 1926
L’accueil
Samedi 12 juin : les invités se pressent en l’hôtel particulier du 12 rue Henner. Il s’agit de faire connaissance, de présenter la SACD dans ses murs, de la montrer bien vivante, hospitalière. On a mis des haies de fleurs et d’académiciens. La statue du commandeur, c’est le monument aux morts, dans la cour, avec ses inscriptions dans le marbre qui donnent froid dans le dos. Chacun en le voyant rectifie la position. Il avait inspiré à Poincaré cette maxime : « Monter la garde autour de nos traditions littéraires, veiller, l’épée à la main, sur notre langue et sur nos méthodes intellectuelles, quel légitime orgeuil pour des écrivains. »
On visite l’hôtel. Les auteurs occupent le rez de chaussée, entendez la salle de Commission et la caisse où le 14 du mois ils se pressent pour retirer leurs droits. Au premier, les agences, l’agence Bloch côté rue, l’agence Ballot, côté cour, et les services dans les étages supérieurs. Puis les congressistent courent à l’Hôtel de Ville écouter battre pour eux le coeur de Paris. Le conseil municipal, son président et le préfet de la Seine les y attendent, verre en main et discours en bouche. Voici enfin nos hôtes calés dans les meilleurs fauteuils de la Comédie Française – André Rivoire veille – rêvant, A quoi rêvent les jeunes filles de Musset, puis découvrant de Charles Vildrac, le Pèlerin., une création.
Le premier jour
Dimanche 13 juin au matin, place aux choses sérieuses. Oui, un dimanche. Les congressistes viennent de loin, autant bouleverser le moins possible leurs activités. Ils appartiennent à quinze pays : Allemagne, Autriche, Argentine, Espagne, France, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Italie, Pologne, Portugal, Suède Danemark Tchéco- Slovaquie, U.R.S.S., et l’on attend un américain, un canadien et un norvégien. Paul Léon, Directeur des Beaux-Arts, chef d’orchestre au pupitre de l’Opéra, ouvre la séance dans les salons de la Fondation Rotschild. Trois temps : Primo, poser dans chaque pays des principes homogènes pour la perception et la garantie des oeuvres ; secondo, unifier les méthodes ; tertio confronter les conclusions, multiplier les échanges. Et de conclure :
– C’est là un vaste programme et qui justifie pleinement votre belle initiative… L’après guerre, si dure à tous, l’est plus encore aux écrivains ; certes, ni les uns ni les autres nous attendions l’âge d’or, mais vraiment nous avons l’âge d’airain.
Il passe la baguette à l’Amphytrion du jour, André Rivoire, président de la SACD.. L’auteur des Bouffons, de Monsieur Césarin, Ecrivain public, de Seigneur Polichinelle, joignant la politesse à l’efficacité, inaugure un exercice devenu traditionnel : le tour d’horizon du droit d’auteur, sorte d’état des lieux, pays par pays.
L’Allemagne ouvre le feu. Ainsi le veut l’ordre alphabétique. Le docteur Wenzel Goldenbaum se subsitue à son président Ludwig Fulda. M. Moock, au nom des deux Sociétés argentines, prône l’unification de toutes les Sociétés :
– C’es à dire que chaque Société soit représentée par la Société du Pays où les oeuvres sont jouées, parce que c’est la seule façon d’arriver à un contrôle absolu de tout.
M. Zifferer déclare qu’en Autriche :
– Les théâtre considèrent tout contrôle comme une offense.
Eduardo Marquina rappelle que la SGAE a été fondée en 19OO, comprend déjà 6.OOO membre, est reconnue par la loi et peut agir au pénal.
Au fur et à mesure que les délégués s’expriment, le sentiment d’appartenance à une même communauté, celle des auteurs dramatiques, s’installe et se fortifie. Les inconnus, les rivaux, voire les ennemis qui, la veille, se saluaient de façon protocolaire ou cachant mal un sentiment d’hostilité, se découvrent frères et chacun de pousser à l’entente, tout de suite, de convoquer un notaire afin de dresser le contrat de l’union.
Le sénateur Vincenzo Morello, président de la SIAE, donne la parole à son directeur, l’énergique Barduzzi. La Société italienne, née des deux sociétés françaises, comprend quatre sections : dramatique, lyrique, livre, cinéma ; dispose d’un réseau de 3.OOO percepteurs si efficace que l’Etat lui a confié la perception des impôts sur le théâtre et le cinéma. Manquait une loi protectrice des auteurs. Barduzzi fait ovationner Mussolini qui en deux temps trois mouvement « a accompli d’un coup de main ce que pendant de longues années nous avions demandé en vain. » (Et chacun de rêver d’avoir un Mussolini chez soi.) Il conclut, électrisé :
– Nous souhaitons que les résolutions du Congrès nous permettent de nous rapprocher du but et de poursuivre la réalisation de la loi dite « la loi universelle. »
Dans la salle, l’échauffement est perceptible. Le délégué portugais, M. Santos Tavares, appelle de ses voeux la constitution d’une Fédération de toutes le Sociétés d’auteurs du monde.
M. Bienstock, de Russie, parle au nom de la Société créée à Moscou en 1863 par Ostrowski, mais il existe une Société plus récente, l’Union des Auteurs Dramatiques, domiciliée à Léningrad, et dont le représentant M. Lwoski est attendu. La Russie n’a toujours pas adhéré à l’Union de Berne et la convention Franco-Russe n’a pas été renouvelée.
Lorsque le délégué tchèque, M. Khol, dernier de l’alphabet, en a fini, André Rivoire adresse ses remerciements étonnés et enthousiastes aux orateurs – tous se sont exprimés en français – et conclut :
– Une chose m’a paru se dégager très nettement de ces divers exposés : c’est la possibilité de nous mettre d’accord pour tâcher de créer une Confédération des Auteurs Dramatiques du monde entier.
Acclamations. Le délégué du Portugal est allé au-devant du voeu des organisateurs. Robert de Flers, plaisant auteur des Vignes du Seigneur, en est tout remué.
– Oui, Messieurs, cette réunion a mieux qu’une valeur professionnelle, elle a une valeur humaine, profondément humaine. Elle nous inspire la joie féconde, la satisfaction merveilleuse de nous mieux connaître, par conséquent de mieux nous comprendre et de nous mieux aimer, et, lorsque nous ne pouvons pas nous aimer de ne pas nous haïr.
L’objet majeur du Congrés doit être de faire prendre au sérieux partout la propriété littéraire – ce qui n’est pas le cas en France même – et de supprimer les intermédiaires :
– Je ne vous parle pas de l’intermédiaire honnête, actif et utile…mais de l’intermédiaire parasitaire et nuisible, qui nous prive de l’argent qui nous est dû, qui déforme ou laisse déformer notre oeuvre, qui l’avilit en la conduisant sur des scènes où elle ne doit pas aller et qui la traduit dans des langages qui sont ceux d’aucun pays. C’est là Messieurs, ce que nous venons d’enterrer. Il me semble que c’est un des enterrements les plus joyeux auxquels il me soit donné d’assister.
Les rires fusent, les applaudissements crépitent, tous sont volontaires au combat pour une cause si juste. Mais il faut des armes et l’arme suprème, c’est la Confédération. Il la veulent tout de suite. André Rivoire la leur offre. Pratique, il avait tout prévu, même, surtout un juriste.
– Alors, Messieurs, je suis heureux de vous annoncer une nouvelle qui vous réjouira tous : nous avons ici parmi nous M. Grunebaum-Ballin, qui est un juriste éminent, et pour éviter toute perte de temps, il se met à votre disposition pour préparer, dès aujourd’hui, les statuts d’une Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs.
Avant même d’avoir une existence légale, la CISAC fait preuve de vitalité. Son esprit, ses principes, naissent à jet continu des interventions des uns et des autres. Elle est une et plurielle.
Et maintenant place au divertissement. On fête « les Noces de Locarno ! » Partie champêtre à « Fontaine belle eau » et réception à l’Opéra. Les vertus du programme social se confirment. La leçon sera retenue…
Le deuxième jour
Lundi 14 juin, aérés, divertis, les congressistes reprennent leurs travaux avec ardeur. La veille, l’intervention de la délégation italienne a fait impression. Voici Vincenzo Morello propulsé président de séance. Sous la houlette du sénateur romain les interventions se succédent. André Rivoire fait accepter que le Congrès émette des voeux. Ainsi naissent voeux et résolutions qui depuis ponctuent les réunions des organes de la CISAC.
Premier souci, premier voeu, la Convention de Berne. La délégation allemande demande qu’à la révision programmée à Rome, toutes les réserves émises par certains signataires à Berlin soient balayées.
– Très bien ! Très bien !
Edmond Guiraud, vice-président de la SACD, exige que la traduction ou l’adaptation d’une oeuvre dramatique soit soumise à l’auteur et approuvée par lui avant d’être utilisée.
– Très bien ! Très bien !
M. Avernheimer propose de créer un « droit d’affiche, » savoir que le nom de l’auteur de l’oeuvre originale figure sur le matériel de presse.
– Très bien ! Très bien !
Le délégué polonais, Krzyrwoszewski, estime que les traités de réciprocité iront au- devant des voeux du président de Flers en permettant de supprimer les intermédiaires. Ce sera la tâche de la Confédération de préparer cette entente.
– Très bien ! Très bien !
Si chaque délégation a une voix, les votes se font par acclamations, et de façon quasi unanime. On en vient à la Confédération. Pour André Rivoire, il ne peut s’agir que d’un organisme permanent. Comme siège, il propose Paris, par efficacité, non par gloriole. La doyenne des Sociétés d’auteurs guiderait les premiers pas de la toute nouvelle Confédération, souligne Romain Coolus, de plus elle paierait les premiers frais.
Adjugé deux fois !
Le délégué autrichien, M. Zifferer, voit tout auteur membre d’une Société, représenté ailleurs par les autres. Enfin M. Giordani souhaite qu’il n’y ait, par pays, qu’une seule société qui contrôle et perçoive.
Le vin du jour est tiré, la séance levée. L’après-midi les congressistes sont reçus au Ministère des Affaires Etrangères, Salon de l’Horloge, par le Président du Conseil. Belle occasion de pousser le pion des auteurs sur le jeu des politiques. André Rivoire donne la réplique à Aristide Briand :
– Nous avons travaillé dans l’esprit de Locarno.
– Que cherchez-vous ?
– Le Congrès a déjà abouti à la crèation d’une Confédération Internationale.
– J’encourage toutes les réunions de ce genre et je les vois d’autant plus complètes
que tout le monde s’y trouve. Je ne suis pas du tout partisan de faire des exclusions sous prétexte qu’hier le monde a été aux prises avec de terribles évènements. Je crois que les idées de paix sont celles qu’il faut favoriser aussi largement que possible ; dans le domaine de la littérature et de l’art, si on n’avait pas ces idées là, où pourrait-on les rencontrer ? … Vous avez un programme ?
– Le fait capital était de fonder une Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs.
– Une Société des Nations du Théâtre ?
– En effet, une Société des Nations du Théâtre.
– Très bien. Tâchez de vous tenir bien unis, et quand elle sera fondée, tâchez de
garder tous vos adhérents, qu’il n’y en ait aucun qui s’en aille : fermez bien la porte pour les retenir tous.
– Pour l’instant nous en sommes encore à la période où il faut surtout l’ouvrir. Nous la fermerons après.
A méditer.
Le troisième jour
Mardi 15 juin, le Congrès vit sa dernière journée. Reste un morceau de choix : le vote des statuts de la Confédération. La présidence revient à Sir Arthuro Pinero, président de la Société des Auteurs d’Angleterre, assisté de Robert de Flers. Mot d’ordre : imposer le minimum de contrainte avec le maximum d’union.
En préalable M. Lwoski se déclare d’accord sur bien des points avec ce qui se discute mais, à l’image du représentant américain à la Société des Nations, il ne peut souscrire aux décisions « notre Société étant limitée dans son pouvoir. » Et d’ajouter :
– Mais attendez ! Notre pays est grand, fort, jeune. Grâce aux efforts de notre gouvernement et du peuple lui-même, la fièvre est passée ! Nous sommes en voie de guérison et avec la guérison revient le désir des hauts plaisirs et de la joie. Cette joie nous la trouvons dans vos pièces, et je peux vous assurer que nos traducteurs seront heureux de vous payer tout ce que vous méritez : la gloire, la gratitude…
On l’applaudit, il aimerait tant croire à ce qu’il dit.. De discussion en discussion la Confédération prend forme. Elle a pour objet :
a) d’unifier et d’améliorer l’organisation interne des différentes Sociétés, notamment en vue d’assurer une protection plus efficace des droits matériels et moraux, tels qu’ils résultent des législations en vigueur et de mettre en place les meilleures modalités de perception.
b) de travailler de concert à l’amélioration des différentes législations nationales et internationales ;
c) de créer un centre de documentation afin d’offrir davantage de garanties pour la traduction et la diffusion des oeuvres ;
d) d’étudier en commun tous problèmes intéressant l’art dramatique sous ses diverses formes.
Etablie sans limitation de durée, son action « est rigoureusement en dehors de tout parti politique et de toutes opinions confessionnelles. » (La leçon de Briand a été retenue.) Quid du siège ? Doit-il être fixe ou itinérant, et en ce cas, quel sort réserver aux archives, ne va-t-on pas les perdre en route ? La SACD avait proposé Paris, la première année seulement. Barduzzi, pratique, se prononce pour une unité de lieu et d’administration.
