Courriel adressé le 4 mars 2021 à M. Jean Chichizola
En réponse à son article publié le même jour au Figaro.
Monsieur,
L’an dernier, à pareille époque, vous écriviez un article sur la destruction du port de Marseille qui avait justifié une réponse de ma part avec proposition de vous rencontrer pour en parler et je n’ai reçu aucune réponse de votre part.
Vous récidivez aujourd’hui dans le même esprit en jouant la même petite musique grinçante. Il me semble que vous appartenez à une certaine école dénoncée par Annie Kriegel que j’ai citée dans mon dernier livre Je brûlerai ma gloire, auquel je me permets de vous renvoyer p.393, car il traite à bras le corps de la question juive.
Il est malsain de hurler avec les loups et de réclamer la justice en biaisant, en reproduisant les mêmes erreurs et approximations.
Deux questions se juxtaposent, la réhabilitation du Vieux port et l’arrestation de personnes.
Quant à la réhabilitation, André Malraux a agi dans le même esprit en Avignon, au quartier de la Balance, donnant le là à des opérations identiques dans la France entière, y compris à Beaubourg, jusqu’à ce que les amoureux du patrimoine prônent la rénovation et non la table rase à l’allemande initiée à Marseille.
Début 43 à Marseille, les Allemands n’ont pas laissé le choix au gouvernement de la France et « Vichy », comme vous dites, a tenté de réduire le périmètre des destructions et de limiter les arrestations. Le rattachement de la police au gouvernement était suspendu en cas d’attentas, ce qui fut le cas.
Votre désolé,
Jacques Boncompain
Née d’une famille juive d’Alsace-Lorraine, l’historienne Annie Kriegel observera : « Il y a une jeune école historique qui veut mener une sorte de guerre privée et qualifiée d’héroïque contre le gouvernement de Vichy. Il me paraît absurde de renverser les choses au point de dire que non seulement le gouvernement a été complice mais qu’il a pris l’initiative d’une entreprise de répression[1]. » Elle fait écho à Simone Weil qui de New-York écrivait au professeur Jean Wahl, en novembre 1942 : « Je n’aime pas beaucoup entendre des gens parfaitement confortables ici, traiter de lâches et de traîtres ceux qui en France se débrouillent comme ils peuvent dans une situation terrible… Je crois que Pétain a fait tout ce que la situation générale et son propre état physique lui permettaient de faire pour limiter les dégâts[2]. »
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