– Nous croyons qu’aucune ville mieux que Paris ne peut répondre aux nécessités d’un fonctionnement complet… Nous proposons que le Secrétariat général fonctionne à Paris, dans une forme permanente.
La présidence du Bureau, elle, variera selon la volonté du Congrès. Aux voix : – Très bien ! Très bien !
Devant une telle unanimité, Robert de Flers, au comble de l’émotion, s’exclame :
– Messieurs, nous ne saurions trop vous exprimer notre reconnaissance pour le grand hommage que vous venez de rendre à Paris… Nous vous remercions pour cette preuve de confiance et d’amitié.
– La reconnaissance est de notre part, renchérit Ludwig Fulda, parce que vous faites le travail pour nous tous…(Applaudissements.)
Autre sujet de discussion, le Secrétaire général. Grunebaum-Ballin :
– Le texte qu’on vous propose a pour but que le Secrétaire général soit chaque année un autre.
Barduzzi :
– Non ! non ! non ! Si vous permettez, nous ne trouvons pas ça pratique ; il faut suivre l’administration dans tous ses états. Si on fait le changement chaque année, on aura une discontinuité… Il faut absolument que le Secrétaire général, qui n’est pas le président, soit un fonctionnaire, car il aura beaucoup à travailler et il faut qu’il ait des fonctions permanentes.
Flers :
– Un Secrétaire général et un Président annuel qui, lui, appartiendrait tantôt à une nationalité, tantôt à une autre ?
– Oui ! oui !
André Rivoire :
– Le caractère honorifique de la fonction irait de nation en nation.
Adjugé ! Le Secrétaire général permanent servira d’intermédiaire entre les
différentes Sociétés, centralisera la documentation, et proposera les mesures nécessaires à la bonne exécution des voeux et résolutions.
Le Bureau d’Etude, adjoint au Secrétaire général, réunira dans l’intervalle des Congrés un représentant par Société, accompagné, en cas de besoin, d’un expert. Chaque Société disposera d’une seule voix. La majorité en Congrès est fixée aux deux tiers. Les frais seront répartis entre les différentes Sociétés sur la base de la proportionnalité adoptée par l’Union Postale Européenne..
Messager propose un amendement : que lors des Congrès les délégués soient « obligatoirement des auteurs ou des compositeurs parce que ce serait la porte ouverte à des intermédiaires. » La SIAE s’y oppose, elle comprend des éditeurs. Messager s’incline.
Quant au lieu de réunion du prochain Congrès, il y a pléthore de propositions. Marquina avance Madrid, Pinero Londres, Krzyrwoszewski Varsovie. Barduzzi l’emporte avec Rome où doit se tenir la prochaine Conférence de révision de l’Union de Berne. Fort de ce succés, il fait acclamer Robert de Flers comme Président. Les vice-présidents seront Fulda, Marquina et Morello. Robert de Flers fait élire Edmond Guiraud Secrétaire général. Les Secrétaires adjoints seront le canadien Pierre Dupuy, bien qu’il déclare ne représenter que lui-même – la Société canadienne n’est pas encore constituée – l’autrichien Paul Zifferer, l’anglais Maurice Lanoire et le grec Spyro Melas.
La Confédération vient officiellement de naître, elle a ses statuts, ses élus de huit nationalités différentes. On applaudit le président de la Société allemande Ludwig Fulda lorsqu’il s’écrie :
– Ce sont les questions politiques qui souvent hélas ! ont séparé les peuples. Ce sont les arts et la pensée qui les unissent.
Le congrès finit sous les bravos. Des homme qui s’ignoraient ont appris à se connaître, ceux que tout opposait, à ne pas se haïr et, finalement à s’aimer. L’émotion de Robert de Flers est devenue générale, en se quittant, chaque délégué essuie une larme et n’a qu’un cri :
– A Rome ! A Rome !
2) L’EXPLOSION DE ROME. 1927
Dés potron-minet le secrétariat de la CISAC quitte le siège trop voyant du 12 rue Henner, pour occuper dans le même arrondissement ses premiers vrais locaux loués au 24 de la rue Caumartin. Les auteurs ont découvert la cohabitation entre ressortissants de pays différents, il leur appartient de découvrir la cohabitation entre auteurs de disciplines différentes. Il y faudra un malentendu providentiel.
Le 6 mai 1927, alors que le Congrès doit se réunir à Rome le 19, la Commission de la SACD apprend que les Sociétés de droits d’exécution ont également été conviées. Stupeur ! Sommé de s’expliquer, Denys Amiel, successeur d’Edmond Guiraud défaillant, déclare :
– Je n’ai jamais eu connaissance par M. Varaldo (sic), de son intention de convoquer les Sociétés de petits droits, convocation qui régulièrement n’aurait pas dû être faite. Il les a faites avant de me prévenir.
Dès qu’il l’a su, il a émis des réserves et alerté le président de Flers. Les Sociétés de « la lyrique », relèveraient d’un congrès général, comprenant tous les auteurs, sans distinction. :
– Pour le moment, cela dépasse le cadre de nos travaux.
Le Congrès s’ouvre donc, avec une ambiguité de taille, en présence de Sociétés provenant de dix-huit pays, dont les Etats-Unis. Les congressistes sont acceuillis en fanfare par le chef du gouvernement en personne, Benito Mussolini. Le sénateur Morello vit le plus beau jour de sa vie :
– Monsieur le Président, j’ai l’honneur de vous présenter les délégations qui participent au Congrès International de la Confédération des Sociétés d’Auteurs. Ce sont ces mêmes délégations qui, l’année dernière à Paris, ont acclamé votre nom, après l’exposition que nous avons faite de la loi italienne sur le droit d’auteur, et qui, ensuite, à cause de cette loi, ont choisi la ville de Rome comme siège du prochain Congrès.
Le Président du Conseil, qualifié pour l’occasion de « l’un des maîtres écrivains du monde moderne » improvise une réponse dont le sténographe n’a gardé qu’un résumé. Il expose les raisons d’ordre moral et social qui l’ont conduit à faire adopter la nouvelle loi italienne sur le droit d’auteur. Et d’observer :
– Après la guerre, on a trop songé aux choses matérielles de la vie, aux mesures, d’ailleurs nécessaires et urgentes, à prendre pour réparer les dommages causés. Les hauts problèmes intellectuels ont été négligés.
C’est son mérite d’avoir réparé cet oubli et il est heureux que les auteurs apprécient son initiative. La loi sur le droit d’auteur rejoint l’assainissement des marais Pontins parmi les grands travaux du Duce qui demeurent à son crédit. (Mais relevons qu’une bonne loi sur le droit d’auteur peut coexister avec la censure qui en sape le fondement moral.)
Stimulés par un tel exemple, les délégués se retrouvent entre eux, décidés à agir aussi bien à l’échelle internationale. D’abord la sérénité règne et les représentants des Sociétés de droits d’exécution interviennent dans les débats normalement. Robert de Flers dénonce les dangers qui pèsent sur la propriété littéraire :
– Parmi les plus récents, laissez-moi vous indiquer une tendance très nette à vouloir créer des propriétés de seconde zone, des propriétés en quelque sorte adventices, capables, si n’on n’y prend garde, de brimer et même d’étouffer la propriété du créateur.
L’assemblée approuve. L’observation reste d’actualité. Tout se gâte au moment de procèder à l’appel des délégations ; elles doivent remettre signée la feuille d’adhésion à la Confédération. Le docteur Kopsch prend la parole :
– Pour nous se pose cette question qu’en Allemagne il n’existe pas de distinction, en ce qui concerne l’organisation, entre les auteurs dramatiques et les petits droits. Dans ces conditions, nous ne sommes pas autorisés à adhérer à une Confédération qui ne s’occupe que des auteurs dramatiques.
L’incident est ouvert. Face à une assemblée hétérogène, Robert de Flers s’efforce de concilier l’inconciliable, faire admettre à des représentants de Sociétés de droits d’exécution, de n’avoir été convoqués qu’en qualité d’observateurs. La position n’est pas tenable, d’autant qu’elle repose davantage sur l’histoire que la logique et le droit.
Que les auteurs dramatiques français, premiers à s’unir, aient souhaité rester entre eux, c’est leur affaire. En d’autres pays, plusieurs disciplines se sont parfois regroupées en une même Société, faisant l’expérience d’une cohabitation réussie, et de l’unité de défense du droit d’auteur. Ainsi de la SIAE en Italie. L’opposition des deux modèles peut déboucher sur l’éclatement de la Confédération ou sa rénovation par un heureux compromis. A la clé, il y a le contrôle des décisions prises, par l’attribution du droit de vote.
Dans un premier temps l’affrontement l’emporte. Robert de Flers, fils de Beaumarchais, se comporte en titulaire d’un droit d’aînesse, pour qui le mot auteur est synonyme d’auteur dramatique ; il reste dans la logique d’un Congrès de Sociétés d’Auteurs Dramatiques, avec une seule voix par Société et par pays.
A cela les délégués des Sociétés de droit d’exécution opposent quatre arguments solides : elles ont été invitées sans réserve ; le programme du Congrès porte « Sociétés d’Auteurs et Compositeurs » ; en dépit de l’expression « petits droits » les Sociétés de droit d’exécution gèrent des droits importants ; enfin, les premiers débats l’ont montré, les auteurs des différentes disciplines ont souvent des problèmes communs, et la confrontation de l’expérience de chacun est profitable à tous.
Robert de Flers plaide l’erreur d’une invitation imprécise, et l’absurdité qu’il y aurait à donner à une Société pluridisciplinaire comme la SIAE, deux voix, si l’on accordait par ailleur une voix à une Société ne gérant que les droits dramatique et une voix à celle ne gérant que les droits d’exécution. Poussé dans ses retranchement, il fait le marquis, tire son épée de cour et lance :
– Eh bien, il me semble qu’une Société qui ne représente que les petits droits n’a pas de raison d’être ici à côté de nous.
Le délégué belge, M. Hullebroeck, le prend au mot :
– Alors, nous n’avons qu’à nous retirer.
– Mais non. Nous sommes ici pour discuter de la situation, réplique le président,
effrayé des conséquences de ses paroles et rengainant sa superbe.
Auparavant, le président de la SACEM, Célestin Joubert, avait lui aussi déclaré sans
embage :
– Si nous n’avons pas le droit de vote, nous n’avons aucune raison d’être ici. Il faut
avoir une voix par Société et non par Pays.
Mis au pied du mur, Robert de Flers offre de discuter. C’est déjà accepter de
transiger. André Rivoire lui emboite la parole et trouve d’emblée la solution idéale :
– Comme on l’a démontré à plusieurs reprises, les petits droits et les droits des auteurs dramatiques se complètent sur beaucoup de points. C’est pourquoi il n’y a pas de raison d’exclure les Sociétés de petits droits. D’autre part il n’est pas de difficulté qui ne puisse se résoudre. C’est une question d’un peu de bonne volonté. La Société des Auteurs Italiens ne comprend pas seulement les auteurs, mais aussi les petits droits ?
On pourrait se mettre d’accord en établisssant la division en deux parties.
Ainsi les auteurs dramatiques offrent d’habiter sous le même toit que le peuple des auteurs, mais en s’attablant séparément. Le pétulant directeur de la Société Italienne
a laissé chaque partie épuiser ses cartouches et devient l’arbitre de la situation :
– Ce qui arrive en ce moment démontre encore une fois l’indivisibilité de la défense des auteurs. Il n’est pas besoin de démontrer que toute division entraînerait de très graves dommages pour nos intérêts…. Nous devons dire tout simplement que notre Confédération est une Confédération des Auteurs et Compositeurs… La question des voix est secondaire… La réalité est celle-ci : qu’il est impossible d’avoir une défense complète des auteurs et compositeurs si l’on ne fait pas l’union la plus complète sur les principes généraux.
Les applaudissements fusent. On a la paix avant d’avoir livré la guerre ! Le président lève la séance et convoque les chefs de délégation à une réunion de conciliation.
Le lendemain, la commission livre sa solution : que le Secrétariat général prépare un projet de statuts, en vue de former, sous le titre général de « Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs », deux Fédérations distinctes, provisoirement dénommées :
1°) Fédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs dramatiques ;
2°) Fédération Internationale des Sociétés de droits d’exécution non théâtrale, étant entendu que la Confédération invitera chaque années les deux Fédérations, dans la même ville et à la même date, à tenir deux Congrès fédéraux qui se réuniront au moins une fois en Congrès Confédéral.
C’est l’oeuf de Colomb. La proposition est adoptée par acclamations avec un immense soulagement. Et maintenant, fêtons les Fédérations. Au banquet de clôture offert par le prince Spada, gouverneur de Rome, le président Vincenzo Morello, en termes monarchiques, lance cet avertissement à la face du monde :
– La production littéraire et artistique est la noblesse de l’humanité ; et son blason ne doit pas être exposé à toutes les injures du vent et de la pluie ; il ne doit pas être l’objet de l’exploitation des hommes d’affaires, ni des prétentions des hommes publics.
La noblesse de l’Humanité a fondé sa République, une, indivisible, universelle. Tout un programme ! Les gens de lettres ne sont pas là, les artistes non plus et les nouveaux auteurs, nés des progrès de la technique, pas davantage. Reste à la CISAC à prendre toute sa place dans la création, le droit, l’administration, le contrôle, et à occuper l’espace. Prenons le train des Congrès. Une triple destination commune :
– Diffusion et harmonisation au niveau le plus élevé du droit d’auteur dans le monde;
– Soumission, par anticipation à leur commercialisation, des nouvelles techniques de communication au droit d’auteur.
– Développement et perfectionnement de la gestion collective.
Si la CISAC a vocation universelle, son implantation est d’abord essentiellement européenne.
*
IIII) L’ENRACINEMENT
1928-1935
Né en Europe, le droit d’auteur s’y est répandu plus largement que sur les autres continents. Tout en conquérant de nouveaux espaces et en veillant jalousement sur la Convention de Berne, la CISAC consolide les positions acquises, et tente d’unifier le droit d’auteur à sa source. Etant donné la multiplicité des sujets abordés pendant les Congrès, nous évoquerons rarement les législations nationales, mais il est clair que toute nouvelle avancée du droit d’auteur enregistrée dans l’une d’entre elles est citée en exemple pour amender les autres.
Dès sa conception la CISAC est confrontée au problème de la cohabitation et de la répartition des responsabilités entre les auteurs et les techniciens engagés à leur service. Les auteurs voudraient tout faire eux-mêmes, mais ils ne peuvent pas se passer des techniciens, d’où un équilibre difficile à trouver. Dès le Congrès suivant tenu à BERLIN du 16 au 23 avril 1928, Romain Coolus déplore :
– Tout ce qui est agent, tout ce qui est représentant, tout ce qui est juriste et « à côté » de l’art dramatique, est représenté en abondance…
Mais à la réunion préparatoire tenue par la deuxième Fédération en cette même ville, en novembre, son collègue, Denys Amiel, avait lancé une mise en garde contre le platonisme :
– Je désire personnellement…qu’un technicien, un grand technicien soit adjoint au Secrétaire-général qui, lui, serait un auteur… Nous honorons certaines personnes d’une façon platonique en vertu de ce vieux point de vue très respectable que les auteurs ont le droit de porter le pavillon de l’art… Ils ne le tiendront pas à bout de bras pendant des années. Il faudra que la hampe s’appuie sur quelque chose qui sera justement le technicien.
Si le Secrétaire général de la Confédération demeure un auteur, le Directeur général de la SACEM, Alpi Jean-Bernard, est élu Secrétaire général de la Fédération lyrique.
A la veille de la révision de la Convention de Berne, le Congrès souhaite une harmonistation des durées de protection à l’échelon de 5O ans post mortem auctoris, le droit pour les auteurs d’oeuvres préexistantes d’autoriser leur adaptation au cinématographe…etc.
Après Berlin, MADRID, du 2O au 25 mai 1929. Le Secrétariat général joue les bons offices pour régler les premiers conflits inter-sociaux. Des éclaircissement sont donnés sur les conditons de la constitution du BIEM. ou Bureau International de l’Edition Mécanique, et, selon une motion sur les films sonores et les films parlants, « la représentation ou l’exécution de ces oeuvres à l’aide de procédés scientifiques, mécaniques ou électriques nouveaux ne crée pas pour cela un droit nouveau, mais un mode d’exploitation nouvelle… »
29 mai 4 juin 193O, BUDAPEST. 19 pays sont représentés, dont les Etats-Unis et la Norvège. Denys Amiel, au moment de passer la main à René Jeanne, comme Secrétaire général, fait le bilan de quatre années d’activités. Licencié en droit et en philosophie, il a ce commentaire :
– Etait-ce à dire que du jour au lendemain, d’un Congrès à l’autre, tout allait marcher pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Non, Messieurs ; le domaine du droit d’auteur est vaste, c’est une région très accidentée, quand elle n’est pas un maquis d’une complexité redoutable, dans lequel trop de gens jusqu’ici ont été intéressés à ne jamais laisser pénétrer la lumière. Avons-nous transformé la situation d’un coup de baguette magique ? Non, Messieurs, peut-être parce que nous ne l’avons pas assez voulu.
Il est question du cinéma. L’auteur doit être rémunéré sur la recette salle. La situation américaine inspire à la première Fédération un voeu d’une actualité saisissante :
– Regrettant d’avoir à constater combien sont despotiques et dangereuses les prétentions d’une certaine industrie qui, ayant acquis forfaitairement, ainsi qu’une marchandise, les droits d’adaptation cinématographique d’une oeuvre, prétend en disposer définitivement sans que l’auteur puisse exercer le moindre contrôle moral et artistique sur son utilisation, le Congrès de la Confédération des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs invite les Sociétés d’Auteurs – et les auteurs du monde entier, unis et disciplinés – à s’opposer par tous les moyens en leur pouvoir à ces pratiques, car cette conception étroitement commerciale de la propriété intellectuelle et cette industrialisation de la pensée menace, en faisant des auteurs de simples salariés, d’anéantir tous les résultats acquis par eux depuis un siècle dans le domaine du droit d’auteur.
Alors qu’à Paris le Secrétariat général quitte la rue Caumartin pour le 24 rue Chaptal, plus proche de quelques mètres de la « Lyrique » que de la « Dramatique », la CISAC, pour la première fois, s’éloigne du continent et tient Congrès à LONDRES du 18 au 23 mai 1931. L’ASCAP faisait antichambre, elle est enfin admise, avec la levée du préalable de l’adhésion des Etats-Unis à la Convention de Berne. De cette adhésion prochaine, on en parlera chaque année, comme de la condition des auteurs en U.R.S.S…
A Rome, sachant que la révision de la Convention de Berne était à l’ordre du jour, l’Industrie Mécanique avait adressé, par la plume de son président M. Wood, une offre d’alliance qui ne fut pas immédiatement comprise. Quatre ans plus tard, sous l’impulsion du BIEM, et après audition du rapport de M. Franciso Fedele, de la SIAE, la constitution d’une Fédération du droit de Reproduction est projetée, non sans quelques réactions : « Mais pourquoi devons-nous mêler au droit d’auteur les raisons
de l’industrie du disque ? Pourquoi faire une troisième famille avec des gens qui ne sont pas des frères à nous ? Pourquoi admettre des Sociétés qui n’ont pas la formation de sociétés d’auteurs ? »
Il appartient au septième Congrès, tenu à VIENNE du 6 au 11 juin 1932, de concrétiser ce nouvel lélargissement. La troisième Fédération voit officiellement le jour le 1O juin. Y adhérent d’emblée les Sociétés déjà membres de la première ou deuxième Fédération et comprenant l’administration et la défense des droits mécaniques dans leur objet social : STIM, TEOSTO, KODA, TONO, SACD, SIAE, GDT, ZAIKS, SPA, BUMA, NAVEA, et la Société Hongroise des droits d’exécution.
Aussitôt après, la nouvelle élue tient une assemblée constitutive, confie sa présidence à M. Alfredo Columbo, et examine la conformité des candidatures des sociétés non encore membres de la Confédération. Les sociétés commerciales sont invitées à mettre leurs statuts en harmonie avec ceux de la Confédération.
Les opposants de la première heure à l’élargissement de la Confédération lui sont aujourd’hui acquis. A preuve l’hommage rendu à Vincenzo Morello, peu après son décès, par le président Charles Méré, au congrès tenu COPENHAGUE du 29 mai au 5 juin 1933 :
– Nous avons le devoir de rendre justice au Président Morello, aujourd’hui que nous pouvons apprécier les heureux effets de son initiative.
L’avenir de la Confédération est-il pour autant tout rose ? Charles Méré, de poursuivre :
– « To be or note to be ». « Etre ou ne pas être. » Comment à l’heure où nous discutons de notre existence dans la capitale du Royaume de Danemark, à deux pas d’Elseneur, pourrions-nous ne pas évoquer la figure d’Hamlet ? Quelle plus belle occasion pourrions-nous avoir de mettre nos travaux sous le patronage d’un héros en qui on ne voit trop souvent qu’un rêveur, alors qu’il est en réalité un homme d’action et de la plus haute qualité humaine, puisqu’il agit mené par un rêve et pour obéir à un idéal ?
Suit une modification des statuts afin de renforcer les pouvoirs des Secrétaires des Fédérations, jusque-là confinés dans un rôle passif, leur permettant de prendre désormais l’initiative et la responsabilité de leurs actions, sans pour autant réduire les pouvoirs du Secrétaire confédéral. On crée une Commission de Codification et d’Interprétation des Règles Professionnelles, règles que doivent respecter les Sociétés, qui s’exposent, en cas de violation grave ou répétée, à être exclues de la Confédération par l’Assemblée confédérale, sur propositon du Bureau.
L’année suivante, à VARSOVIE, où le Congrès s’installe du 11 au 16 juin 1934, c’est à la Fédération Internationale des Associations Professionnelles de Gens de Lettres, domiciliée à Paris, et regroupant vingt-deux associations, de demander son intégration. Une fois encore le nouveau venu n’est considéré comme présentable, admissible, que s’il apporte en dot plus que lui-même, et vient renforcer en quelque point l’action des Sociétés déjà introduites. Donnons la parole à Ghéraldi, orateur écouté des débats de la CISAC.
– Je me suis demandé un jour, car le problème est venu dans cette Fédération, dont je suis un des Secrétaires, s’il s’agit bien d’auteurs. Nous les appelons habituellement des écrivains. Est-ce que ce sont des auteurs ? Peut-être que dans le sens acquis à ce mot, ce ne sont pas des auteurs
Il conclut néanmoins à leur admission car « il y a certainement quelquefois des déclarations, des décisions et des voeux émis par nous, émis par eux aussi et qui font
double emploi. » La création, d’une quatrième Fédération est jugée prématurée, aussi est-il décidé de constituer une commission interconfédérale qui étudiera les problèmes communs aux deux confédération et permettra d’harmoniser les politiques suivies.
A SEVILLE, en mai 1935, Ugo Gheraldi rend compte des discussions intervenues sur ce théme au bureau. Le point le plus délicat est celui de la délimitation des compétences des Fédérations. Le partage entre la première et la deuxième a demandé du temps, il est aujourd’hui bien arrêté. Or les Gens de Lettres ne bornent pas leur compétence au livre, ils l’étendent à tous ses dérivés à la radio et au cinéma.. Voici leur thèse :
– Nous sommes les maîtres du livre ; notre compétence est le livre paru en librairie, mais alors aussi toutes les évolutions successives de ce livre : si le livre se transforme en film, nous voulons percevoir pour le film ; si un extrait d’un livre, d’un journal, d’une nouvelle est radiodiffusé, c’est encore de notre compétence.
Gheraldi plaide pour l’achèvement du « cycle confédéral. » L’important est de créer une quatrième Fédération, même avec un domaine volontairement limité, pour tenir compte des droits administrés par les sociétés déjà membres, et puis, peu à peu, les choses évolueront. M. Lelievre observe :
– Les Gens de Lettres ont de grands appétits, il ne faudrait pas qu’ils viennent piétiner sur le domaine des autres.
Certains se crispent, et ne veulent pas entendre parler d’ententes sur la répartition des répertoires, afin de figer une situation. Jean-Jacques Bernard s’en démarque :
– Il y a des pays qui ont la chance de n’avoir qu’une société qui comprend des sections. Nous n’avons pas cette chance, malheureusement, mais nous ne devons pas faire peser sur les délibérations d’une Confédération une situation dont nous souffrons. Il est nécessaire que nos sociétés arrivent à des entententes particulières, précisément pour éviter des conflits. Pourquoi voulez-vous fermer la porte à des ententes ?
La querelle des « auteurs » rebondit et débouche sur la remise en cause de l’enseigne de la Confédération. Le délégué roumain, Theodorian, demande que le nom de « Gens de Lettres » figure dans l’intitulé de la CISAC. La repartie vient des auteurs dramatiques français qui, une fois de plus, manifestent ainsi leur décrispation depuis Rome, et renoncent à leur privilège d’Auteur avec un A.
– Mais il y a le mot « auteurs » dit Charles Méré.
Theodorian :
– Est-ce que par « auteurs » nous ne comprenons pas « auteurs dramatiques » ?
René Jeanne :
– Le mot « auteurs » dit tout.
Theodorian :
– Il ne dit pas tout. Cette objection, je l’ai entendue. (A Rome ?)
Charles Méré :
– Permettez-moi d’avoir la prétention de savoir ce que le mot français « auteurs » veut
dire. « Auteurs », dans son sens général, englobe à la fois l’auteur dramatique, l’auteur lyrique et l’auteur littéraire. Nous n’avons pas voulu énumérer dans le titre les diverses catégories d’auteurs et compositeurs ; nous n’avions aucune raison de le faire… A aucun prix nous ne devons laisser mettre en discussion le titre de « Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs ». Changer notre drapeau serait une grande imprudence au moment qui vient.
– Applaudissements.
La CISAC garde son enseigne et admet dans son sein le 7 mai la Fédération Internationale des Sociétés Professionnelles de Gens de Lettres. Trois condidatures sont exprimées : Portugal, Espagne et Roumanie.
Autre point à mettre à l’actif du Congrès de Séville, la création de la Commission de législation, sur proposition de Valerio de Sanctis qui s’y illustrera, en juriste inspiré, aux manières de Vittorio de Sica.
*
IV) L’EPREUVE DE LA GUERRE
1936-1945
La valse des congrès s’inscrit dans des villes bientôt le théâtre de la guerre. Le coeur se serre en lisant les procès-verbaux de réunions où les auteurs, hommes de paix, luttent pour la préservation de leurs droits, et deviennent parfois les otages d’hommes politiques prompts à les utiliser. Le mot d’orde de la Confédération, dès sa fondation, est : pas de politique dans une assemblée professionnelle d’auteurs. Briand avait raison, il faut ratisser large, demeurer dans le domaine professionnel. Mais il existera toujours une gêne en voyant des auteurs estimables tributaires des régimes en place. Ainsi l’Allemagne porte la durée de protection à 5O ans post-mortem. Le président Eduardo Marquina propose l’envoi d’une télégramme de félicitation au Dr. Goebbels « pour lui dire que nous sommes très reconnaissants. » Approbation.
Pour son dixième anniversaire, du 28 septembre au 3 octobre 1936, la CISAC prend le relai des Jeux Olympiques, à BERLIN. Tenu à l’Université de Unter den Linden, le Congrès est sous le patronage encombrant du même Docteur Goebbels. Le ministre de la presse et de la propagande du Reich fait langue de velours et parle comme personne de son théâtre à Jean-Jacques Bernard, plus tard hôte involontaire et miraculé du camp de Drancy…
Devant les délégués estomaqués de vingt-sept Sociétés de dix-neuf pays – il y a là Franz Lehar et Luigi Piradello – dans son discours de bienvenue, le secrétaire d’Etat Walter Funk assure que « la défense de la propriété intellectuelle, tient une place importante dans la législation de l’Etat national-socialiste, » à preuve :
– Aujourd’hui l’artiste allemand a retrouvé sa place parmi son peuple et vit avec lui. L’art fait partie intégrante de la volonté du peuple et de l’Etat. L’artiste doit remplir la haute mission à laquelle il est appelé comme un devoir envers l’Etat. Toute la force et toute la volonté de l’Etat autoritaire sont appliquées en faveur de l’art et de l’artiste. L’Etat guide les artistes, mais un sentiment de vive affection l’unit à eux. Le Gouvernement vient à la rencontre de l’artiste et l’artiste à la rencontre du Gouvernement ; ceci procure à l’artiste une popularité franche, la vraie communauté avec le peuple. Le sort tragique d’un Mozart qui mourut délaissé de ses anciens protecteurs, inconnu du peuple, ne pourra plus se répéter en Allemagne.
Les travaux ne s’en poursuivent pas moins. Sont déclarés admissibles les organismes qui, sans percevoir, ont pour objet la défense des droits des auteurs, et relèvent de pays dépourvus de sociétés de perception. La SDRM vient grossir, à l’unanimité, les rangs de la troisième Fédération, et la SGDL permet la constitution effective de la dernière. Enfin, devant l’ajournement constant de l’adhésion des Etats- Unis à la Convention de Berne, on étudie un avant-projet de Convention Universelle. Mission accomplie, les délégués peuvent repartir tranquilles, le docteur Goebbels, dans son discours de clôture, leur a délivré son ordonnance :
– Après une guerre épouvantable dans laquelle les machines et la technique se sont dressées contre l’homme et sa démence, nôtre tâche principale devrait être à présent de remettre technique et machine au service de l’humanité. C’est la tâche primordiale du travailleur intellectuel et c’est à cela que doivent servir, en première ligne, les résultats de ce Congrès.
Les feux de l’exposition universelle attirent les congressistes l’année suivante à PARIS du 14 au 19 juin. La brillante assemblée compte dans ses rangs Georges Enesco président de la SOCORO de Bucarest, Reynaldo Han, Waclaw Grubinski délégué de la ZAIKS, Sacha Guitry, Jean Giraudoux, Franz Lehar président d’honneur de l’AKM de Vienne, Fritz Ostertag, Paul Valery, Asger Wilhelm Hansen vice-président
de la KODA, Francis Casadessus, Arthur Bliss délégué de la PRS., Alfredo Casella délégué de la SIAE, Kurt Atterberg président de la STIM… A onze ans de distance les délégués de quarante-neuf nations sont conviés dans le même salon de l’Horloge où les y accueille le président de la République, Albert Lebrun. Le ministre de l’Education et des Beaux Arts, Jean Zay, officie, heureux de parler de son projet de loi sur le droit d’auteur dont il ignore qu’il sera emporté par la tourmente.
Si l’on mesure la valeur d’un congrès au nombre de voeux émis, celui de Paris est un bon cru. Piola Caselli présente un rapport remarqué sur les droits apparentés aux droits d’auteur, qu’il qualifie de « droits voisins. » On s’inquiète du transfert des devises, de la double imposition, de la valeur économique des oeuvres de l’esprit, de l’adhésion des Etats-Unis à la Convention de Berne « qui préluderait au statut universel du droit d’auteur, » de la consécration des droits des auteurs d’oeuvres cinématographiques, de la non extension à la télévision des limitations du droit exclusif de l’auteur sur la radiodiffusion de ses oeuvres, et l’on crée une Commission de statistique. Le Dr Hepp avise l’assemblée que l’ALAI vient de se prononcer en faveur de l’attribution au producteur de film d’un « droit de protection » et non pas d’un droit d’auteur, comme pour l’industrie du disque :
L’Histoire s’affole. A la veille de l’embrasement généralisé, la CISAC, répondant à l’invitation de la STIM, tient congrès à STOCKHOLM, en pays neutre, du 27 juin au 2 juillet 1938, sous le haut patronage du roi de Suède. Charles Méré, président, est absent. Romain Coolus, président d’honneur, le remplace. Aux divisions du monde, il oppose l’union des auteurs :
– Nous avons à créer notre vérité et cette création est soumise à la loi universelle de l’évolution. Mais nous savons déjà que nous avons constitué une sorte de front de l’élite créatrice. Notre Confédération, partie de la solidarité professionnelle, l’a élargie internationalement et humainement. En nous obligeant à nous connaître, elle nous a permis de nous comprendre ; en nous permettant de nous comprendre, elle nous a conduits à nous aimer.
Robert de Flers n’est plus là pour verser sa larme. On travaille beaucoup. Les procès-verbaux garnissent 578 pages, record absolu, comme si les congressistes savaient qu’ils ne se retrouveront pas avant longtemps, et qu’il conviendra de tenir jusque-là avec leurs ultimes réflexions. Rchard Strauss est élu président. Le bourgmestre de la ville appelle à la résistance intellectuelle. Des auteurs il dit :
– Ils sont toujours les représentants des forces de la renaissance intérieure, de la vie intellectuelle, des sources de la joie et de l’espérance.
Quand l’irréparable survient, un service annexe de la Confédération est installé au 97 Jubilaumstrasse à Berne, grâce à l’intervention du Dr. Bégnigne Mentha, Directeur du Bureau International pour la Protection des Oeuvres littéraires et artistiques. A la suite de la démission de René Jeanne, secrétaire-général depuis 193O, le Bureau, réuni à Berne le 18 avril 194O, confie à Ugo Ghéraldi les pouvoirs de Secrétaire Général pour la durée de la guerre et aussi longtemps qu’un Congrès ne pourra être réuni.
La solidarité intersociale, mise à l’épreuve, l’emporte, et la CISAC parvient à faire accepter aux Sociétés des Etats belligérants de continuer à établir, sous son contrôle, les comptes de répartition des droits revenant aux auteurs ressortissants des pays en guerre avec le leur, ce qui facilitera, à l’issue du conflit, le règlement des droits placés
sous séquestre. Néanmoins les compétences territoriales des Sociétés restent sujettes de la recomposition politique et administrative assurée par les armes.
L’intensification du conflit réduit peu à peu l’activité de la CISAC, sans l’arrêter. Inter- Auteurs, bulletin officiel de la Confédération, parait encore en novembre 194O, mars et enfin en août 1941. Dans ce dernier numéro il est indiqué qu’à la demande de quatorze Sociétés, après consultation du Bureau confédéral, le président Richard Strauss a décidé de l’installation du Secrétariat dans la capitale allemande, « sans transfert du siège de la Confédération, cette question étant réservée au prochain Congrès après la guerre. » La victoire de l’Allemagne fait de Berlin la plaque tournante de l’Europe, où les communications sont les plus aisées. Les Sociétés européennes, confrontées, du fait de la guerre, à des problèmes spécifiques, créent une Association Européenne des Sociétés d’Auteurs présidée par M. Sangiorgi, président de la SIAE.
Mais l’esprit de Locarno qui avait suscité la naissance de la Confédération, assurera sa survie : les responsables de Sociétés, quel que soit leur camp, ne perdront jamais complètement de vue leur appartenance à la communauté des auteurs. Si la Confédération est présente à Berlin, elle l’est également à Londres où le président de la puissante Fédération des droits d’exécution, Leslie Boosey, se montre très actif. Avec le revirement du sort des armes le rôle de ce dernier ne cessera de croître.
*
V) LA RENAISSANCE
1946-1965
La fin du deuxième conflit mondial marque un tournant dans l’implantation géographique des Congrès de la C.I.S.A.C. Le relai pris par les Sociétés des pays libres, alors que les Sociétés continentales étaient entravées par le conflit, va attirer la
C.I.S.A.C. hors de l’Europe, d’abord en Amérique du Nord et du Sud, puis vers d’autres continents, mais sans en modifier l’esprit qui reste celui de la Convention de Berne.
A la fin des hostilités les délégués des Sociétés confédérées se retrouvent à Paris. Puis, à l’invitation de l’ASCAP, un Congrès extraordinaire a lieu à Washington du 21 au 25 octobre 1946, soit vingt ans après la fondation de la Confédération. L’administration de celle-ci est alors assurée par un Conseil de gérance que préside en toute logique Leslie Boosey. René Jouglet exerce la fonction de Secrétaire général. Nombre de Sociétés n’ont pu envoyer une délégation, mais on compte des représentants en provenance de 19 pays. A cette occasion il est décidé de créer un Conseil Européen et un Conseil Panaméricain des Sociétés d’Auteurs, qui seront réunis dans le Conseil Confédéral Professionnel.
Le Congrès qui renoue avec la tradition est celui de LONDRES, du 23 au 26 juin 1947. A l’invitation de la P.R.S.. 15O délégués représentants 47 Sociétés de 26 Nations se retrouvent à la Royal Empire Society. Les sociétés autrichiennes AKM et Austro-Mechana sont là. Leslie Boosey d’observer :
– Si un tel organisme n’existait pas, il faudrait l’inventer.
L’élargissement de la Confédération rend son administration plus complexe. Aussi est-il décidé de fixer la périodicité des Congrès à deux années, les Fédérations se réunissant entre temps en formation restreinte. Les fonctionnaires grignotent quelques postes, et les Sociétés petites et moyennes sont mieux associées à l’administration. Il est question bien sûr des traités de paix, et l’on retrouve les autres thèmes qui nourrissaient les débats avant guerre. Sous la pression du Ministère de la Justice, l’ASCAP doit, le temps d’une éclipse, donner sa démission.
Dotée d’un Conseil Panaméricain, la CISAC va dresser sa tente, pour son dernier Congrès annuel, à BUENOS-AIRES, du 11 au 16 octobre 1948, où elle est accueillie par un discours fleuve du président Peron. Les séquelles de la guerre apparaissent encore dans les débats, qu’il s’agisse du règlement des droits des auteurs allemands ou de la levée des séquestres. François Hepp, chef de la section du droit d’auteur de l’U.N.E.S.C.O. transmet une offre de collaboration, aussitôt acceptée, et la SACD est pressée « d’étendre aux pays étrangers la méthode d’administration de son répertoire ».. ce qui « facilitera le développement des Sociétés à faible répertoire national. »
Les Sociétés membres pensaient avoir achevé, avec la quatrième Fédération, « le cycle de la Confédération » selon l’expression de Gheraldi. Elles se trompaient et devaient ajouter une roue à leur véhicule tout terrain des auteurs. Les questions cinématographiques avaient tôt préoccupé les confédérés, sans pour autant que ne s’impose à eux l’idée de créer une Fédération spécialisée. La demande d’admission émise par l’Association Française des Auteurs de Films, va les amener à réviser leur position. Avec le temps, le réalisateur a gagné les galons d’auteur.
A MADRID, en 195O, les congressistes chargent le Bureau de la Confédération d’entrer en relation avec ladite Association Française et de considérer, dans le cadre confédéral, les modalités de la constitution d’une nouvelle Fédération. Or l’Association Française entend créer une Fédération autonome et ne se satisfait pas de la qualité de Société associée attribuée à cette Fédération. (Notons au passage que les congressistes se félicitent de l’achat d’un petit hôtel près des Champs-Elysées, 11 rue Keppler, comme siège de la Confédération.. Les résultats de l’exerce sont si satisfaisants que la cotisation confédérale est ramenée de O,2O% à O,15% des perceptions.)
Au printemps 1952 un Congrès International des Auteurs de Films réunit à Cannes des représentants de treize nations (Angleterre, Autriche, Belgique, Brésil, Espagne, France, Grèce, Hollande, Italie, Japon, Norvège, Suisse, et Yougoslavie) flanqués d’observateurs des Etats-Unis et de la Tchécoslovaquie. Il donne naissance à la Fédération Internationale des Auteurs de Films, domiciliée à Paris, autonome vis- à-vis de la CISAC, ce qui lui permet de se réunir, comme ce fut le cas à Cannes, en même temps que les associations de producteurs, ce que ne peut faire la Confédération.
La même année, au Congrès d’AMSTERDAM, M. Jean Matthyssens, Délégué général de la SACD, est chargé de faire le lien entre la Confédération et la Fédération. S’amorce alors un rapprochement entre la Confédération et la Fédération autonome, au point qu’au Congrès suivant, à BERGEN, en 1954, le bureau confédéral est mandaté pour réaliser dans l’intervalle de deux congrès, l’adhésion à la Confédération de la Fédération Internationale des Auteurs de Films. Ce regroupement des forces devrait permettre d’assurer la perception des droits des auteurs de films dans les salles. Pour le cas où la fusion souhaitée serait assurée, le Congrès vote par anticipation la modification des statuts et définit ainsi la Fédération Internationales des Sociétés et Associations d’Auteurs de Films.
– Cette Fédération comprend les Sociétés et Associations d’Auteurs de Films ayant pour but la défense des intérêts matériels et moraux de leurs membres et notamment l’établissement de la perception de tous les droits des auteurs dans les salles, étant entendu que l’administration et la perception de ces droits seront exercées par des Sociétés d’autres Fédérations, à moins d’impossibilité matérielles ou juridiques pouvant se présenter dans tel ou tel pays.
La préparation d’un nouvel élargissement de la Confédération s’accompagne d’une réflexion sur sa capacité à embrasser toutes les questions de l’heure et à y apporter des réponses satisfaisantes dans des délais raisonnables. Selon le Dr. Schulze, Directeur général de la GEMA :
– Il ne devrait pas exister de raison pour l’existence de plusieurs Fédérations, étant donné que toutes les questions concernant le droit d’auteur regardent tous les auteurs dans la même mesure…
A ce courant centralisateur s’oppose un courant autonomiste. La charge de trouver un compromis entre les deux est confiée à une Commission spécialisée dite Commission de Réorganisation.
A HAMBOURG en 1956 la cinquième Fédération voit le jour et tient deux réunions sous la présidence de Carlo Rim. Au menu : contrat type, la substitution inautorisée de musiques de films, une résolution sur la censure, l’institution d’un système d’arbitrage international, et la représentation des auteurs de films dans toutes instances traitant de la télévision.
La Commission de Réorganisation a choisi la méthode des petits pas et fait adopter une réforme limitée. Son mandat est renouvelé jusqu’à l’adoption d’une réforme en profondeur, ce qui ne demandera pas moins de dix annnées !
Après discussion du rapport de M. Claude Masouyé, l’autonomie financière des Fédérations est adoptée à titre expérimental à KNOCKK-LE ZOUTE, en 1958, et la modification du droit de vote entraîne la démission provisoire de la SACD – elle craint la marginalisations des auteurs et compositeurs dramatiques. L’assemblée Confédérale prend position en faveur de l’harmonisation de la durée de protection
littéraire et artistique en Europe, s’oppose à l’attribution de la qualité d’auteur de film au producteur, comme tel, et n’estime pas nécessaire l’adoption d’une Convention internationale propre au cinéma, distincte de la Convention de Berne.
Le président Albert Willemetz, à l’ouverture du Congrés de BURGENSTOCK, le 12 septembre 196O, donne en exemple à la CISAC l’ordre et l’harmonie de la Confédération Hélvétique. La réforme des statuts continue de provoquer des dissentions et la SACD n’est toujours pas revenue sur sa démission. Une résolution l’invite à reprendre sa place. Avec 34 ans de retard le voeu du directeur de la SIAE, Barduzzi, au Congrès de la fondation, s’accomplit. Le poste de Secrétaire général revient pour la première fois à un technicien, M. Léon Malaplate.
On se préoccupe de la préservation de l’unité et de l’indépendance de la Convention de Berne, de la protection des oeuvres plastiques à la télévision, du développement du droit d’auteur en Amérique Latine et du droit moral. Signe qu’aucun sujet n’est laissé de côté, le droit des obtenteurs de nouvelles espéces végétales fait l’objet d’un rapport spécifique de M. Stanley J. Rubinstein. (G.B.) !
Depuis 1927 les Congressistes ne s’étaient pas réunis à ROME. La commémoration du 8Oème anniversaire de la SIAE permet ce retour aux origines de la Confédération, du 18 au 22 juin 1962. L’époque mussolinienne est dépassée, l’allocution de bienvenue du sous-commissaire de la ville est d’une brièveté sans égale. La SACD a repris sa place. L’assemblée se soucie de la situation du droit d’auteur dans les pays ayant nouvellement accédé à l’indépendance, du magnétophone et du droit d’auteur, du projet de loi modèle sur le droit d’auteur en Allemagne, et veille jalousement sur le trésor que constitue aux yeux des auteurs la Convention de Berne. M. Jean-Alexis Ziegler présente un important rapport sur les « Sociétés de gérance de droits d’auteur considérées par rapport aux législations nationales et accords internationaux traitant des concentrations des pouvoirs économiques. »
En 1964 la PRS fête son 5Oème nniversaire. A son invitation, et sous lae patronage de la Reine Elisabeth, les congressistes se retrouvent pour la troisième fois à LONDRES du 16 au 21 juin 1964. Au programme, la révision, par une conférence diplomatique à Stockholm, de la Convention de Berne, la prolongation de la durée du droit d’auteur, la protection des idées élaborées, la succession du droit d’auteur, et « Royal Navy » oblige, la musique à bord des vaisseaux de guerre !
*
VI) METAMORPHOSE ET CONQUETE DU MONDE
1966-1996
Arrêtons nous à PRAGUE. Deux Congrès s’y succédent en 1966. Le Comité de Réorganisation arrive au bout de ses peines et la réforme introuvable des statuts est adoptée à l’issue de l’audition du rapport argumenté de M. Jean-Loup Tournier.
La CISAC garde sa bannière, comme le souhaitait Charles Méré à Séville. Il s’agit d’une organisation non gouvernementale de caractère privé dont le Congrès est désormais dénommé Congrès Mondial des Auteurs et Compositeurs. Les préoccupations d’ordre moral sont mises en avant car, regrette le rapporteur , « la CISAC…porte trop souvent une casquette d’Encaisseur. » Elle a une compétence
universelle. Tous les droits groupés sous le vocable de Propriété Littaire et Artistique devraient avoir droit de cité en son sein, et des démarches doivent être entreprises afin d’y intégrer les arts plastiques.
Au plan administratif, la distinction est désormais clairement établie entre les organes professionnels et les organes techniques. Si les Fédérations disparaissent, les auteurs gardent la faculté de débattre entre eux des questions professionnelles dans des conseils internationaux propres à chaque discipline. Auteurs, fonctionnaires apportent ainsi le meilleur d’eux même, chacun dans sa partie, de façon claire Avec son nouveau gréement la CISAC peut reprendre le large vers d’autres Congrès, d’autres aventures, fidèle à sa vocation de Société universelle, car elle ne peut laisser sans danger aucun peuple, aucune terre, vierges du droit d’auteur.
Soixante et une Sociétés font cercle à VIENNE du 24 au 29 juin 1968. Dans son rapport sur « le Rôle des Sociétés d’auteurs, » M. Jean-Loup Tournier met en évidence le danger qu’il y a à ne s’intéresser qu’au droit pécuniaire de l’auteur. Les Sociétés risquent alors de perdre leur indépendance administrative et tarifaire :
– Le droit d’auteur, c’est un faisceau de prérogatives, les unes d’ordre pécuniaires, les autres d’ordre moral. Si les Sociétés d’auteurs se contentent de traduire l’aspect purement pécuniaire du droit d’auteur, il est normal qu’on leur conteste l’exercice d’un droit exclusif, qui apparait arbitraire et en tout cas exorbitant au droit commun.
Thierry Maulnier, de l’Académie française, dans son exposé relatif au « Droit de l’auteur sur son oeuvre » lui fait écho :
– Qu’il s’agisse de la protection de l’oeuvre du créateur vivant, de l’oeuvre qui se trouve entre les mains des héritiers légaux ou de l’immense patrimoine actuellement sans défense réelle du domaine public, un rôle capital me parait donc devoir être dévolu aux Sociétés d’auteurs pour qui l’oeuvre ne doit pas seulement être gérée en tant que source de revenus matériels, mais en tant que partie intégrante de la culture.
Chaque Congrès est lesté de rapports solides et donne l’envol à des résolutions qui gagnent leur cible. Impossible de tout citer. Les voeux des Conseils et du Bureau s’ajoutent à ceux propres aux Congrès. Accompagnons la CISAC dans son mouvement perpétuel à la surface du Globe et au coeur des sujets les plus divers. En juin 197O le port d’accueil est LAS PALMAS. M. Jean-Alexis Ziegler succède à Léon Malaplate et devient le second Secrétaire général technicien.
Deux invités de marque ont la parole. Nous reviendrons sur l’intervention de Jean Fourastier. Antonio Buero Vallejo traite des « Problèmes du théâtre actuel. » Il oppose le théâtre protestataire au théâtre de consommation. Mais à ceux qui veulent révolutionner les formes théâtrales il rappelle :
– Sans texte rien n’est possible, nous devons établir un meilleur texte. Ce que nous nous efforçons de faire c’est de substituer la forme désuéte du texte par une autre forme plus authentique. Nous prétendons rendre aux paroles leur force première en leur ôtant tout ce fatras de faux rationalismes accumulés sur elles. Mais nous ne pouvons, en définitive, nous priver, ni des paroles, ni du texte. Le théâtre existera tant qu’il y aura du texte.
Des recommandations ont trait aux recettes publicitaires, aux plagiats, au classement des compositions et musiques électroniques, aux vidéo-cassettes…
La Convention de Berne et la Convention Universelle avaient été simultanément révisées à Paris sans esprit de concurrence, comme le souhaitait la Confédération. Valerio de Sanctis leur consacre le premier grand sujet traité lors du Congrès de
MEXICO en 1972. Si les techniques se démodent, elles se renouvellent aussi et « Le rôle des Sociétés d’auteurs vis-à-vis des nouvelles techniques de communication et d’exploitation des oeuvres intellectuelles » abordé par Denis de Freitas, demeurera de façon indéfinie une question d’actualité.
Les grands ensembles économiques réglementent la concurrence au risque de dénaturer les oeuvres de l’esprit en les considérant comme de simples marchandises. D’où deux études complémentaires, l’une sur « Le droit d’auteur et la législation antitrust aux Etats-Unis » par Herman Finkelstein et « Le droit d’auteur et la législation antitrust aux Etats-Unis. » par M. Jean Loup Tournier. Le prix Nobel Miguel Angel Asturias apporte la touche artistique et littéraire en se penchant sur « L’auteur, personnage honoré et ignoré, dont on aprécie l’oeuvre mais dont on nie l’existence. »
La CISAC joue ausi le rôle d’une Académie. Elle prépare à l’intention de ses membres un glossaire afin de faciliter leur compréhension mutuelle des termes et expressions relatifs à l’administration et l’informatique.. L’ouvrage est présenté à HAMBOURG en avril 1975, où les relations publiques des Sociétés sont également à l’ordre du jour dans un rapport de M. Edward Cramer (BMI). Le Dr. Schulze considère « Les nouveaux média audio-visuels » et M. Ferdinand Melichar (Wort) « La photocopie d’oeuvres protégées par le droit d’auteur. » M. Ndéné Ndiaye (BSDA) relève « L’influence du droit d’auteur sur le développement de la culture dans les pays en voie de développement. »
Le Congrès du cinquantenaire est organisé à PARIS avec éclat. La SACD fête son bicentenaire et la SACEM inaugure, face au quartier de la Défense, son nouveau siège à l’occasion de son cent-vingt-cinquième anniversaire. Débats et programme social sont à la hauteur de l’évènement. Dans son discours inaugural le président Armand Salacrou fait le bilan des activités d’un demi siècle d’activités de la Confédération et conclut :
– Avec leurs travaux, leurs recherches, leurs études, sensibilisés aux désirs obscurs et aux volontés claires des générations qui passent, les poètes sont le éclaireurs de la longue marche des hommes vers un avenir meilleur. Nous sommes en route. Avançons tous la main dans la main avec ferveur. Ne nous arrêtons jamais.
Renzo Rossellini enchaîne :
– L’histoire de la CISAC est celle d’un patient, d’un long, et même parfois d’un harassant labeur pour l’affirmation des droits moraux et matériels des créateurs des oeuvres de l’esprit afin que ces droits deviennent en tous lieux des valeurs universellement reconnues par la consécration du « droit d’auteur » comme tel et deviennent en même temps fondements des institutions juridiques de la société des hommes.
M. Michael Freegard s’interroge sur « l’Avenir du droit d’auteur » – nous en reparlerons – M Ulrich Uchtenhagen traite de « la Collaboration entre Sociétés confédérées, » M. Alain Decaux considère « la Création théâtrale contemporaine et sa diffusion : économie de marché ou régime de subvention, » etc…
Comme en 1926, des festivités entrecoupent les travaux. A la demande de la SACD la Comédie Française donne Cyrano de Bergerac avec un à-propos d’André Roussin, la visite du nouveau siège de la SACEM s’achève au Palais de la Conciergerie, la Société des Gens de Lettres ouvre ses jardins et salons, Hôtel de Massa, et les fééries de Versailles fixent pour longtemps dans les esprits un Congrès de rêve.
Le Haut Canada succède à l’Ancien Monde. Devant la multiplication des reproductions illicites, la Commission de législation, à Brugensctock, avait invité les artistes d’oeuvres plastiques à s’associer et à s’unir plus étroitement. Ce voeu trouve son accomplissement au Congrès de TORONTO, en 1978, avec la création, à l’instigation de la SPADEM, du Conseil International des Auteurs des Arts Graphiques et Plastiques et des Photographes. Plus de vingt Sociétés appartiennent aujourd’hui à ce conseil. Une telle réussite mérite d’être soulignée au moment où la SPADEM vient de disparaître, mais celle-ci appartient à l’Histoire et jouit d’une belle postérité. Grâce à elle la CISAC réunit maintenant tout le spectre de la création littéraire et artistique.
Le Congrès de DAKAR, en 198O, arime l’Afrique à la Confédération. Dans son allocution d’ouverture, le président Léopold Sédar Senghor convient :
– C’est un terrain tout nouveau, presque vierge en Afrique, qui s’offre à vos investigations. Ce terrain en friche, il vous faut le prospecter et l’aménager de façon rationnnelle, afin de mieux l’intégrer dans la culture de l’universel, dans ce patrimoine des oeuvres de l’esprit commun à toutes les nations du monde.
Le Directeur du Bureau Séngalais du Droit d’Auteur, M. Ndéné Ndiaye, montre, dans un remarquable rapport, à quelles conditions la profession d’auteur, dans les pays en développement, de mythe, deviendra réalité. Parmi les question d’intérêt général figurent également l’assistance aux pays en développement, la télévision par cable, les vidéogrammes, les satellites, les ordinateurs, les auteurs salariés…
En 1982, la SIAE fête son centenaire. La Société fondée par Carducci, Verdi, Boito, Praga, digne représentante d’un des pays phares du droit d’auteur, invite les congressistes à ROME, pour la troisième fois, du 3 au 8 octobre. 😯 Sociétés de 45 pays font le voyage, et l’on relève pour la première fois la présence de la Confédération Chinoise des Ecrivains et des Artistes, de la République Populaire de Chine, signe annonciateur de l’adhésion de la Chine à la Convention de Berne dix ans plus tard. De mémoire de congressiste on n’avait jamais vu lieu de réunion aussi fastueux que la palais Barberini. Les travaux se déroulent sous les regards des maîtres de la peinture italienne et l’on peut saluer « la Fornarina », maîtresse de Raphaël, en allant se laver les mains…
La flamme de la liberté court dans les débats et interventions. Lors de la séance d’ouverture le président Karol Malcuzynski, qui s’illustrera bientôt en refusant de voter en faveur de la déclaration de l’état de guerre en Pologne, observe avec un étonnement mêlé d’admiration:
– Que nous puissions, à une telle époque et dans un tel monde, nous rencontrer comme nous nous rencontrons – entre hommes de culture, entre auteurs et créateurs, sans antagonismes, sans vaines disputes et sans ressentiments – tient du prodige et mérite les plus grands éloges… Le rôle positif et éminemment pratique que joue notre Confédération – la CISAC – dans notre monde si douloureusement divisé est en vérité un rôle capital.
Eduardo de Filippo, sénateur comme son prédécesseur Vincenzo Morello, dénonce un paradoxe :
– Si d’un côté les techniques modernes facilitent la diffusion de l’oeuvre, de l’autre elles lient la création de l’auteur lui-même aux exigences d’un processus de production industrielle laissant une marge exigüe au développemment et à la maturation de l’artiste.
On retrouve dans la bouche du pape Jean-Paul II, lors de l’audience accordée aux congressistes en la salle Clémentine, le 8 octobre, des propos proches de ceux prononcés vingt ans plus tôt, à Rome même, par André Maurois, et rapportés en conclusion :
– Dans le même temps, ces possibilités nouvelles de diffusions de la culture vous confèrent des responsabilités accrues dans les domaines éthiques, spirituels et politiques. Répandre la culture ne saurait en effet se confondre avec un quelconque conditionnement des intelligences et des sensibilités. Bien au contraire votre tâche consiste à inviter chacun à entrer dans une libre rencontre des esprits et des coeurs. Il importe donc que votre désir de faire participer votre public à vos idées et à vos découvertes à travers vos oeuvres s’allie à un très grand respect de la liberté de tous.
Parmi les résolutions adoptées, citons la dénonciation des cessions des droits des auteurs aux diffuseurs d’oeuvres par les nouvelles techniques, au nom d’une prétendue sécurité juridique et celle de la modicité du prix du droit d’auteur. (Dans les vingt Etats où les statistiques sont disponibles 96% des auteurs dramatiques et des compositeurs reçoivent une rémunération inférieure à celle d’un ouvrier non spécialisé.) La prolifération des magasins de location des phonogrammes peut compromettre gravement l’activité créatrice et les intérêts économiques des auteurs. C’est le cas au Japon. D’où la percée nécessaire de la CISAC en Asie.
Dans cette partie du globe l’innovation des moyens de reproduction va de pair avec le sous-développement juridique. En nombre de pays, la copie privée appelle des solutions urgentes. Où mieux y réfléchir qu’à TOKIO ? C’est chose faite en 1984 à l’invitation de la JASRAC. Le seul Japon exporte en un an 46.4OO.OOO magnétophones et son marché intérieur absorbe à lui seul 85 millions de bandes vierges audio-visuelles. La situation du droit d’auteur dans le monde est passée au crible, avec un examen à part des traits spécifiques aux pays socialistes européens, par M. Mihaly Ficsor (ARTISJUS). Des résolutions sont adoptées région par région.
Au Congrès de MADRID, parmi les rapporteurs, M. Rodriguez Miglio (SADAIC) étudie la situation de la Convention de Berne en 1986, dont le centenaire est célébré en présence du Roi Juan Carlos. M. Boytha s’attache au « Développement des dispositions législatives relatives aux contrats d’auteur, » M. Bautista (SGAE) voit « les Sociétés d’auteurs garantes de l’indépendance de l’auteur, » le professeur Kernochan (Etats-Unis) énonce « les Conditions impératives d’une gestion économique et efficace des droits d’auteur, » et M. Jean Matthyssens dont c’est la dernière intervention après quarante années de Délégation générale de la SACD, fait le point sur « la Gestion et le contrôle des droits sur les oeuvres audiovisuelles. »
Tôt la CISAC s’est intéressée à la fiscalité. S’il est important d’aider l’auteur par des subventions ou des bourses, il ne l’est pas moins de le soumettre à un régime d’imposition adapté à sa condition. D’où l’adoption en 1988 à BUENOS-AIRES d’une Charte fiscale mondiale des auteurs. La copie privée, toujours préoccupante, justifie la présentation d’un nouveau rapport. M. David H. Horowitz étudie « la Relation créateurs producteurs vis-à-vis des nouveaux médias et d’eux-mêmes » et M. Thierry Desurmont montre les avantages présentés par « le Droit de destination, » pour faire entrer dans le champ du droit d’auteur diverses formes d’exploitation.
Plus le temps passe plus le droit d’auteur suscite des convoitises. Le développement considérable des industries culturelles conduit l’employeur à vouloir s’approprier les prérogatives attribuées à des auteurs salariés, d’autant que la multiplication des
intervenants conduirait à ne plus pouvoir considérer l’apport de chacun. Aussi Mme Margret Moller (RFA) choisit-elle de traiter au 37e Congrès de BUDAPEST, en 199O, de « la Protection et de la sauvegarde du droit d’auteur. »
– Ce qu’il nous faut plutôt est une loi où la revendication éthico-morale de l’auteur de jouir de la protection de l’oeuvre qu’il a créée constitue le point de départ immuable, loi qui, sur ce fondement, trouve un équilibre entre cette revendication de l’auteur et les intérêts légitimes du producteur.
L’avènement du Marché Unique Européen et l’élaboration de la nouvelle loi belge sur le droit d’auteur motivent la tenue du trente-huitième Congrès à LIEGE- MAASTRICHT du 18 au 24 octobre 1992, là même où, le 7 février précédant, par l’introduction de l’article 128 dans le Traité sur l’Union Européenne, la culture entre dans la sphère de compétence de la CEE.
Quel chemin parcouru depuis l’époque où la Commission voyait dans l’oeuvre de l’esprit une simple marchandise et suspectait toute Société d’auteurs d’abus de position dominante ! Avec patience et détermination la CISAC est parvenue à remonter ce courant contraire et à établir des liens de collaboration tant avec la Commission de Bruxelles qu’avec le Parlement Européen. Le président Jacques Delors a fini par considérer que « les oeuvres d’art ne pouvaient être mises sur le même plan que les automobiles et les réfrigérateurs. » Voici la gestion collective reconnue comme le mode le plus adéquat d’administration des droits des auteurs, et l’harmonisation des régime de protection est entreprise par référence aux lois les plus protectrices. Les années passant, l’Europe demeure exemplaire dans le domaine du droit d’auteur, tant au plan des principes que des réalisations. Pour l’avoir souligné le président Roman Vlad dit en forme d’excuse :
– Mesdames, Messieurs, certains d’entre vous se demanderont peut-être la raison de tant d’emphase pour traiter des perspectives européennes dans une assemblée qui comprend les cinq continents. Et bien, la réponse est simple. Les Pays européens fournissent les deux tiers du produit culturel mondial administré par les Sociétés de la CISAC.
Dans une communication attendue, M. J.F. Verstrynge donne les raisons de l’intérêt porté au droit d’auteur par la Commission.
– Nous faisons cela pour une raison très importante qui est que nous pensons – et c’est un raisonnement que nous faisons pour la Communauté, mais je pense qu’il s’applique dans tous les pays du monde – qu’il faut protéger la créativité, que la créativité est l’expression des différentes cultures.
Comme il se doit, les nouvelles techniques sont à l’honneur, par leur prolifération et la nécessité de les soumettre au droit d’auteur, mais le président du CIADL, L.F-. Rebello, entend déclarer :
– Il y aura toujours une place pour les écrivains, qu’ils écrivent pour la scène ou pour le livre.
Signalons que pour la première fois, au sein de la CISAC, il est question des droits d’auteur relevant d’une des disciplines les plus anciennes, la chorégraphie, mais également contemporaine, signe de la richesse des débats.
Depuis la réunion extraordinaire de l’immédiat après-guerre, aucun Congrès ne s’était tenu à WASHINGTON. Du 18 au 22 septembre 1994 ce sera chose faite, avec la participation de 112 Sociétés de 66 pays, dont Cuba, la Croatie, l’Estonie, la Lituanie
et la Slovénie. Les délégués seront reçus à la Maison Blanche par le président Bill Clinton.
Thème central du Congrès : Comment protéger la créativité au cours du siècle prochain ? Trois défis : Légiférer sur les nouvelles techniques, percevoir et répartir à l’âge du numérique.
Comme en écho et en complément de l’intervention de M. Verstrynge à Maastricht, Mme Milagros del Corral, directeur du « Département du Livre et du droit d’Auteur » de l’UNESCO remarque :
– Dans un monde qui est de plus en plus interdépendant sur le plan économique et techologique il ne faut pas négliger l’aspect culturel du développement si nous voulons éviter de futurs conflits où les identités culturelles semblent jouer un rôle idéologique.
M. M. Ficsor, Directeur général adjoint de l’OMPI se montre optimiste :
– Même si aujourd’hui on parle souvent des « problèmes soulevés par les nouvelles technologies, » il ne faut pas oublier qu’au fond tant le droit d’auteur que les droits voisins ont vu le jour justement afin de répondre aux défis de certaines nouvelles technologies et que si les nouvelles technologies créent de nombreux problèmes, elles offrent également de nouvelles possibilités de création ainsi que de nouvelles possiblilités de diffusion et d’utilisation des oeuvres et autres productions protégées par le droit d’auteur et les droits voisins.
En historien du droit d’auteur il démasque ceux qui utilisent l’évolution technique comme prétexte pour remettre en cause le fondement de la reconnaissance de certains droits. C’est là une attitude ancienne, déjà rencontrée avec l’apparition de la radio et du cinéma. Rien d’entièrement nouveau sous le soleil. Sans doute la définition des droits, leur sanction, les types de licences délivrées, les structures admnistratives devront-ils être révisés, mais toujours en se référant à l’essence du droit d’auteur.
L’auteur est la boussole de la propriété littéraire et artistique qu’il convient toujours de consulter, aussi les organisateurs du Congrès du 7Oe anniversaire de la CISAC l’ont-il mis au coeur de leurs préoccupations, avec comme maîtres mots : créer, s’organiser.
VII) PERSPECTIVE
Voir trente-six chandelles, c’est être ébloui. Pour son soixante-et-dixième anniversaire la CISAC nous en offre quarante, une par Congrès. Son oeuvre est considérable. Pas de domaine touchant à la vie des auteurs qu’elle n’ait investi, remué, fertilisé. Conventions internationales, lois nationales, nouveaux moyens de communications, gestion collective, relations intersociales font l’objet de son examen permanent, et 843 voeux et résolutions ont été adoptées dans la seule période 1926- 1972. Une, elle sait être multiple, s’adapter à la géographie par la création de comités régionaux : Afrique, Asie-Pacifique, Amérique-Latine, Europe. Restructurée en 1966, elle est de nouveau sur la planche à dessin trente ans plus tard, avec les mêmes objectifs : mieux protéger et défendre les droits des auteurs, mieux communiquer avec ses membres, développer et consolider le réseau de la gestion collective des droits des auteurs, assurer le succès du plan sur le Système d’information commun, rationaliser les réunions.
La loi universelle reste à l’ordre du jour, mais la Confédération a voté sa charte du droit d’auteur en quinze articles, et l’harmonisation du statut légal des créateurs, des conditions de perception et des modes d’administration de leurs droits, progresse, beaucoup par son action. Pas de réunion où se joue la condition des auteurs où elle ne soit représentée. Auteurs, techniciens, distinctement ou conjointement, ajoutent leurs compétences pour demeurer en prise avec l’actualité de la condition des auteurs, et la saisir dans ses aspects aussi bien artististiques, moraux, que juridiques et pratiques. Parlement des auteurs, la CISAC en est également le centre nerveux, la banque de données. Ouverte aux révolutions techniques, elle en canalise le cours par un ensemble de dispositifs juridiques et pratiques, afin d’éviter que dans leur folle avancée les nouveaux procédés de communication n’échappent à tout contrôle et n’asservissent ceux qu’ils ont vocation à émanciper.
Au point où nous sommes arrivés, nous pouvons nous poser deux questions : quelle place l’auteur occupera-t-il dans la société de demain ? Quelle manière aura-t-il de faire valoir ses droits ?
1) Quelle place pour l’auteur dans la société de demain ?
Le propre de notre société est une confrontation apparente entre l’esprit artistique et l’esprit scientifique au point que l’école scientiste, dès le siècle dernier, a même pensé que le second serait un jour en mesure d’absorber le premier. L’économiste Jean Fourastier fixe le domaine de chacun :
– La science est une démarche fondamentale qui explique, et qui seule explique l’évolution contemporaine, qui certainement continuera à caractériser l’humanité de demain par rapport à celle d’hier ; mais ce n’est tout de même pas la totalité de l’oeuvre d’homme ; il reste à l’esprit humain d’immenses domaines, en dehors du domaine scientifique, que la science ne pourra pas s’annexer, parce que ce n’est pas son métier et parce que ce n’est pas son aptitude.
J’emprunte cette citation à son remarquable rapport au Congrès de Las Palmas, deux ans après les mouvements sociaux de mai 1968, consacré à la relation entre « L’oeuvre de l’esprit et la société de consommation. » Il observe que la découverte scientifique ne porte pas la marque de la personnalité du savant à la différence de l’oeuvre littéraire et artistique.
Nous voici donc rassurés, l’auteur a encore de beaux jours devant soi. André Maurois en était convaincu. Son intervention au Congrès de Rome en 1962, sur « Le rôle de l’écrivain dans le monde moderne » mériterait d’être reprise en entier. J’en extrait ces lignes :
– Les rapports des arts et de l’esprit présentent un aspect permanent et un aspect temporel… Aux hommes de tous les siècles, les écrivains ont essayé d’offrir ce que l’expérience vécue leur refusait : l’union de la passion et de la contemplation….
Ceci posé un problème subsiste. L’emballement de la science expérimentale fait de l’art un objet de consommation avec le double risque d’un nivellement par le bas de la qualité des oeuvres pour plaire au plus grand nombre, et l’amenuisement du droit de l’auteur au profit du pouvoir de l’industriel.
La commercialisation, voire la composition d’une oeuvre de l’esprit, exige, de plus en plus, des capitaux hors de portée de l’auteur. Le détenteur des capitaux, par la position de fait qu’il occupe, tend à se substituer à l’auteur comme détenteur de droits. Ce n’est jamais qu’un retour à l’époque où le libraire recevait du Prince un privilège d’impression. Or le progrès social représenté par le droit d’auteur a justement consisté dans le mouvement inverse du transfert du monopole d’exploitation de l’industriel vers l’auteur.
Maintenir à l’auteur ses prérogatives est d’intérêt général. L’auteur jouit ainsi d’une plus grande indépendance qui n’est pas sans influer sur le degré d’originalité de son oeuvre. Ainsi résiste-t-il mieux à une standardisation des oeuvres de l’esprit. L’industriel y trouve son compte. En s’appuyant sur le droit de l’auteur, personne humaine, il est en meilleure posture pour lutter contre la piraterie qui ruine son investissement. L’unité du droit d’auteur commande, dans les accords commerciaux, d’accorder la même importance au respect du droit moral qu’au droit pécuniaire.
La liberté créatrice de l’auteur parait parfois menacée, paradoxalement, à proportion de l’audience qui lui est offerte. La technique, par le public touché, a des effets libérateurs, mais, soumise à une logique économique, elle phagocyte l’auteur au point de prédéterminer son oeuvre. Au moment où, par recherche effrénée du profit, on a conduit des animaux à dévorer les carcasses de leur propre espéce, avec à la clé l’épidémie de la « vache folle, » craignons que l’industrie ayant partie liée avec la culture, livrée à elle même, et se dotant d’une législation sur mesure, au lieu de s’associer aux créateurs, ne les emprisonne dans ses propres critères de rentabilité et de succès.
Le paysan donnant des farines animales a ses bêtes n’a pas le sentiment d’en détruire le système nerveux et de contaminer l’homme. De même le diffuseur ne pense pas atteindre le cerveau des gens par des programmes conditionnés. Au bout d’un certain temps le public, contraint d’ingérer de façon répétée des sous-oeuvres, dépérit de la condition de citoyen à celle de consommateur. L’industrie y gagne-t-elle pour autant ? A court terme oui, mais les campagnes d’abattage des cheptels contaminés peuvent avoir un jour leur pendant dans le domaine des programmes. Il faut à l’homme de vraies raisons de vivre, et il ne les trouve que dans l’exercie de sa liberté et l’expression de sa sensibilité.
La machine peut multiplier les rencontres fortuites, les collisions entre les mots, les sons, les images, elle peut se transformer en métier à tisser des perceptions. Mais rien ne remplacera la main du pianiste assemblant les notes qui s’aiment ou du peintre broyant le ciel sur sa toile. Les industriels auront beau écorcher l’auteur, en disséquer le corps et tenter de le recomposer en laboratoire, pour se passer de lui, ils n’en reproduiront que les tics, l’essentiel, l’âme leur échappera. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » disait déjà Rabelais.
Non, l’auteur vaut mieux qu’être transformé en pondeuse de batterie. Il convient de rappeler à l’industrice sa mesure. Elle n’est ni bonne, ni mauvaise, elle est ce que l’on en fait. Aussi doit-elle être tenue en respect, ou, plutôt au respect. Dans tous ses proptotypes, dans tous ses vaisseaux spatiaux de la pensée et de l’image, il faut un pilote, sinon, au lieu d’atteindre une planète, ils se perdront dans le désert de l’infinie solitude. L’auteur, par sa sensiblité, son originalité, et pour autant qu’il dise la vérité, comme le lui demandait André Maurois, sert de copilote à l’utilisateur, il l’aide à maîtriser la merveille technique mise à sa disposition et lui évite d’être soumis, sans le recul nécessaire, au pouvoir d’attraction de la machine. Les chaînes aujourd’hui sont
électroniques, et les prisons transparentes dressent autour des hommes les murs des images virtuelles.
A Hambourg, en 1956, lors de la mise à jour de la doctrine de la Confédération telle qu’établie à Séville en 1935, il fut rappelé que « dans le domaine des oeuvres de l’esprit on ne peut admettre une paternité qui ne soit pas celle de la personne physique du créateur de l’oeuvre, et que c’est à ce dernier que doit toujours être orginellement attribué le droit d’auteur. » L’oeuvre « n’est pas une marchandise quelconque. » La distinction chère à Robert de Flers entre l’intermédiaire honnête, actif, utile, et le parasite, demeure.
Donnons maintenant la parole au président Edgar Faure, autre orateur inspîré du Congrès du cinquantenaire :
– Il est certain que les grandes créations de la technologie industrielle ne sont pas issues de la préoccupation esthétique ; mais si justement il nous appartient d’assurer la compatibilité entre l’exigence de la production des biens et la demande de beauté, nous devrions compenser par une création culturelle intense les nuisances qui s’attachent au développement monstrueux, mais irréversible, des productions matérielles.
De nouvelles formes d’art seront expérimentées, des auteurs de types nouveaux apparaîtront, mais il devront toujours faire preuve d’originalité et de sensibilité. Dans sa conclusion, le président académicien lança mi-rieur mi-sérieux :
– Si nous voulons surmonter l’épreuve de la métamorphose, de la révolution scientifique et technique, il faut nous préparer à l’idée que chaque homme des temps nouveaux sera non seulement un consommateur mais un créateur de culture. Vous aurez ainsi un jour, Mesdames et Messieurs, des millions et des millions de collègues ; mais, rassurez-vous, cela fera beaucoup de lecteurs et d’auditeurs.
Aujourd’hui où les ordinateurs sophistiqués entrent dans les foyers le propos a de quoi laisser rêveur. Mais comme il y a les peintres du dimanche, il y aura les amateurs de la créativité informatique. Le professionnel restera identifiable. On attribue à André Malraux cette observation : « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » On pourrait dire d’autre manière :
– Le XXIe siècle sera culturel ou ne sera pas.
2) Quelle manière, pour l’auteur, de faire valoir ses droits ?
Le droit d’auteur demeure-t-il adapté aux nouveaux moyens de communication ? La CISAC contient une bibliothèque de rapports à ce sujet et les Congrès à venir en ajouteront sans fin. Il est permis de dire aujourd’hui que les notions de droit de représentation, de reproduction et de destination permettent encore de faire face aux situations en apparence les plus complexes. L’auteur n’est donc pas dépourvu d’instruments juridiques pour asseoir son droit.
Bien plus, la gestion collective, inventée à la fin du XVIIIè siècle par J.-B. Framery, offre toute la souplesse nécessaire d’adaptation de la règle à la réalité économique, et permet de rejeter l’accusation d’archaïsme du droit d’auteur. Née au moment où le cinéma, le disque, la radio donnaient à l’auteur de l’époque un sentiment de précarité sur la maîtrise de son oeuvre, la CISAC est là pour rappeler à l’auteur d’aujourd’hui, par l’oeuvre accomplie, qu’il ne doit pas désespérer du lendemain, et qu’elle saura
dégager pour lui les outils juridiques et techniques lui permettant de surmonter les défis des techniques à venir.
Imaginons l’organisation de la gestion future. Firmin Gémier rêvait d’une Société universelle réunissant tous les participants à la vie théâtrale. Verra-t-on un jour la CISAC se muer, de Confédération, en Société tentaculaire, concentrant les apports des auteurs du monde entier, toutes disciplines confondues ? Dans l’ordre du politique, la tendance est au regroupement des Etats, et les nouvelles entités administratives génèrent, comme on l’observe en Europe, des organes communs de défense et d’administration.
En contrepoint des associations d’Etats, le régionalisme revient en force. Ainsi les auteurs, contraints de se regrouper dans des ensembles plus vastes, plus forts économiquement et juridiquement, désireront, par réflexe identitaire, former des cellules à dimension humaine où débattre entre eux de leurs préoccupations artistiques et professionnelles. De telles associations graviteront, tels des électrons plus ou moins libres, autour du noyau dur des Sociétés d’Auteurs pluridisciplinaires, car il est douteux que les Sociétés spécialisées, au moins dans le domaine dramatique et littéraire, puissent longtemps garder leur individualité. L’exemple de la C.I.S.A.C. évoluant, des Fédérations autonomes, en une direction centralisée avec des Conseils Internationaux professionnels, est en lui même significatif.
La défense des auteurs exige l’efficacité administrative, mais sous condition que l’auteur continue d’irriguer sa Société de sa présence, de son esprit, de sa sensibilité. Bref, il doit en demeurer la bannière qui claque au vent, même si la hampe est dans la main du technicien. Le droit matériel repose sur le droit moral, et si la morale fait défaut, il n’y a plus de droit d’auteur. Ce sens moral, socle du droit d’auteur, ne sera pris en compte qu’autant que la Société qui le revendique le respecte en son sein même, dans toutes ses actions. Sinon sa crédibilité serait mise en défaut et son autorité en souffrirait. L’auteur, c’est l’homme. Sa force est dans son humanité même. Chaque fois qu’il cherche dans son interlocuteur à toucher l’homme, sa cause avance, car nul ne peut rester entièrement insensible à ce qui le fait homme.
Dans cet esprit les auteurs ont anvantage à privilégier et à mettre en première ligne ceux d’entre eux dont les oeuvres sont marquées au coin de la personnalité la plus forte. Sinon, la dépersonnalisation de l’oeuvre a pour corollaire la susbstitution de la rémunération forfaitaire due au simple technicien, à la rémunération proportionnelle.
*
LE COMBAT DE L’AUTEUR
– O O oh ! aye de moi !
Ainsi s’écrie Figaro lorsqu’il découvre qu’il est le fils du docteur Bartholo. Ce pourrait être celui de la CISAC devant Romain Coolus. Elle pouvait espérer un père plus célèbre, de stature artistique universelle. Mais applaudissons la nature. Romain Coolus a bien mérité d’être deux fois président d’honneur ; il a mis au monde un bel enfant qui prospère de décennie en décennie, et dont les traits sont frappants de ressemblance avec ceux de ses illustres ancêtres Beaumarchais et Victor Hugo. La CISAC donne à l’auteur le don d’ubiquité, elle lui permet également de faire entendre sa voix et d’éviter, où que ce soit, que son sort ne se joue sans lui.
Est-ce à dire que l’auteur n’a que des droits ? André Maurois, dont nous avons déjà cité un extrait de l’intervention, le voyait obéir à trois impératifs. (Nous étions en pleine guerre froide.)
– Il doit dire la vérité ; il doit chercher la beauté ; il doit enfin défendre la liberté parce que sans liberté point de vérité. Son rôle n’est pas de faire oeuvre de propagande… L’écrivain n’a pas à dire : « aimez les Américains, les Anglais, les Russes. » Son devoir est de peindre des Américains vrais, des Italiens vrais, des Russes vrais, avec leurs vertus et leurs faiblesses… Je ne demande pas à l’homme d’être engagé dans un parti ou dans une secte ; je lui demande d’être charitable et d’aider les hommes à se comprendre les uns les autres….
Le droit d’auteur est greffé sur la morale. Michael Freegard, longtemps directeur de la PRS, dans un rapport éclairé sur « l’Avenir du droit d’auteur, » présenté au Congrès du cinquantenaire, concluait de façon profonde :
– Dans toute communauté civilisée, sous peine de la voir se désintégrer, les notions d’impératifs moraux constituent un aspect essentiel de la vie et je suis persuadé que, dans toute communauté, les rapports existants entre l’auteur, son oeuvre et les tiers qui désirent utiliser celle-ci, sont de nature à s’assurer une reconnaissance étendue, sinon universelle, à condition que la notion soit exprimée en des termes qui se rattachent à l’expérience et à la compréhension de la communauté particulière dont il s’agit… »
Si la CISAC, selon le voeu d’Aristide Briand, reste étrangère, depuis sa fondation, à la politique, elle n’en a pas moins marqué son attachement absolu aux droits de l’homme, en manifestant sa solidarité avec tous « les auteurs en danger » par une déclaration adoptée sur la proposition de son vice-president M. Claude Brulé.
Beaumarchais, révélateur du droit d’auteur considéré comme un droit de l’homme, disait : « Ma vie est un combat ! » Le combat de l’auteur est le combat de l’homme, il est la meilleure cause qui soit, elle ne peut être perdue car tant qu’il y aura des auteurs, il y aura des hommes libres !
TABLE Introduction : Soixante-Dix !
I) L’AVENEMENT DE LA MODERNITE :
1) La révolution des auteurs :
2) La révolution des Sociétés d’auteurs : II) LES CONGRES FONDATEURS :
1) L’amorce de Paris : 1926.
2) L’explosion de Rome : 1927.
III) L’ENRACINEMENT : 1928-1935.
3
4
4 5
9
9 16
21
Jacques Boncompain
IV) L’EPREUVE DE LA GUERRE :1936-1945.
V) LA RENAISSANCE : 1946-1965.
VI) METAMORPHOSE ET CONQUETE DU MONDE : 1966-1996.
VII) PERSPECTIVE :
27 31
35 43
1) Quelle place pour l’auteur de demain ?
2) Quelle manière, pour l’auteur, de faire valoir ses droits ? 47
Conclusion : Le combat de l’auteur : 49
C’est tout nouveau.
– Dites-moi Albert, vous vous sentez mal?
44
– Le majordome : C’est la C.I.S.A.C. Monsieur, j’étais seul avec elle, et puis de la voir filer avec un autre…
– Le Patron : Vous inquiétez pas. J’arrangerai-ça. Vous lui avez montré vos vers ? – Le majordome : Non Monsieur, je comptais plutôt sur une chanson.
– Le patron : Dites, voir?
– Le majordome : CISAC CISAC
OSA STEMRA ASCAP BUCADA JASRAC COMPASS CASH
– Le patron : C’est pas très compréhensible, mais ça se danse… Tenez… CISAC, CISAC…
– Le majordome : Quand elle descend, ni une ni deux, je l’invite… – Le patron : Je vous l’interdit.
– Le Majordome : Elle ne pourra pas refuser. Je suis auteur !
S’il se place uniquement sur un plan économique, il sera balayé par plus fort qe lui. Le droit d’auteur droit de l’homme est el droit d’auteur tout court. De la mùême fgaçon, les auteurs dont le dfe grés d’origilnalité des oeuvres est le plus faible auront toujours intérêtrêt bien compris à mettre en avant ceux dont le degré d’originalité et la plus gerande, sinon, ilsseront traités comme des salariés et perdront le droit à rémunéraion proportionnelle. Aussi doivent-iuls avoir la modestie de s’effacer derrière les grands et éventiellement d’éccepter d’accorder à ces derniers une rémunération plus forte que la leur dans la mesure où les oeuvres à fort degré d’orginalité ne sont pas nécessairement les plus exeploitées. Ainsi la surrémunération compensera-t-elle la sous exploitation. Enfin les Société d’Auteurs doivent, dans leur fonctionnement, ne pas se confondre avec les Sociétés Commerciales et Intdustrielle car elles contribueraient sinon à ba,naliser l’idéentité de l’auteur et à se coiper de leurs membres. Il faut trouver un justeéquilibre entre les prérogatives de l’administration, et ls prérogatives des sociétaires, seule manière que la Société ait une personnalité, qu’aux yeux des usagers elle apparaisse comme le repréentatn de l’auteur et non une usine ou une administration quelconque,ce qui affaiblit alors son action et entraîneun rejet du droit d’auteur pérçu comme une taxe, un paiement injustifié. Enfin, si l’auteur s’appuie sur la moral, cette morale doit être pratiquée au ssien des Sociétés car on ne peut revendiquer une éthique que l’on ne pratique pas soi-même. Il y là une cohérence à sauvegarder, sinon, là encore, il y autra affaiblissement de la position de l’auTeur.
Philippe Seguin, président du parlement français, disait le 3 juin, en ouvrant à Paris la Conférence organisée par l’U.N.E.S.C.O. et l’UIP, l’ Union Interparlementaire sur les en,jeux de l’éducation, et de la culture et des autoroutes de l’information, qu’il fallait « se méfier d’une fausse « culutre mondiale » qui conduirait à une souculture mercantile, banalisatrice et destructrice des identités. » Le Figaro du 4 juin 1996.
Tant qu’il y aura des auteurs, il y aura des hommes ! ***
EPILOGUE
– A ce moment je replonge dans mon rêve du début. Je retrouve le majordome aux pieds de la belle étrangère. Il la couve des yeux. Brusquement elle se lève. Un garçon est entré, les manières un peu gauches, col ouvert, cheveux fous, oeil brillant. Il toise le hall du regard. Dès qu’il voit la jeune femme, il réfrène un élan, prend la pose. Elle s’élance vers lui. Bon prince, il lui ouvre les bras. Suit un baiser hollywoodien. Le majordome, décontenancé cherche où se mettre, et regagne piteusement sa place derrière le comptoire. La voyageuse, enfièvrée, veut entraîner son amant dans les étages.
– Lui : Tu veux une chambre ?
– Elle : Vite !
– Le majordome : A quel nom ?
– Lui : L’Auteur.
– Le majordome : L’auteur de quoi ?
– Elle : L’Auteur tout court. Je préfére une suite.
– Lui : J’ai pas le sou.
– Elle : E moi j’en ai.
– Lui : Toujours prévoyante.
– Elle : Je te connais… Vous la mettrez sur ma note.
– Le majordome : Madame la C.I.S.A.C., avec le Congrès ?
– Elle : Bien sûr, ça en fait partie. L’ascenseur les enlève quand surgit le patron.
– Lepatron:Quisontcesdeuxlà?
– Le majordome : La C.I.S.A.C. et l’Auteur.
– Le patron : Joli couple !
– Le majordome : C’est à voir, il m’a l’air de se faire entretenir.
– Le patron : Ma parole, vous êtes jaloux !
– Le majordome : Soixante dix ans que ça dure.
– Le patron : Non ? Il faudra que je leur demande leur secret. Une coupe de champ’
pour me remettre, sur le compte du Congrès.
– Le majordome : Vous pouvez. Il vient de commencer.
Ah la Folle Journée, Figaro épouse Suzanne, l’art dramatique
Les griffes sont rentrées, les visages détendusLa métamorphose est si manifeste et imprévueVoilà ce qui frappe Robert de Flers si fort, qu’il demande la parole e débonde son coeur : « N’est-il pas vrai que de notre entretien se dégage une émotion profonde et douce qui monte jusqu’à notre cerveau.
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INTRODUCTION
Le droit d’auteur est un droit naturel qui manque de naturel si bien que leur conquête est de tous les instants sur la merce dl’ignorance. Parler d’une Société d’autur c’es évoquer deux deux contraires. L’auteur est d’esence individualiste. Uni les auteurs, copmme le fit Beaumarchais, en Société, relevait du produge. Le prodige a été renouvelé avec la Con,fédérations des Sociétés d’Auteurs car à ‘lindividualisme des auteurs correspond celui des Sociétés. Force est de constater que le droit d’auteur n’a pris sa dimension aqu’avec la gestion collective et que cette gestion n’a pu franchir une étape décisive qu’avec la confédération des Sociétés d’Auteurs.
L’article 4 des statuts de la Confédération tels qu’adoptés à Berlin le 16 avril 1927 stipulait : la durée de la confédératin est illimitée. Aussi n’y -a-t-il aucune chance d’attendre son terme pour faire le bilan de son action. Profitons de son 7O anniversaires pour marquer une pause. 7O ans, c’est la nouvelle durée adoptée en Europe afin de tenir compte de l’évolution de l’espérance de vie et de permettre à l’auteur detransmettre la dispositon de son répertoire à ses petits enfants en tenant compte de l’évolution de l’espérance de vie.
CONCLUSION
Inscrire la déclaration de Valerio de Sanctis en 196O au Congrès de Buürgenstock. p.25. Ce qui vaut pour la Commission de Législation vaut pour la CISAC.
Discours d’André Maurois. « Le rôle de l’écrivain dans le monde moderne. »
« Je ne demande pas à l’homme d’être engagé dans un parti ou dans une secte ; je lui demande d’être charitable et d’aider les hommes à se comprendre les uns lm-es autres.. Victor Hugo, parlant en 1878 devant un congrès littéraire international comme celui-ci, s’écriait : »Messeiurs il y a un Romain qui est célèbre par une idée fixe. Il disait « Détruisons Carthage ! », j’ai moi aussi une pensée qui m’obsède, et la voici : Détruisons la haine. Si les lettres humaines ont un but, c’est celui-là. Humaniores litterae… » Congrès de Rome 1962. p.23.
_______________________________________________________ ETUDES A FAIRE AU SIEGE DE LA CISAC
1) Réintégration de l’ASCAP?
2) Départ et retour de la SACD.
3) Histoire de la CISAC.
4) Répertoire des décisions et réunions. (Publication en, 1955 pour la période
1926 1952.) Hambourg. 1956 p.219.
5) Evolution du mode de gouvernement de la CISAC. Organes, dates, modes
d’élection.
6) Raports entre petites et grandes Sociétés.
OBSERVATIONS DE DOMINIQUE ARRIGHI
L’auteur est dépendant de l’Editeur qui lui permet d’être diffusé sinon, l’oeuvre non communiquée n’existe pas. Est-ce que l’auteur réalise une oeuvre de commande ou est-ce qu’il écritspontanément cequi lui tient à coeur ? Le propre de la télévision est une capacité de diffusion immédiate pour tous. A certaines heures on peut toucher un public considérable. L’objectif est donc d’avoir le maximum de spectateurs à soi. Ainsi, à l différenc du livre, l’auteur n’est plus libre. Il y a drame lorsque l’oeuvre ne correspond pas à l’auteur.
LE LIVRE EST A SYNCHRONE PAR RAPPORT AU PUBLIC :
Tandis que la TV est synchrone. Tous enmùe^me temps. Effet libérateur du magnétoscope.
TV : PRINCIPE DE SIMULTANEITE :
Les contraintes varient d’une technologie à l’autre.
Le risque, c’est le prêt à penser.
INTERNET :
La seule hiérarchie c’est le nombre. Donne de l’importance à ce qui a le plus de documentation mais qui n’a pas nécessairement plus de valeur. Internet pôursserait l’auteur, par l’effet de nombre, à se répéter pour être en tête dans la sélection assurée par les robots et être le plus lu. Le robot est quantitatif et non qualitatif.
Le vecteur utilisé, par sa logique économique, fait peser un risque différent en terme d’imposition de l’oeuvre de commande. Les nouveaux média sont soumis à des logiques économiques qui fagocitent de plus en plus l’auteur, s’imposent à lui au point de prédéterminer l’oeuvre, alors que la technique a, par le public touché, des effets libérateurs. Donne accès rapridement à un public nombreux. L’auteur est à la fois libéré et fagocité.
VACHE FOLLE :
Comparaison entre la nourriture du corps infectée et la nourriture intellectuelle. L’agent économique n’a pas le sentiment de réaliser une infraction grave. Il prend avec l nature ou les oeuvres une liberté qu’il pense limitée. A donner de la nourriture animale il ne pensait pas qu’il porterait atteinte au système nerveux des vaches. Dee mêm on ne pense pas atteindre le cerveau des gesn par des programmes conditionnés. Ne pas diaboliser. Pas d’intention maléfique. Mais l’effet dépasse l’intention, surtout par l’effet de masse.
MEDIA
Pour chaque média voir quelle es la contrainte imposée à l’auteur. MORALE :
Il ne faut pas que l’auteur se substitutue à l’utilisateur. Il doit y avoir copilotage entre le pubblic et l’auteur de manière à ce que cedernier garde sa liberté et nesoit pas soumis sans défense à l’attraction de la machine.
a) L’auteur.
b) Le lecteur.
c) Le médiateur : L’Editeur.
L’éditeur devrait se bortner à faciliter la mise en relaton de l’auteur avec le spectateur. Il dérape lorsqu’il , pour des raisons économiques, il faut faire ceci ou cela…(Pierre : marchand de tableau : faites des bouquets.)
L’Editeur a sa logique économique. Pb. Comme il n’est pas auteur, il ne devrait pas dire à l’auteur faites ceci plutôt que cela. Chaque technologie est porteuse de contraintes spécifiques.
TV = CONTRAINTE = SIMULTANEITE. L’Editeur ne pense qu’à ça. Tandis que l’idée d’heure n’a rien à voir avec le livre.
L’Editeur de télé ne pense qu’à ça. La TV a sa caractéristique qu’on peut traduire en risques d’oeuvres de commande.
Les média sont exclusifs, ils se font concurrence. Si je lis un livre, je ne regarde pas la TV. Idem puir le cinéma. Le spectateur ne peut pas simultanément regarder trois choses.
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